m
X i j DI S C O U R S
ne sont exposées à aucun ti-ouble qui les exalte d'une manière continue. Lorsqu'un individu
est vivement agité par la crainte ou par la douleur, l'éclat de sa peau se ternit; ses joues
deviennent flasques, livides ou jaunes. J e publierai, dans ce Recueil, le portrait d'un malheureux
serviteur, ([ui voyant son maître conduit au supplice ignominieux de l'échafaud, fut
universellement couvert d'une Dartre furfuracée. J'ai vu une lemme dont la peau fut soudainement
marquée d'une éruption papulcuse, par la simple annonce d'une nouvelle fâcheuse. Dans
ces occasions, il se déclare même des exanthèmes, dont on ne sauroit trop définir la nature,
parce que leur aspect n'est pas toujours le même. On connoit les taches rouges qui déparent
la face de ceux (|ui se livrent à des mouvemens habituels de fureur, etc. : j'offrirai en conséquence
les différens traits que j'ai pu réuuir à ce sujet.
XXXI. Quand on parcourt l'histoire des peuples, on trouve les phis grands rapports
entre leurs maladies et leur genre de vie. L'influence des moeurs et des causes politiques, ne
sauroit donc être méconnue par les praticiens philosophes. Si l'on jette un coup-d'ceil sur les
nations civilisées , on verra+[ue les anciens Grecs avoient à j>eine apperçu ces dégradations du
système dermoide, sans doute à cause de la sévérité du régime qu'ils observoient. Le célèbre
M. Willan lait remarquer que, du temps d'Homère , elles dévoient être peu communes,
puisque cet immortel poète n'en fait prescjue pas mention ; il décrit seulement, d'une manière
confuse, les excrétions dégoûtantes qui souillent la peau des indigens. Hérodote, Thucydide,
DIodore de Sicile, ne parlent de ces maladies que comme de quelc|ues fléaux rares, répandus
çh et là, et qu'ils ne connoissoieut C [ u e par tradition ou par renommée. Ils s'imaginoient qu'elles
étoient l'apanage des Barbares, corrompus par le luxe : d e là vient tiue les Perses en redoutoient
si fort l'introduclion dans leur pays. Les Romains, avec leur pureté austère, se croyoient
également hors de leur atteinte. Ces honteuses éruptions étoient reléguées, chez eux, parmi
les animaux et les esclaves. Mais la dépravation s'accrut ; on négligea les exercices du Champ
de Mars ; on s'abandonna à la paresse, à l'oisiveté, à la débauche, à l'ivrognerie ; et de là une
source bien féconde de maladies cutanées. Ni les Germains, ni les Gatilois, ni les Bretons
laborieux et guerriers , n'avoient contracté ces déplorables affections avant le commerce des
Sarrasins. Les peuples, en se mêlant, ont fait un cruel échange de maux. On gémit sur le
triste sort de l'humanité, quand on songe que le mal affreux (|ui attaque les plus précieux
organes de la reproduction et de la vie, a dû peut-être son introduction en Europe à des circonstances
politiques.
§. X X X H. A ces causes que je viens d 'énumérer , on peut en joindre d'autres qtii sont d'autant
plus désastreuses, qu'elles se prolongent de génération en génération : telles sont, par
exemple , celles qui tiennent à une disposition originelle. Des laits, irrécusables prouvent
que les familles humaines se dégradent, par le triste héritage des maladies qu'elles se transsnettent
dans la succession des siècles. J'ai observé, à l'hôpital Saint-Louis, que les différens
virus peuvent se modifier à l'infini dans l'économie animale, et produire les altérations
cutanées les plus extraordinaires. Une ièmme qui avoit éprouvé, pendant sa grossesse, une
Petite-Vérole conlluente, mit au monde un enlant mâle, lequel étoit recouvert d'une Dartre
squammeuse, dont l'aspect éloit hideux. Un homme étoit en proie à la Goul te, et cette allectiou
douloureuse avoit pris le caractère herpétique , chez deux filles auxquelles il avoit donné
le jour, li arrive souvent que les miiladies cutanées passent des pères aux enfans, avec des
symptômes rigoureusement semblables. Nous avons sous nos yeux, un jeune honmie qui a
ainsi hérité d'un Cancer, lequel occupe les lèvres et une partie des fosses nasales. Les deux individus
dont l'épiderme se convertit en écailles, et (|ui parcourent aujourd'hui l'Europe pour se
montrer à la curiosité publique, oui reçu de leur aieul, cette altération physiijue si extraordinaire,
ainsi (|ue le conslalenl les journaux scientifiques du temps. Concluons généralement
qu'il n'est point de maladies qui se perpétuent plus laeilement par des causes purement héréditaires,
que celles qui intéressent la peau et le système lymphaticpie : telles sont les Dartres,
P R É L I M I N A I R E . „¡¡j
les Scrophules, le Prurigo, le 'Vice Vénérien, etc. On verra plus bas, que rien n'est [»lus
difficile à déraciner que ces dispositions morbifiques, ainsi transmises d'âge en âge, parce
qu'elles s'identifient si énergiquement avec l'économie humaine, qu'elles constituent, pour
ainsi di re, une seconde nature.
QUATRIÈME SECTION.
Zfes Phénomènes physiologiques que peut révéler l'étude des Maladies
de la Peau.
S. XXXI I I . S'il est vrai qu'il faille généralement considérer l'étude de la Physiologie
comme une introduction nécessaire à celle de la Pathologie , on doit avouer que la Pathologie
fournit, à son tour, des leçons très - étendues sur la Physiologie. Je n'ai donc pu diriger
toute mon attention sur la nombreuse classe d e maladies qui font le sujet de cet ouvrage, sans
approfondir en même temps les notions qu'on a déjà acquises sur les propriétés vitales du
système dermoide. Aucun système , d'après mes remarques , n'est plus éminemment organisé
pour l'exercice de la sensation : chaque point de sa surface a, pour ainsi dire, son mode de
plaisir ou de douleur. La portion de la peau qui est pourvue d'une plus grande quantité de
nerfs , est aussi celle qui est le plus exposée aux éruptions morbifiques ; de là vient que les
tégumens de la face humaine sont si souvent dégradés par les hideuses empreintes de la
Peùte-Vérole, des Dartres, des Scrophules, etc. Les personnes dont la peau est d'une susceptibilité
très-irritable, sont aussi celles qui sont les plus sujettes aux Erysipèles, etc. Ne faut-il
pas conclure de ces observations, que toutes les circonstances qui concourent à l'excitcment
des propriétés vitales dti système dermoide , doivent favoriser le développement de plusieurs
maladies dans ce même système? Les mouvemens de la dentition font naître, sur le visage des
enlims, des papules d'une couleur rouge : les éclats de la puberté s'expriment par des boulons
phlegmoneux. Chez les femmes naturellement très-sensibles, le phénomène de la conception
ternit la peau, et la couvre de rousseurs que l'accoucliement fait disparoitre : ces femmes sont
alors fréquemment assaillies par la fièvre miliaire \ et quelquefois il leur survient des efflorescences
qui durent plusieurs aimées. Au surplus , ce qui prouve que les forces vitales ont une part
très-active au développement des maladies cutanées , c'est que les éruptions des Dartres et celles
de la Gale s'affaissent considérablement après la mor t , ainsi que nous avons pu nous en assurer
par un grand nombre d'autopsies cadavériques. D'une autre part , il importe de remarquer ,
que le système dermoide subit une multitude d'altérations , lesquelles ne proviennent
que d'un affolblissement extraordinaire , introduit dans l'exercice de l'irritabilité et de la
sensibilité : telles sont les ecchymoses , les taches scorbutiques, les pétéchies , et autres affections
de ce geure. Les Dartres furfuracées ou squammeuses, que les vieillards éprouvent dans
les extrémités inférieures , sont dues à l'état d'atonie générale qui existe dans leur économie.
Un homme dont le travail consistoit à décharger le bois qui arrive sur la Seine, fut contraint,
un jour d'hiver , de se plonger dans l'eau jusqu'à la ceinture. Frappé d'un engourdissement
subit, il tomba, et fut ramené par ses camarades sur le bord de la rivière. Depuis ce temps,
la peau de ses mains et de ses pieds est devenue roide et presqu'insensible ; il a perdu jusqu'à
la faculté de se livrer aux plaisirs de l'amour, et son corps est parsemé de plaques violettes et
bleuâtres , d'une forme très-variée. Cette affection singulière disparoit toutefois momentanément,
quand on soumet le système dermoide à une douce chaleur, ou à des lotions tièdes et
stimulantes. C'est par un mécanisme d'action analogue, qu'une violente fièvre, soudainement
suscitée, fait souvent évanouir des Dartres chroniques, qu'on croyoit inguérissables. Cette
double considération physiologique, que nous venons d'établir, touchant l'exaltation excessive
ou la prostration extrême des forces vitales de la peau , donne , pour ainsi dire , la clef des
procédés curatifs.
d