M A L A D I E S DE LA PEAU.
A R T I C L E III.
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Des Causes organiques qui influent sur le développement des PUques.
e x . Nous pensons que c'est perdre le temps en des discussions futiles et superflues, que de rechercher les
causes organiques qui peuvent influer sur le développement des diverses Pliques dans l'économie animale.
Cette alTection désastreuse est le résultat d'un principe morbiiique dont on ignore absolument la nature. On
sait seulement que ce principe porte spécialement son action sur les tégumens de la tète, sur l'universalité du
.système pileux., sur les ongles, &c. Mais connoit-on mieux le virus qui développe l'infection syphilitique, la
variole, la goutte, le rhumatisme, le scorbut, &c.?
CXL Les auteurs ont émis un paradoxe très-extraordinaire. Ils ont dit que dans le temps où les Tartares
faisoient des irruptions dans la Pologne, ces peuples, qui ne vivent que de chair crue ou d'alimens indigestes,
souillèrent les femmes de la nation par un commerce impur. Dès-lors, le sang contracta ime fatale dégénération
qui fil cclore la Plique, maladie nouvelle pour les humains, et qui, à cette époque, étoit aussi peu
connue en Europe que l'étoil la vérole avant qu'on eût découvert le Nouveau-Monde. Une telle assertion est
certainement donnée do toute vraisemblance ; car comment expliquer l'apparition du trichoma dans les chevaux,
les vaches, les chiens, les loups, les renards, les chats et autres quadrupèdes munis de poils?
CXII. Certains assurent que la Plique n'a acquis le caractère dangereux qu'on lui reconnmt, que par sa
complication avec le virus syphilitique. Je crois pouvoir attester, dit Hirschel, qu'avant que la maladie vénérienne
eût été connue en Pologne, la Plique n'avoit jamais produit les symptômes graves qui la font «douter
aujourd'hui, et qu'ils ne lui sont propres que depuis le moment funeste où ce fléau dévastateur a passé do
l'Amérique en Europe. Il fait observer, en outre, qu'aucun auteur n'a écrit sur le triohoma avant cette époque.
Hirschel ajoute que chez tous les individus où la Plique est suivie d'accidens fâcheux, il y a complication de^
deux maladies. Aussi la vérole e.st-elle très-répandue en Pologne, et clic y produit de grands désastres. On a
vu souvent, selon le même auteur, dans les villes de ce royaume, une quantité considérable d'habilans succomber
de la manière la plus sinistre à ce terrible fléau.
CXIII. Mais il est plus convenable d'.itablir que la Plique est une aSection eui generis, qui opère sa crise
par le cuir chevelu, comme les Teignes, dont nous avons déjà fait mention. La matière visqueuse qui colle et
agglutine le système pileux , est une excrétion dont se purge l'économie animale. De-là vient que celte excrétion
est le plus souvent salutaire. Ceux qui en sont atteints, la conservent quelquefois toute leur vie, sans
qu'aucun trouble survienne dans les fonctions, excepté les accidens qui sont inséparables de l'existence du trichoma.
11 est également constaté par l'observation, que ceux qui éprouvent les effets dont il s'agit, sont exempts
d'autres maladies qui tirent leur origine de la prédominance lymphatique : ils sont également à l'abri des
inconveniens attachés à la répercussion de la transpiration insensible, &c. Le peuple même n'ignore pas ces
vérités.
CXIV. On a même remarqué qu'il ne falloit rien craindre de la durée de cet acte secrétoire dans l'économie
animale, à.moins qu'on n'ait imprudemment tenté de diminuer ou de supprimer une semblable excrétion.
Quelquefois elle persiste toute la vie, et les orgaDcs s'y liabitucut lellcment qu'elle devient pour ainsi dire
indispensable; quelquefois aussi la nature la fait cesser spontanément, et détache les cheveux pliqués. C'est
précisément ce qui a été observé à Paris, chez une malade confiée aux soins de jM. le docteur Dufl'our, et que
ce raédeoin m'a mis à même de voir et d'interroger. Cette femme, après des chagrins très-violens et uiie grossesse
très-orageuse, essuya une fièvre d'abord angio-ténique, puis adynamique, dont la crise s'elTeclua sans
doute par les cheveux, puistju'ils s'entrelacèrent et s'agglutinèrent à un tel point, qu'il étoit impossible de les
démêler. Mais quelque temps après, cette Plique se détacha spontanément de la tête, entraînant avec elle l'cpiderme
du cuir chevelu, en sorte qu'elle présentoit la forme d'une peri-uque.
CXV. Parmi les causes organiques qui favorisent le plus l'apparilion des phénomènes de la Plique, il faut
sur-tout disunguer la disposition constitutionnelle et héi-éditaire de certains individus. En cfl-et, on voit souvent
celte maladie se transmettre de génération en génération, ol les nouveau-nés présentei' l'emprcirUe de ses symptômes
les plus fâcheux. On observe même assez fréquemment qu'elle attaque le père et le pclil-fils, taudis que
le Ills est epai-gné, cai-aclère qui lui est commun avec d'iralrcs maladies, parliculièrcmenl avec la goutte. Enlin
il n'est pas rare que le virus du trichoma subsiste dans l'intérieur de l'économie animale, sans donner, comme
j'a, deia eu occasion de le dire, des marques apparenles de son existence, cl n'éclate que lorsque des circonslances
favorables le développent. Parmi ce» circonslances, il faut sur-tout distinguer le lempéramenl marque par la
fibre lâche et la prédominance muqueuse.
M A L A D I E S D E L A P E A U . 4,
a r t i c l e IV.
Des Causes extérieures qu'on croit propres à favoriser le développement des PUques.
CXVI. Les causes extérieures qui influent sur le développement de la Plique, sont vraisemblablement en
très-grand nombre, et c est souvent le concours de leur influence qui rend leurs effets plus violons Hercules
Saxoma rapporte cette maladie à la constitution humide de l'atmosphère, et insiste mal-i-propos sur ce sujet
Ceux qui rattribuent à la quahté sulfureuse saline, ou métallique des eaux, ne sont pas mieux fondés en
raison. Car il s'ensuivroit de cette hypothèse, que les étrangers qui vivent en Pologne y seroient parelllemenl
sujets; et pourtant il est d'observation qu'ils n'en sont presque jamais atteints. C'est sans doute par la difficulté
qu'il y a d'entrevoir et d'assigner les causes extérieures de la Pliquo, que des paysans superstitieux font ritliculemenl
provenir ses divers accidens de la malveillance do quelques esprits aériens.
CXVII. M. dcLafontaine no croit point que l'oau, ni l'air, ni la nourriture, contribuent à la formation
de la Pliquo. M. Gilibert soutient une opinion contraire, et protend que la dièle animale y coopère puissamment.
C'est le grand usage de la viande qui est cause que la transpiration des habilans de la Lithuanie est
d'une odeur forte et extrêmement désagréable. Il est certain que, lorsqu'on examine la manière de vivre et
les usages des juifs polonais chez lesquels la Pliquo est on ne peut plus fréquente, on se persuade sans peine
combien les écarts diététiques doivent influencer l'origine et la propagation de cette maladie, puisque ceux
qui y sont principalement sujets, ne se nourrissent principalement que de viandes salées ou do boissons spirilucuses,
et sur-tout de l 'cau-de-vie, qui ne leur plaît jamais tant que lorsqu'elle est empyreumalique.
CXVIII. Hirschel croit que la malpropreté influe singulièrement sur la propagation de la Plique. Un effet,
la plupart des Polonais ne démêlent que fort rarement leurs cheveux, et ne se nettoient jamais la tête. Ils se
couvrent d'ailleurs de bonnets fourrés, ce qui produit vers le cuir chevelu un afflux considérable d'humeurs.
Le cuir chevelu devient, pour ainsi dire, l'égout de tous les organes, et toutes les matières hélérogènes s'y
portent. Alors les porcs des tégumens sont tellement obstrués, que la matière de la transpiration doit nécessairement
se faire jour à travers la substance creuse et vasculeuse des cheveux : elle les colle ensemble, et donne
lieu à ces agglomérations hideuses.
CXIX. Ce qui ajoute aux inconvéniens de la malpropreté, c'est la manière dont les enfans (particulièrement
ceux des juifs) sont élevés; la plupart sont nourris dans des appartemens mal-sains et très-peu .spacieux,
dans lesquels néanmoins trois ou quatre familles sont quelquefois entassées, avec de la volaille et autres animaux
domestiques. Souvent, dans ces repaires infects, la même nourrice allaite plusieurs enfans à la fois. Ces
malheureux individus, parvenus à l'âge de quatorze ou quinze ans, donnent, par un mariage précoce, l'existence
à de nouveaux ôlres aussi chétifs que ceux à qui ils doivent le jour , et aussi disposés qu'eux aux maladie.?
lymphatiques.
CXX. L'expérience apprend que la Tlique polonaise est une maladie contagieuse. Si les expériences que
j'ai tentées à Paris pour prouver ce mode de communication , n'ont pas réussi, c'est sans doute parce que les
cheveux malades dont je me suis servi dans mes essais, n'étoient pas fraîchement coupés, et que la matière
visqueuse étoit desséchée. On raconte qu'une jeune daine française ayant contracté la Plique à Varsovie, entra
dans un tel dépit, qu'elle se fit un plaisir de la propager, en faisant essayer un bonnet très-élégant, qu'elle
portoit, à plusieurs femmes de sa conuoissancc. On la gagne souvent par le coït, et en même temps que la
maladie vénérienne. M. le docteur Bréra atteste avoir vu deux soldats prussiens à l'hôpital de la Charité de
Berlin, lesquels avoient pris la Plique, eu 1796, en cohabitant avec des Polonaises captives. Il n'est pas rare
de voir quelques-uns des accidens de la Plique se transmettre par l'allaitement. C'est le cas d'une femme dont
parle M. de Lafoutaine, et qui avoit été élevée par une nourrice infectée du trichoma. Elle souffroit fréquemment
des douleurs arthritiques ; à la suite d'un abcès, elle éprouva une carie au sacrum : jamais ses cheveux ne
s'altérèrent ; mais de trois enfans qu'elle eut , deux vinrent au monde pliqués. Enfin, il faut regarder conmic
une cause fréquente de contagion, les vctemens, les chapeaux, les bonnets, les coiffes, les peignes, &c.
CXXI. Il ne faut pas révoquer en doute l'influence des aiToctions morales sur la production de la Plique.
La colère et l'ciTroi la communiquent quelquefois d'une manière soudaine. Un homme fut attaqué dans sa
maison par des voleurs, qui l'aLtachèrcnt et lui enlevèrent une partie de ce qu'il possédoit. Il fut tellement
frappé de terreur, qu'il éprouva un violent accès de fièvre, au bout duquel ses cheveux s'agglutinèrent eix
une masse informe, avec gonflement de la face et du col. La matière glulineuse qui sortoit du cuir chevelu,
exhaloit une excessive puanteur.
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