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D I S C O U R S
J. XXIV. II est une troisième cause, qui influe d'une manière très-puissante sur la génération
des maladies cutanées ; c'est le défaut d'exercice. Rien n'est plus propre à affoiblir le
système dermoide, qu'un repos excessif et prolongé. Les individus dont la vie est constamment
sédentaire , tels, par exemple , que les gens de lettres, les savans , certains ouvriers, etc. sont
sujets à mille ali'ections herpétiques : plusieurs d'entr'eux ont des ceintures darlreuses trèsrebelles
aux moyens de guérison. Le système vasculaire s'allbiblit par le repos ; il se manifeste
des varices aux jambes ; la peau de la face devient terreuse et bouffie, etc. J'ai
constamment remarc[ué ce phénomène dans les hommes et les femmes qu'on nous envoie des
maisons de force à l'iiôpilal Saint-Lotiis, pour subir le traitement que reclame leur état. C'est
dans les prisons, en effet, que s'engendrent et s'enlretiennent perpétuellement la Gale, le
Prurigo, la Dartre scabioïde, el autres alfections de cette nature.
5. XXV. Les veilles prolongées, les travaux immodérés, etc. ne sont pas moins funestes au
système dermoide. Les hommes épuisés par d'énormes fatigues, ont des ulcères qu'on ne
vient à bout de guérir que par le secours d'un repos absolu. Cette remarque est constante.
Ceux qui sont employés à la garde des villes, ou qui passent les nuits dans les édifices publics,
contractent des Dartres inguérissables. On envoie très-souvent, dans les hôpitaux, des soldats
aflectés de certaines éruptions , qu'on prend mal-à-propos pour le résultat de la Gale, et que
de simples bains émolliens parviennent bientôt il appaiser; mais ces éruptions ne tardent pas à
reparoilre aussi-tôt que ces individus reprennent un exercice pénible.
S. XXVI . Le défaut de propreté occasionne ordinairement plusieurs maladies de la peau.
En effet, les matières hétérogènes qui se déposent sur le système dermoide, et qui, pour la
plupart, proviennent du mucus animal destiné à le lubrifier, empêchent la transpiration de
s'exécuter. Alors il se forme des croûtes ou des écailles sales sur les jambes, les cuisses, les
épaules, etc. Les paysans pourtant ne sont pas sujets aux mêmes inconvéniens (jue le peuple
des villes ^ ils sont contraints il un si grand exercice, et ils vivent tellement en plein air, qu'ils
éprouvent moins les inconvéniens de la malpropreté. Il seroit donc convenable que le peuple
des villes fit un plus fréquent usage des bains, et les Législateurs ne devroient jamais perdre
de vue ce point important d'hygiène pubhque.
§. XXVI I . Dans les longues études que j'ai faites à l'hôpital Saint-Louis, j'ai eu occasion
d'observer à loisir l'influence puissante des prof(îssions et des métiers, sur les affections déplorables
qui sont l'objet de cet ouvrage. Il semble, en effet, que ce qu'il y a de plus utile dans
l'ordre social tourne à notre détriment, et que l'homme trouve des écueils dans les moyens les
plus féconds de son industrie. Combien de personnes se livrent à des professions mécaniques
qui irritent physiquement le système dermoide ! Beaucoup d'artisans manient, par état, des
substances très-malfaisantes ; beaucoup travaillent dans des souterrains, et sont journellement
exposés aux plus fatales émanations ; d'autres sont en proie au froid, ii l'humidité, au feu, au
soleil ; certains font de grands exercices dans le marcher ; certains restent constamment dans
les mêmes lieux. J'ai ajouté des faits inconnus à ceux recueillis par Ramazzini, qui avoit déjà
traité ce sujet d'une manière très-philosophique.
§. XXVl l I . Parlerons-nous de la contagion ! quelle source abondante de maladies pour la
peau humaine ! mais aussi, que de phénomènes obscurs à dévoiler ! Chaque affection cutanée
a , pour ainsi di re, sa voie de communication. J'ai expérimenté à l'hôpital Saint-Louis, que rien
ne dili'ère davantage que la manière dont les exanthèmes se propagent. Si la Petite-Vérole el la
Vaccinepeuvent se développer par l'introduclion du pus dans les vaisseaux absorbans, il n'en est
pas de même de la Gale, que j'ai essayé vainement de faire naître par inoculation. Au surplus,
le mécani.sme de la contagion est particulièrement expliqué par l'élat physiologique de la peau.
On sait aujourd'hui que la gravité d'un exanthème, dépend plutôt de l'individu qui reçoit le
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virus, que de celui qui le donne ; en sorte qu'une peau saine et vigoureuse est souvent plus
apte à l'infection, qu'une peau foible et sans énergie. On peut, par exemple, comparer le vaccin
à un grain de blé, qui fructifie avec d'autant plus de force, qu'il est ensemencé dans un 1 ion
terrein. Faut-il s'étonner que la diathèse scorbutique nuise quelquefois à son développement
dans l'économie animale? Durant le cours des recherches que j'ai eu occasion d'entreprendre à
l'hôpital Saint-Louis, j'ai éclairci d'autres points de doctrine non moins essentiels : j'ai prouvé
que les Dartres les plus superficielles sont, en général, les plus contagieuses. Celles qui attaquent
à-la-fois le système dermoide et les viscères intérieurs, ou qui sont prolondément invétérées
dans l'économie animale, ne se transmettent point d'une personne à l'aulrCjOudu moins c'est
avec une difficulté extrême; et il faudroit d'ailleurs que leur invasion fût favorisée par des
causes prédisposantes. On avoit cru également que le Prurigo se coramuniquoit par le simple
contact : mes expériences ont bien démontré l'inexactitude de cette assertion. J'ai étudié la
Teigne, la Plique et beaucoup d'autres maladies, sous le même aspect. J'avoue toutefois qu'il
est une foule de problêmes relatifs au phénomène de la contagion, que je suis loin d'avoir
résolus : pour y parvenir, il faut des circonstances que je n'ai pas rencontrées.
§. XXIX. Les pi'ogrès de l'Histoire Naturelle, et son union intime avec la Médecine , font
qu'on apprécie mieux, depuis quelque temps, l'action des insectes dans la production des
maladies cutanées. On n'ignore pas, de nos jours, que beaucoup d'exanthèmes sont dus à
l'irritation que peut causer leur présence dans le système dermoide. On a presqu'entièrement
reconnu la nature de Vacarus, qui provoque l'éruption de la Gale. Dans les temps chauds, il
survient, dans l'atmosphère, des nuées de mouches qui donnent lieu à des phénomènes non
moins redoutables. On a vu quelquefois la totaUté de la peau acquérir une tuméfaction extraordinaire.
Ce qui est fort remarquable, c'est que chaque animalcule exerce, pour ainsi d i re, un
genre d'altération qui lui est propre. Les mêmes effets n e sauroient résulter de la piqûre des
abeilles, des frelons, des cousins, des chenilles, des scorpions, etc. Les insectes nuisent généralement
à la peau, par la morsure qu'ils y opèrent, par le venin qu'ils y répandent, par les
oeufs qu'ils y déposent. On en voit qui se nichent et perpétuent leur séjour dans cet organe :
c'est ce qui arrive , sur-tout dans les régions de l'Afrique , de l'Asie et de l'Amérique, où la
température brûlante de l'air se mêle parfois à l'humidité constante des lacs, et des fleuves
bordés d'épaisses forêts. MM. Humboldt et Bonpland ont observé, dans la partie haute de
l'Orénoque, une espèce Sacarus, qui laboure l'épiderme, en causant des démangeaisons
insupportables : ils parvenoient à le détruire à l'aide d'une pommade faite avec les fleurs de
soufre et la graisse de caïman. J e reviens aux faits que mon expérience particulière a recueillis.
J'ai cru devoir diriger mes recherclies sur le genre d'altération qu'impriment au système
dermoide, les poux qui se développent en nombre incalculable dans certaines maladies , sans
que l'oeil puisse assigner le siège de leur résidence, ou le lieu précis de leur sortie. Je me suis
occupé de la nature de ces insectes, conjointement avec M. Latreille, l'un des plus exacts
Entomologistes de Paris ; et j'ai déjà eu occasion de dire ce que je pensois de cet accident
terrible de la nature humaine, vers lequel Coelius-Aurelianus, et d'autres maîtres de notre
a r t , avoicnt aussi porté leur attention. J e démontrerai que cette affection n'attaque jamais les
personnes robustes et vigoureuses, et que la génération de ces dégoûtans animalcules, tient à
une foiblesse radicale et constitutionnelle de la peau, comme le développement des vers, dans
le conduit intestinal, tient également à un défaut d'énergie dans les propriétés vitales de cet
organe.
S. XXX. La triste influence des affections de l'ame sur les altérations du système dermoide
est trop manifeste, pour qu'on puisse la contester. On a dit judicieusement, que ces altérations
étoient, le plus souvent, l'apanage des hommes flétris par des chagrins, ou abattus par de
longues infortunes. Si les animaux sont moins sujets que nous aux maladies cutanées , c'est
qu'ils sont exempts d'une multitude de causes qui les produisent et les fomentent : leurs passions
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