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dans les rues de Paris. II fut réduit à un degré si considérable d'émaciation, qu'il succomba avant même que
nous eussions pu l'interroger assez long-temps pour savoir de lui tous les détails relatifs à la marche et aux progrès
de sa maladie. L'examen anatomique du cadavre donna lieu aux observations suivantes : Tout le cuir
chevelu ctoit couvert d'une caloLte formée par des croûtes faveuses, dont les unes jaunes étoient régulièrement
creusées en godet, et les autres blanchâtres el brisées n'ofTroient qu'une masse de tubercules sans aucune ligure
dclcrminée. La peau du milieu de la tête étoit fendillée, excoriée, enduite d'une concrétion sanguinolente.
Privation d'épidermc. Le corps réticulaire, le chorion et le tissu cellulaire soucutané, particijjoïent à l'altération.
Les os pariétaux, l'occipital et le frontal, dépouillés, avoient un aspect très-rougeâtre. La peau du col
disséquée laissa voir un chapelet de glandes endurcies. Sur les épaules, les reins et la partie externe des cuisses,
on remarquoit d'autres larges plaques déboutons laveux, dont les uns, en tombant, laissoient la peau déprimée
et tachée d'un violet noirâtre, et dont les autres, très-adhérens, étoient excavés dans leur milieu comme
ceux du cuir chevelu. Le cerveau ne montra rien de particulier. Dans la cavité de la poitrine, tout étoit
également sain. 11 n'en étoit pas de môme dans le bas-ventre. On voyoit le long du mésentère une série de petites
concrétions squirreuscs et blanches j le foie, la rate, le pancréas, le conduit intestinal, &c. n'étoient point
endonunagés.
Deuxième y/iitopsie cadavérique. — Dans le courant de l'année i8o4, le cadavre d'un enfant mâle fut
apporté dans ramphithéàtre de M.licauchène,pourles travaux auatomiques. Cet enfant, chez lequel la dentition
ne s'ctoit point encore effectuée, étoit âgé d'environ six ans. On procéda à son ouverture. L'individu avoit la
tète couverte d'une Teigne faveuse qui en occupoit toute la surface, et s'étendoit même en devant jusque sur les
sourcils, et en arrière jusqu'à la partie supérieure du col. Ayant procédé à un examen très-attentif de toutes les
parties affectées, on s'apperçut bientôt que l'altération ne se bornoit point aux tégumens de la tête. L'aponévrose
occipitale, le péricrâne, le tissu osseux lui-même, avoient été envahis. Alors M. Beauchéne désirant mieux
connoitre l'espèce d'altération que les os avoient pu éprouver, soumit la tète à line ebullition assez prolongée.
Il vit bientôt que la plus grande partie des pariétaux, ainsi qu'une portion de l'os frontal, avoient acquis beaucoup
d'épaisseur, que leur lame externe étoit enlevée, et laissoit leur tissu spongieux parfaitement à découvert.
Troisième Autopsie cadavérique. — L'individu dont il est ici question, est mort d'une affection scrophuleuse,
après avoir langui plusieurs années dans les différens hôpitaux. Tous les cheveux de la partie postérieure
de sa tête étoient collés par de petites croûtes sèches el de couleur brune, qui, par leur caractère, constituoient
véritablement la Teigne granulée. La peau du crâne étoit dénuée d'épiderme en trois endroits dilTérens :
le corps réticulaire étoit enflammé et rouge; mais les autres tissus ne paroissoient affectés d'aucune lé.sion. Il j
avoit plusieurs altérations glanduleuses, entièrement étrangères a la Teigne, et totalement dépendantes de la
maladie qui a fait périr le sujet.
XLV. M. Gallot fait mention, dans sa Thèse sur la Teigne, de cinq autopsies déjà consignées dans les
registres de l'École de Médecine de Paris ; mais elles n'offrent rien de particulier. Il faut en convenir ; l'Anatomie
pathologique a peu découvert, relativement au mode précis d'altération que doivent subir les divers tissus
de la peau, le tissu cellulaire, les glandes, les nerfs , &c. dans les différentes espèces de Teigne ; et il est à
désirer qu'on se livre à des recherches plus étendues et plus soigneusement exécutées.
A R T I C L E VI.
Des résultats fournis par l'analyse chimique des matières croûteuses ou furfuracées,
qui appartiennent aux différentes espèces de Teigne.
XLVI. DÉJÀ M. Gallot s'étoit occupé de la nature des écoulemens fournis par les exanthèmes teigneux; il
avoit engagé M. Thénard, chimiste habile, à soumettre une certaine quantité de croûtes faveuses à une analyse
exacte. Ces croûtes, soigneusement examinées, ne parurent être formées que d'albumine coagulée; un sixième
seulement fut soluble par l'eau, el les réactifs indiquèrent la présence de la gélatine et du phosphate de chaux.
Mais ces renseignemens ne pouvoient suffire ; il falloit les étendre, pour qu'ils fussent d'une importance plus
médicinale. Eu conséquence, d'après mon invitation, M. Vauquelin a bien voulu procéder à des recherches
comparatives, sur les croûtes et les squammes provenant de trois différentes espèces de Teigne, lelles que la
faveuse, la granulée et la furfuracée : ce savant célèbre a exécuté ce travail intéressant, de concert avec
M. Cabal, l'un de ses élèves et coopéraleurs les plus zélés. J'estime qu'il est sans doute superflu de détailler ici
les procédés qu'ils ont suivis, pour arriver à une connoissance parfaite des produits. Je me borne à dire <iu'il est
résulté de leurs expériences, que la Teigne faveuse esl plus albumineuse que gélatineuse; que la Teigne furfuracée
est, au contraire, plus gélatineuse qii'albumineuse, el que la granulée est toute gélatineuse. Voilà donc
la Chimie qui vient, en quelque sorte, meltre le sceau aux différences spécifiques établies par le Nosographe.
Il est à regretter sans doute que nous n'ayons pu joindre à ce résultat analytique, celui que doivent nécessairement
offrir, à leur tour, la Teigne amiantacce et la Teigne muqueuse, d'autant que cette dernière semble
M A L A D I E S D E L A P E A U . jtj
recélerun principe qui est comme caséeux, si l'on en juge du moins par l'odeur qu'elle exhale. Mais la matière
des desquammations fournies par ces deux exanthèmes est si difficile à x'ccueillir, que nous avons été contraints
de différer encore cet examen.
A R T I C L E VU.
Considéi-ations sur les méthodes employées pour la guérison des Teignes.
XLVII- QUAND on consulte les auteurs, on s'apperçoit généralement qu'ils ont eu la prétenlion de vouloir
guérir les Teignes, avant d'apprendre à les bien connoître : aussi est-on surpris du vaste arsenal de recettes
qu'ils ont rassemblées pour y parvenir. Mais cette abondance de moyens réputés curaltfs, atteste plutôt notre
indigence que nos ressources. En effet, plus il y a de remèdes proposés contre une affection quelconque, ])lus
on doit croire qu'il y a eu des tentatives infructueuses. C'est parce que certains médicamens n'ont pas réussi,
qu'on a fait des recherches innombrables pour en trouver d'autres.
XLVIII. Qu'est-il donc arrivé, relativement à la guérison des Teignes? Rien n'a été fixé avec précision. On
a accumulé sans choix les formules empiriques, el cette partie intéressante de la Pathologie cutanée est tombée
entre les mains des charlatans. Mais, je le demande, que peuvent être des méthodes qui ne sont point appuyées
sur une connoissance profonde de l'état des propriétés vitales? Etrange traitement que celui qui nous laisse
dans une ignorance complète des rapports de l'organisation avec les remèdes!
XLIX. Nous avons déjà dit que les différentes éruptions du cuir chevelu avoient un but manifeste pour la
conservation de l'économie animale. Avant de leur opposer des méthodes curatives, il convient donc d'examiner'
s'il est salutaire de les guérir; et ce n'est pas sans raison, je pense, que le célèbre Ambroise Paré recoinmandoit
aux chirurgiens de ne point entreprendre leur traitement.
L. Sans adopler rigoureusement une assertion de ce genre, on ne sauroit nier que la guérison trop prématurée
de la Teigne, n'expose quelquefois à des inconvéniens graves les individus qui en sont atteints. J'ai donné
mes soins â une jeune fille, âgée de quatorze ans, qui éprouvoil des maux d'estomac intolérables, accompagnés
d'un catarrhe utérin, pour s'être délivrée de cet exanthème avec trop de précipitation. On amena à l'Iiôpilal
Saint-Louis une femme dont le front étoit couvert de boulons faveux, qui avoit perdu la vue après avoir placé
sur sa téle un violent répercussif. N'a-t-on pas vu, dans quelques circonstances, le virus de la Teigne se déployer
sur les articulations, et entraîner môme le spina ventosa ou la phlhisie scrophuleuse? D'autres fois, les malades
tombent dans les langueurs de la fièvre hectique; l'irritation se transporte sur les glandes du mésentère, et il
peut survenir une diarrhée mortelle. La meilleure cure de cette maladie seroit, sans contredit, celle qui s'opéreroit
d'elle-même par l'action simple des puissances médicatrices, comme cela arrive ordinairement au milieu
des U'oubles organiques de la puberté.
LI. Cependant, l'irritation vive que les Teignes graves excitent presque toujours sur le cuir chevelu, les
atteintes profondes qu'elles portent aux glandes, au système lymphatique, au tissu cellulaire, ainsi que je l'ai
sur-tout observé dans la Teigne faveuse, ne permettent point de confier, dans tous les cas, leur guérison aux
seules forces de la nature. Les lumières de notre art sont souvent d'une nécessité absolue; et, il faut le dire,
autant la cure des éruptions dont il s'agit, est préjudiciable à l'économie animale, quand elle est entreprise
d'une manière prompte et inconsidérée, autant elle est salutaire, quand on procède d'après une métliode sage
et des secours médicinaux savamment appropries. Il est temps, en conséquence, de dégager le traitezncnt des
diverses Teignes de tout le farrago d'un aveugle empirisme. Il paroît, du reste, que les anciens lavoient
envisagé d'une manière beaucouj) plus médicinale que les modernes. Alexandre de Tralles vouloil (lu'ou se
dirigeât d'après les indications générales que fournit la considération des sujets et celle de leur genre de vie.
L'immortel Rhazès, qui a acquis tant de gloire dans la description de certains exanthèmes, assignoit un mode
de curation à chaque tempérament. Il est vrai qu'il a fait à ce sujet des distinctions subtiles, qui ne sont pa$
d'un grand intérêt pour l'observation clinique.
A R T I C L E VIIL
Du Traitement interne employé pour la guérison des Teignes.
LU. Les connexions sympatliiques du système dermoide avec les divers appareils de l'organisation animale
, les altérations lymphatiques et glanduleuses qui surviennent souvent pendant le développement des
Teignes, &c. démontrent assez qu'il ne faut pas se borner à un traitement purement local. D'ailleurs, si,
comme on a pu s'en convaincre d'après les considérations physiologiques que nous avons précédemment
exposées, la cause matérielle de ces éruptions réside dans un trop grand afflux des propriétés vitales vers
la tête, et dans l'activité d'un principe morbiûque dont l'économie se délivre , et qu'elle dirige vers le cuir