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DCLXXXTX. Lc traitement clcs Sypliilides a été singulièrement perfectionné clans ces temps modernes. Dans
l'origine de ces aiTrcusesc-ruplious, on n'employoit que des végétaux qui avoient acquis une grande renommée,
quoi([ue leur aciion fût presque toujours insuffisante. On sait que Gonzalve Ferrand fît tout exprès un voyage
aux Indes Occidentales pour cliercher un remède à ses sou (Trances, et qu'il en rapporta le gayac. On ajoute qu'à
son relour en Espagne, il établit une sorte de spéculation sur ce bois précieux, et qu'il s'eni'ichit par la vente
de cc renicde, qui éloit dans u» grand crédit et d'un prix énorme. Le sassafras, la salsepareille, la squine, &c.,
ont été pareillement en grande vénération. L'expérience a toutelbis démontré que rien n'étoit plus incertain
que les vertus attribuées par l'esprit de routine à un grand nombre de plantes.
DCLXC. Il est prouvé, de nos jours, que le médicament le plus approprié à la curation des Sypliilides, est
sans contredit le mercure ; qu'il dompte seul avec énergie les symptômes nombreux qui en dérivent : mais ce
qui nuit dans quelques circonstances à son succès, est l'abandon des méthodes simples pour des méthodes plus
compliquées et moins elRcaces. Comme de pareils maux sont presque toujours le résultat des excès ou de la
débauche, ceux qui en sont frappés se x'éfugicnt, par l'effet de la honte, auprès des charlatans et des empiriques,
qui en aggravent communément l'intensité par leur impéritie et leur mauvaise foi.
DCLXCI. Telles sont les Sypliilides observées à l'hôpital Saint-Louis : elles sont invétérées, et rarement
exemptes d'une complication funeste. L'expérience nous a démontré qu'il faut un temps très-long pour détruire
et dénaturer les formes terribles qu'elles manifestent ; mais toute assertion qui tendroit à déterminer la durée de
ce temps, seroit inexacte et incertaine. Les dispositions du corps ne déconcertent que trop souvent les calculs des
praticiens à cet égard : on n'est pas mieux fondé, je pense, lorsqu'on songe à établir, d'une manière positive, la
dose ou la quantité du remède qu'il convient d'opposer à telle ou à telle forme de la maladie vénérienne : tout est
encore problème sur ce point. Nous avons vu, à Paris, un malheureux individu qui avoit langui pendant cinquante
années dans les traitemens anti-syphilitiques, et qui n'avoit obtenu qu'au bout de ce long intervalle
la guérison de tous ses maux.
A R T I C L E VÏII.
Du Trailcment interne emjjloyé poiw la guérison des Syphilides.
DCLXCÏI. Les auteurs étalent communément une grande érudition sur les traitemens divers qui conviennent
à la maladie vénérienne ; il seroit fastidieux de les imiter. Je ne dois compte à mes lecteurs que de la méthode
suivie depuis long-temps à l'hôpital Saint-Louis. On ne rencontre d'ordinaire, dans ce précieux établissement,
que des Syphilides invétérées, ou des accidcns consécutifs d'une contagion désastreuse, qui a plus ou
moins vieilli dans le corps humain.
DCLXCIII. Or, presque toutes ces affections finissent par céder au pouvoir ¡ncompréliensible du mercure.
Toutefois, on voit journellement des empiriques proposer d'autres moyens, et les pi'oclamer comme étant plus
énergiques pour combattre un fléau qui désole la génération actuelle. L'inconstance, si naturelle à l 'homme, le
rend ingrat envers les remèdes les mieux accrédités par l'expérience ; pourquoi vouloir bannir de notre art une
substance médicamenteuse qui seule a opéré tant de guérisons radicales, et à laquelle tant d'individus doivent
leur bonheur et leur conservation ?
DCLXCIV. L'obsen'ation a particulièrement sanctionné les eiïcts salutaires du muriate de mercure suroxidé.
Lorsque cc sel, si avantageux dans ses résultats, est administré dans des proportions convenables; lorsque
son emploi est accompagné de toutes les circonstances propres à seconder son activité inconcevable; lorsqu'on
l'associe, par exemple, à des sudorifiques puissans, il est rare qu'il ne fasse point évanouir les symptômes dont
le caractcTe est le plus rebelle. On remarque, à l'hôpital Saint-Louis, que cette préparation est spécialement
utile, quand les Syphilides sont très-anciennes : nous avons vu, en outre, qu'il étoit important de ne pas se
lasser de son usage, malgré les craintes que peut inspirer la résistance apparente du mal. On est frap])é d'une
surprise inexplicable, quand on songe aux propriétés d'un sel qui agit, à si petite dose, sur le système entier
de l'économie animale. De tous les mystères de la thérapeutique, il n'en est aucun qui étonne autant notre
imagination, que la promptitude avec laquelle la moindre quantité de ce médicament modifie avantageusement
les forces vitales, et purge la masse des humeurs d'un levain aussi funeste.
DCLXCV. J'ai fait administrer ce sel, comparativement avec beaucoup d'autres préparations mercurielies.
II a montré, dans presque tcuis les cas, une énergie médicamenteuse, (jui lui assure à jamais la prééminence.
Quelques praticiens avoient proposé le nmriate mercuriel doux; mais les expériences nombreuses qu'on a tentées,
prouvent que son action est bien moins puissante sur la maladie tlont il s'agit, quoiqu'il puisse provoquer
avec plus de promptitude le phénomène d'une salivation extraordinaii-e. On a fait aussi des elForts pour
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accréditer le carbonate ammoniacal, l'acide nitrique, le muriate d'or, &c., qui sont encore des remèdes
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très-
DCLXCVI. La dissolution de muriate de mercure sur-oxidé s'applique avec plus d'efficacité aux innombrables
symptômes de celte affection proteiforme, et en triomphe presque toujours. On augmente insensiblejnent
ses doses, jusqu'à l'instant où il s'excite dans les vaisseaux une sorte de fièvre dépurative, et des niouvemens
perturbateurs propres à dénaturer l'irritation vénérienne.
DCLXGVII. Mais on ne peut assigner rigoureusement ( ainsi que je l'ai dit plus haut) la quantité de mercure
qui doit être introduite dans le corps humain, pour la destruction des Syphilides invétérées : cette quantité ne
sauroit être, dans tous les cas, en rapport avec la violence de la maladie. Les effets d'un pareil remède dépendent,
plus qu'on ne le croit communément, de l'idiosyncrasie des individus, et de l'état des forces vitales. Rien n'est
plus varié que la susceptibilité des malades pour les impressions des différentes préparations niercuriclles : je
pourrois appuyer cette assertion par beaucoup de preuves.
DCLXCVIIf. Il arrive quelquefois que les pustules, les ulcères, les végétations syphilitiques, croissent d'intensité
après l'usage du muriate de mercure sur-oxidé : c'est là un des efi"ets les plus remarquables de cette substance,
alors même qu'elle est administrée avec méthode et discernement. Mais cette augmentation apparente
des symptômes n'est que momentanée ; elle est le résultat de l'action du mercure sur l'irritabilité des organes ; et
SI cette action exaspère parfois les accidens, elle finit presque toujours par en mieux combattre la violence. II
importe que les praticiens connoissent ce phénomène, pour qu'ils ne soient jamais découragés dans la poursuite
d'un mal aussi opiniâtre. Les malades eux-mômes ont besoin d'être rassurés : la plupart accusent le remède,
quand il ne faudroit blâmer que la méthode.
DCLXCIX. L'emploi intérieur du muriate de mercure sur-oxidé nous a paru plus spécialement efficace
dans le traitement des pustules syphilitiques, que dans celui des végétations ou des ulcères qui résultent d'une
infection analogue. Les pustules croùteuses, les tuberculeuses, les ortiées, &c., s'évanouissent sur-tout avec
promptitude par l'emploi méthodique de ce remède. Les pustules lenticulaires, les pustules miliaires, &c.,
résistent davantage. Nous avons même fait la remarque, que plus les pustules sont volumineuses, plus elles
cèdent aisément aux moyens de guérison : j'excepte néanmoins de cette règle les pustules serpigineuses, qui
causent tant de ravagea, et qui souvent ne se cicatrisent, dans certaines parties du corps, que pour se reproduire
ailleurs avec une égale intensité.
DCC. Au surplus, tout eu louant les effets rapides et presque merveilleux du muriate de mercure suroxidé,
nous ne devons pas exclure la considération des circonstances nombreuses qui peuvent faciliter son
succès ; telle est, en premier lieu, l'Iiabitation d'un lieu pur et exempt de toute exhalaison marécageuse. Nous
avons vu un malheureux militaire, chez lequel ce remède n'avoit eu aucune action favorable , pendant un laps
considérable de temps qu'il fut contraint de rester au bord de la mer. Un voyage changea totalement dicz lui le
mode de sensibilité des absorbans : transporté dans un autre lieu, il employa les mêmes méthodes, qui furent
suivies d'un plein succès. Des alimens doux, un repos convenable ou un exercice modéré, l'abstinence de touto
passion vive, &c., peuvent également infiucr sur la célérité de la guérison.
DCCI. Dans quelques circonstances, nous nous sommes trc'S-bien trouvés d'allier l'opium au mercure, ¡^our
combattre avec succès des Syphilides rebelles, et qui étoient accompagnées d'intolérables douleiu's. Il nous a
semblé que ce précieux remède, introduit dans l'estomac, tempéroit en quelque sorte la trop grande activité
des sels mcrcuriels, sans néanmoins affbiblir leurs vertus. Marie R , couverte d'ulcères rongeans et phagédéniques,
éloit en proie à de cruelles souffrances; elle éprouvoit des spasmes, des vomissemens, des insomnies,
aussitôt qu'elle avoit pris la plus légère dose de mercure : la liciueur de Van-Svviéten, administrée aux
doses ordinaires dans un verre d'eau d'orge édulcorée par trois gros de sirop de diacode, fut suivie d'un calme
inaccoutumé. Depuis cette époque les symptômes s'adoucirent, et la malade parvint assez promptement à sa
guérison.
DCCII. Il existe, en outre, beaucoup de cas où le traitement des malades, par les remèdes les mieux éprouvés,
devient absolument impossible : souvent l'estomac repousse le mercure, ou ne peut le supporter sans
inconvénient. Nous avons reçu, à l'iiôpital Saint-Louis, une jeune femme chez laquelle les préparations antisyphilitiques
suscitoient toujours des convulsious : cependant les symptômes de son mal se déployoient avec
une intensité elFrayante ; les pustules, les végétations, les ulcères s'aggravoient de jour en jour ; toutes ses articulations
s'étoient recouvertes de périostoses; la cloison du nez étoit enfoncée; un horrible chancre se déveioppoit
dans l'intérieur des fosses nasales ; la malade étoit consumée par la lièvre hectique, et les douleurs nocturnes
étoient excessives. Dans ce déplorable étal, nous ne vîmes rien de mieux à tenter que de lui administrer
le mercure sous forme de lavemcns. Une semblable méthode avoit été autrefois mise en usage avec quelque
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