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K(i.sac[ues, dont Pallas fait mc i i l ioa , ji'acqiiiert toute sa force qii'cui bout dc quatre ou cinq années r on assure
incmc qu'elle ne devient mortelle qu'à la septième amiée révolue. 11 est des intUvidus qui en sont atteints
depuis leur bas â g e , et qui la conservent jusqu'à un âge très-avancé, i l est assez commun de voir que les
lacJies augmentent à peine d'une ligne dans l'espace dc douze mois.
CCCCXI I I . Indépendamment des symptômes que nous venons d'émimérer , et qui sont communs à toutes
les espèces de Lcpi-es, il en est d'autres non moins g r a v e s , et dont ¡1 importe dc tenir compte. C'est ainsi
q u e les parties du corps qui sont couvertes de taches, sont f rappées d'engom-disscmcnt et dc languem- : les
Lèpres portent leurs ravages jusqxies dans les niouvemens articulaii'es.
CCCCXIV. Bientôt ces taches se converlissent eu écailles, qui sont plus ou moins déprimées dans la propr e
substance dc la peau. J1 paroît du reste que ce genre d'altération cutanée s'est développé très-anciennement,
et qii'Hippocrale avoit en occasion de l'observer. L e corps du lépreux se couvre quelquefois dc croûles horribles
, qui sont autant dc foyers épars d'une suppuration fétide et dégoiitanle j dans cette affreuse dégénération ,
les malades ressemblent à des cadavi-es desséchés; leur chair pâle et ilétrie n'a pas seulement l'aspect de la
mort ; elle en a la triste insensibilité. Aucune douleur n'est éprouvé e , soit qu'on employe le 1er, soit qu'on
employe le feu poin- la provoquer .
CCCCXY. D'aul res foi s , la maladie propage ses désordres dans tout le tissu cel lulai re, et donne lieu i\
des dillbrmités C | u i inspirent Tétonnement et ref f roi . L a peau du front s'engorge considérablement entre les
deux souj-cils ; elle se hérisse de tubercules d'ime teinte brune ou ^-iolacée ; les oreilles changent aussi de couleur,
et leurs lobes s'accroissent d'une manière monstrueuse ; les pommettes se tuméfient, deviennent saillantes, d'un
aspect livide et comme vineux j le nez se dilate effroyablement, ce qui produit dans la voix une sorte d'extinction
qui est un symptôme sinistre. Le s ma ins , les liras, les pi eds , les jambes s'engorgent; les ongles tomlîcnt ou so
dessèchent. Ou voit çà et l à , sur les extrémités thorachiqnes et abdominales, des tumeurs , des nodosités qui
défoi-ment le système dennoïde.
CCCCXYI . C'est alors que les doigts devenus lom-ds, épais et durs comme le marbre, perdent en entier la
faculté du sentiment. L e mal rampe de phalange eu phalange. Le s membres acquièrent une telle pesanteur,
qu'ils deviennent im véritable f a rde au; quelquefois même , par la plus affreuse catas t rophe, les membres se
détachent et meurent avant le corps ; ils tombent dans une fonte colliquative. On a vu des mains entières se détacher
du corps des lépreux. C'est alors que le désespou- s empare des malades ; d'autres cachent soigneusement leur
état, rougissent de se mont rer , e t , par une impulsion irrésistDile de leur instinct, ils évitent la présence de
l'homme sain. M. Yalentin rapporte que lorsqu'il fut arrivé à Ma r t igue s , et que le bruit se fût répandu dajis
cette ville qu'il venoit visiter les l épr eux , la ¡)lupart de ces infortunés s'enfermèrent et que d'autres prirent la
fidte ; enfin il y en eut qui ne voulurent point avouer qu'ils en étoient atteints. On en voit même qui se donnent
la mort . Comment supporter la vie dans des situations aussi déplorables I
CCCCXYI I . Cette affreuse dégi-adation du tissu cellulaii-e , impr ime i Thomme les formes les plus bizan-es.
L e s extrémités inférieures imitent quelquefoi s , de manière à s'y mé pr endr e , les jambes et les pieds de l'éléphant
; d'auti-es foi s , la face s'altère au point de présenter l'aspect des Satyres f a b u l e u x , des lions et auti-es
animaux féroces. Arétée et Avicenne ont fait mention dc ces métamorphoses horribles.
CCCCXYI J I . Parlerai-je des ulcères cjui labourent tout le corps, et qui ne cicatrisent qu'en laissant sur la peau
des taches indélébiles? Ces ulcères attaquent premièrement le visage et vont ensuite aux parties charnues du
corps; on en voit pareillement dans les fosses nasales et dans la g o r g e , ce qui ne contrDnie pas peu k donner
aux malades une vobc r auque et rugissante. L ' u n des lépi-eux qui sont morts i l'hôpital S a int -Loui s , avoit
hi voix menaçante et sépulcrale, comme si elle sortoit d'un sou'terrain. Souvent ces plaies lépreuses se guérissent
spontanément, et alors ces infortunés sont remplis d'espérance ; mais quel est leur chagrin, de les voii- renaître
dans une autre partie du corps ! C'est une mutilation continuelle.
C C C CXI X. L e s malades ne se meuvent plus qu'avec pe ine , et comme des masses. ] l est des lépreux qui
deviennent si mons t rueux, qu'ils passent leur vie dans une froide immobilité. A cette inertie de (out Je corps ,
se joint une stupidité complète de toutes les facultés intellectuelles. Dans un état si inisérable, les tégumens
contractent un ici endurcissement, que la transpiration en est supprimée ; si elle s'opère , elle est d'une félidité
intolérable : c'est sur-tout le produit de l'exhalation pulmonaii'c qui est pestilentiel. Le s auti-es excrétions ne sont
pas de meilleure na tur e : l'urine est épaisse, bourbeuse, se collant aux parois du vase qui la reçoit; les
excrémens sont noi r s , secs et commes brûl é s ; ces cxcrémcns passent avec une difficulté ext rême, et la constipation
est très-opiniûtrc.
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M A L A D I E S D E L A V E A U . 141
"CCCCXX. L e s forces digestives sont dans un état de langueur déplorable. Toutefois les malades sont
tourmentés par une soif inextinguible. L a langue est revêtue d'mi enduit ful igineux; elle est affreusement
gercée et couverte de gramilations ver ruqueuses et conllucntcs; les veines qui rampent sur cet organe, sont
prodigieusement dilatées. El le est pesante et sans mouvement ; c'est ce que Lucrèce a parfaitement rendu
par les vers qui suivent :
jitfjuc animi inter/jres rnanabnt lingua cruore,
Dehililata mulis, motu gravis, aspera lactii.
Certains lépreux ont une aversion invincible pour 1
est véhément.
5 substances grasses et alimentaires : chez d'autres l'appétit
C C C C X X I . On peut consigner ici ce que rapporte Aët ius , touchant les désirs impétueux qui portent les
lépreux au coït. C'est sans doute ainsi que la maladie se perpétue de génération en génération. Quel supplice
d'èti-e dégradé dans ses t rai t s , d'être un objet de dégoût et de répugnance pour ses semblables, et d'être néanmoins
en proie à tous les dés i r s , <\ toutes les fureurs de l'union des sexes 1 M. Sonnini allègue l'exemple d'un
infortuné q u i , la nuit même où il mo u r u t , se livra <\ toutes les impulsions physiques de son tempérament.
Ce lait en rappelle un autre dont le même obsei-vateur a été le témoin. I l a vu à la Cané e , dans l'île do
Candie , une assez grande quantité d'individus de l'un et l'autre s e x e , r enf e rmé s , selon l 'us age , dans de
chétives baraques situées hors des portes de la ville. C'est là que ces misérables s'abandonnoient, sans pudein-,
aux plus vils excès d'une irritation voluptueuse. M. Sonnini assure qu'on les trouvoit quelquefois pi-enant
leurs dégoûtans ébats le long des chemins, et au milieu du jour ; les vieillards même n'étoient point exempts
de ces désirs effrénés. Cependant , il est vi-ai de dij-e que ce penchant n'existe ])as toujours. J ' a i rapporté
l'observation d'un ma l a de , qui avoit perdu la faculté virUe, par les progrès de la Lèpi-e tuberculeuse. Ces
sortes dc cas ne sont pas très-rares.
C C C C X X I I . D' a i l l eur s , il peut arriver que les parties de la génération éprouvent une altération profonde,
qui est le résultat des accidens nombreux dont nous venons de faire mention. Casai parle d'un enfant âgé dc
quinze ans , dont la pe au lisse ne paroissoit atteinte d'aucune espèce d'éruption; mais ses testicules ressemi">loicnt
à imc énorme gi'appe composée dc plusieurs grains blancs , o\i à une collection d'avelines , cjui seroicnt
dépouillées de leur enveloppe.
C C C C X X I I I . L o r s q u e la Lè p r e a fait des progrès considérables , la respiration commence à devenir lente
et difficile ; il survient des sulfocations aussi violentes, que si ou avoit sei'ré le col avec un cordon ; Je pouls est
petit, inégal , misérable. L e s malades finissent par tomber dans le scorbut ou dans l'hydropisic. Tout devient
insupportable à ces êtres si malheureux : ni les ba ins , ni la nourriture, ni la diète , ni le repos ne leur
sont lavorables ; le sommeil est nul et la veille est terrible.
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C C C CXXIV. I l est une L è p r e particulière qui n'altère aucune fonction de l'économie animale. Dans cette
espèce d'Éléphantiase, il n y a souvent qu'une jambe d'ailectée, et l'on diroit que cette infirmité est absolument
locale. J ' a i montré plusieurs de ces malades à mes élèves. Us avoient les jambes bosselées , parsemées de
nodosités et d'excroissances. L e danger n'est jamais pres sant , à moins que le gonllement du tissu cellulaire ne
dépasse les g enoux , et n'augmente progressivement; alors tous les sucs blancs du corps vivant paroissent se
pervertir ; les os tombent dans la nécrose, et les parties molles dans l'athérome. L a Lèpre a constamment
un caractère chronique; c'est sans doute la perte de la faculté sensitive durant le cours de cette affectioa
désastreuse, qui empêche la fièvre de s'allumer. On voit survenir cependant, dans certaines circonstances, les
symptômes d'une fièvre adynamique qui conduit rapidement le malade à la mort.
A R T I C L E II.
Consideralioj^s sur le diagnostic des Lèpres, et sur leurs rapports d'analoge avec quelques
autres maladies cutanées.
CCCCXXV. On trouve dans les Livres saints les caractères les plus f r appans , pour établir le diagnostic de
la Lèpr e ; on y trouve même des signes qui prouvent que les Jui f s ont connu ses différentes espèces. C'est
ainsi que le prêtre ne se méprenoit jamais sur Texistence de la vitiligue, lorsque le coi-ps se eouvroit de taches
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