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i56 MA L A D I E S DE L A V E AV.
Ce qui est vcmarq\iable dans la considération du Pian ruboïde, c'est la pustule pi-incipalc qui surpasse les
autres par sa cii-cooférence et sa profondeur, et qui se cliange en ulcère rongeant. Tout le tissu dcmioïde en
v k dévoré. On croit communément que ce large et horrible ulcère est en quelque sorte le réservoir de tout le
venin pianique. Les Nègres croyent que tous les maux secondaires qui souillent la peau iaillissent de colle
source impure : de-là est venue l'expression vulgaire de Mama-Pian où de Mère des Pians, à laquelle on
a communément recours, pour qualifier cette grande ulccralion, qu'on peut comparer au bouton que le peuple
nomme maitre-grain dans la petite vérole confluenlc. Aussi laut-il se garder de sécher trop prompteinent cette
énorme pustule, qui sert d'éraonctoire Î\ 1 économie animale.
Los Nègres condamnés à des travaux rudes cl: énervans ont fréquemment la paulme des mains sèche et
horriblonieiit lacérée, ainsi cjue la plante des pieds. C'est à ces excoriations, j\ ces dépouillemens du derme, c[u'oa
donne assez communément le nom de crabes, parce qu'ils offrent des ramifications calleuses absolument scm-
])hi])Ies aux pattes de ces insectes; cette affection purement locale est loul-à-fait indépendante du Pian. La peau
tlans ce cas est entièrement morte et inanimée, et ressemble à un cuir sec et l'accorni ; ce qui contribue
sur-tout à produire ce phénomène, c'est l'habitude où sont les Nègres de courir les jambes nues sur une Icrre
brûlante. Ils marchent continuellement sur le sable, sur des débris ou fragmens de coquilles, etc. , souvent
même ces corps étrangers pénètrent jusques dans les parties charnues, séjournent dans les crevasses, y causent
des inilammations, des douleurs, de petits ulcères, etc.; et si les Nègres sont déjà infectés, tout le virus pianique
se porte vei-s ces parties.
Observation relative au Pian nthoïde.
DIV. J"ai observé le Pian dans son plus haut degré d'intensilé sur la personne de George lîartos, batteur
de bled, âgé de trente ans, né dans la Ilongi-ie. Cet homme étoit d'une haute stature, d'inie habitude de corps
sèche et maigi-e. 11 nous assura que ses parens avoient toujours été sains; il se rappeloit lui-même avoir eu la
petite vérole dans son enfance, et une teigne muqueuse dont il avoit été parfaitement guéri. A quinze ans, il
outra au service militaire où il resta jusqu'à dix-huit. Alors, il déserta et passa eu France poiu- y subsister Î\
l'aide de son travail. 11 s'y maria quelque temps après avec une jeune fille' très-fraîche et très-bien portante.
T1 vivoit dans la plus austère sagesse, lorsque tout-ù-coup sans cause connue, tant sur la lèvre supérieure que sur
le sommet de la tête, parurent trois boutons pustuleux accompagnés d'ime démangeaison assez vive. U n chirurgien
de la campagne appliqua sur ces boutons les feuilles d'une plante dont le malade ne put nous dire le nom.
Cette affection fît des progi-ès rapides en très-peu de temps, soit d'elle-même, soit qu'elle fut provoquée par des
gi-attemens fréquens que détex-minoit un prui-it intolérable. L'éi-uption occupa bientôt toute la tête et les deux
lèvres de la bouche. Désespéré, il entra à l'hôpital Saint-Louis, et il étoit alors dans un état déplorable ; tout
son cuir chevelu étoit gonflé, tuméfié et recouvert de tumeurs fongueuses, sillonnées dans tous les sens, composées
d'une agglomération de gi-ains ou lobules, qui leur donnoient l'aspect de bourgeons, ou plutôt de framboises
sjTnéti-iqucment arrangées les unes à côté des autx-es. Il découloit de ces tumeurs une matière sanieuse et fétide,
qui devcjioit épaisse et se condensoit en croûtes, lesquelles masquoient un peu la forme des végétations; même
disposition au pubis et aux organes génitaux. Croira-t-on que les cheveux et les poils se conservoient au milieu
de ce désordre? les oreilles ne tardèrent point à être attaquées. Leur surface étoit enllammée, rouge et comme
grenue ; elles fournissoient un écoulement assez abondant que nous vîmes se supprimer par intervalles. La
membrane muqueuse des fosses nasales donnoit sur-tout une grande quantité de mucosités épaisses, d'un jaune
tantôt rougeàtre, tantôt grisâli'c, un peu sanguinolent. 11 y avoit un cor^'sa continuel; la région mastoïdienne
gauche et la partie postérieure du pavillon de l'oreille du même côté, étoient affectées d'un gonilement inllammatoire.
La peau ainsi distendue se gerçoit, se fendoit, et de ces crevasses, il s'écouloit une humeur assez
analogue à ceUe dont nous venons de parler. .Te n'ai pas besoin de dire ici que tous les remèdes employés en
pareil cas, furent mis à conlribulion : que nous eûmes, particulièi-cment recours aux mcrcuriaux ; mais ce fut en
vain. Après six mois de soullVances, la position de George lîartos, empira singulièrement; il tomba dans le
marasme et fut pris d'uae diarrhée colliquative, à laquelle il succomba. Nous donnerons plus bas le résultat de son
autopsie cadavérique.
DV. Cette unique observation me paroit compléter le tableau que je voulais tracer du Pian ruboïde. Je me
suis borné à l'exposition de tous les symptômes caractéristiques, et n'ai tenu aucun compte do quelques accidens
secondaii'es, qui dépendent uniquement des complications de cette maladie avec d'autres éruptions cutanées.
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