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M A L A D I E S DE LA P li A U.
OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES SUR LE CANCER.
CC.CLXIV. Cancer n'étant point, à proprement parler , une affection csseutielle de la peau , cette
ellroyiiblc malaclic poiivant atteindre presque tous les organes de Fécouornic animale, il seroit déplacé d'en ofli-ir
à mes lecteurs une monographie coinplette. Celte dégénération horrible du système iiumain ne Lient moa
sujet que par quelques phénomènes accessoires que je me bornerai à recueillir. Au surplus, que de matériaux
n'a-t-ou pas rassemblés sur ce point de pathologie ! Depuis des siècles, tous les esprits se sont mis à la torture
pour se rendre compte d'un fléau aussi extraordinaire; et moi aussi je veux fournir quelques matériaux à
l'histoire du Cancer. Dans un autre temps, je reprendrai en sous-oeuvre cette importante matière, et j'espère
ia ti-aiter avec tous les détails qui lui appartiennent.
CCCLXV. Sans doute il existe des maladies aussi effrayantes que le Cancer; mais du moins elles sont
rares, et regardées en quelque sorte comme inouies t le Cancer, au contraire, est par-tout. Il alïligc partout
l'espèce humaine, et en fait un objet d'épouvante et d'eifroi. II dépeuple les villes et les campagnes. Les
ïiidigens et les malheureux C]ui en sont atteints, tombent dans une sorte de désespoir. TIs se cachent et vont
demander im a/.ile dans les hôpitaux pour y terminer leiu- carrière doulom-euse. La guérison même leur
offre la triste perspective d'avoir la peau lacérée ou les traits de la face horriblement défigurés. L'homme
est néanmoins celui de tous les animaux qui est le plus sujet au Cancer.
CCCLXYI. Et ce qu'il y a de plus triste encore, c'est que le Cancer résiste à presque tous les moyens qu'on
employe pour an-èter ses progrès. Il s'irrite même par les remèdes, si on ne vient à bout de le détruire d'une
manière soudaine, et d'éteindi-e avec rapidité tous les foyers de l'engorgement. Ce mal alireux rappelle la fable
de riiydre de Lenie, dont les tètes hideuses ne tardoient pas à renaître sous le bras terrible qui les coupoj
11 falloit bien quii qu'il eût eût inspiré inspiré une une grande grande ten-ten-em-em- aux aux anciens,anciens. puisqu'ils Duisnu'ils en pn nîn-parlent I<ini comme rnmi-nr. d'une fTim« affection
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due à
prmcipe vénéneux, ou h un ferment putride et con-osif. Aussi Hippocrate déclare-t-il qu'il seroit
téméraii-e- de vouloir entreprendre la cure du Cancer.
CCCLXVII. Comment croii-e en effet qu'on poiu-ra parvenii- à une théorie satisfaisante des moyens curatifs
qu'il faut appliquer au Cancer, quand ses phénomènes sont si difficiles à concevoir? Ne semble-t-il pas que
cette dégénération horrible du corps \'ivant réunisse seule tous les désastres propres aux autres maladies ? L'odeur
fétide qui s'en exhale est aussi repoussante que celle de la putréfaction gangreneuse. L'irritation qu'elle excite
est aussi vive que celle des plilegmasies les plus aiguës. Sou aspect est aussi dégoiitant que celui de la lèpre, etc.
J'ai peint la dartre pliagédéniqne, qui corrode les tégumens, les muscles et les os ; mais du moins ce phénomène
s'opère sans provoquer de grandes douleurs chez les malades. Le Cancer, au contraire, dévore les chairs
avec des déchircmens intolérables. Je dirai plus, il imprime à l'ame, comme l'a remarqué le célèbre Stahl,
une mélancolie profonde plus accablante que la douleur même.
CCCLXTIU. Les hôpitaux de Paris présentent le Cancer sous une multitude de formes. Dans le cours de
mes recherches, J'ai eu occasion d'observer la marche de ses phénomènes dans presque tous les organes de
l'économie animale. Tant de tissus diflérens doivent nécessairement donner naissance i\ des accidens trèsremarquables.
On peut consulter h ce sujet les travaux entrepris au sein de l'Ecole de Médecine de Paris •
c'est le Cancer de la ])cau que je dois principalement m'attachcr à décrire dans cet Ouvra'X.
TABLEAU DES PRINCIPAUX SYMPTÔMES QUI CARACTÉHISENT LE CANCER DE LA PEAU.
CCCLXIX. Le Cancer de la peau se manifeste presque toujours par la cause la plus légère. Un coup, une
contusion, une chute, etc., suffisent pour le déterminer, si d'ailleurs une disposition organique favorise son
développement. Un homme s'évade de sa prison, durant le rcginio affreux de la terreur. 11 se croit poursui '
dans une rue de Paris : il précipite sa course et tombe frappé d'épouvante. Il lui survient à la joue droite et
le
long de la .l partie latérale du front,? un Cancer cutané dont les iW suites OIA1H.-0 furent XL<1I.,11L très-11 Ua-funestes.ILIIJC-Iiys.
J'ai sin-tnut nu ohsi-rvm- .'i c..;.,» i n .i i • .
J'ai siu-tout pu observer i l'hôpital Saint-Louis, les Cancers que les Pathologisles, particulièrement Tulpius,
mdiquent sous la dénomination de Cancers ainhulaw. Une femme infortunée en portoit un qui avoit rampé
depuis la partie supérieure du col jusqu'à la partie inférieure de la poitrine. Cette fcnune avoit d'abord été
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M A L A D I E S D E L A P E A U . ,, ,
atteinte d'un érysipèle malin compliqué de dépôts qui n'ahcédèrcnt point ; mais leur terminaison s'effcclua
par induration, sur-tout aux glandes des aisseUes et des aines. JSientOt la peau ne devint qu'un Cancer trèsétendu,
d'où s'écouloit une matière fétide et comme corrosive. La malade expira misérablement.
L'horrible maladie que je décris, tire communément son origine d'un petit tubercule qui s'est fonné de
lui-même, ou qui est le résultat de quelque accident. Quelquefois, on n'apperçoit à la surface entamée
qu'une simple excoriation qui n'offre, dans les premiers jours, aucun caractère alarmant, mais qui tout-î'i-coup
se gonfle , s'enflamme, et s'ulcère ; du sein de l'ulcération jaillit un Ucjuide ichoreux et rougeâtrc. Enfin,
CCS tumeurs ouvertes de la peau deviennent comme le centre d'une foule de végétations charnues dont
l'aspect commence à effrayer Fobser^'atem*. On a vainement recours aux caustiques pour réprimer ccs
végétations , qui repullulent avec plus d'opiniâtreté que jamais.
Les tumeurs ulcérées dégénèrent de plus en plus : elles s'accroissent considérablement. Leurs bords inégaux
et bosselés se renversent. Leur couleur blafarde, bleuâtre ou livide, suffît pour déceler leur caractère cancéi
eux. La matière ichoreuse qui s'en échappe est mêlée d'un pus verdâtre , dont l'odeur est nauséabonde
et presque insupportable pour tout le monde. Stahl la compare à celle des chairs qui se corromprolciit
dans du vinaigre. Les malades eux-mêmes ne peuvent s'y accoutumer.
Le tissu cellulaire s'engorge et s'épaissit, ainsi que les glandes lymphatiques. Les veines environnantes
deviennent variqueuses. On voit ch. et là des tumeurs indolentes et des furoncles qui aboutissent à suppuration.
Maïs ce qu'U y a sur-tout de remarquable, c'est qu'au sein du désordre effroyable qui règne dans
la fonte cancéreuse, l'oeil de l'anatomiste ne distingue plus les différens tissi:s dont se compose la peau ;
tant ils sont mêles , amoncelés et confondus. La mort a fait subir le même genre de dissolutioii à ccs
végétations informes. Tout s'est converti en \me masse homogène et lardacée par le fennent de la corruption.
Les solides vivans entièrement désorganisés se liquéfient, et se résolvent en un putrilage sanguinolent et noirâtre. "
On voit cjue la nature a constamment en vue de séparer les parties malades des parties saines. C'est l'obstacle
qu'elle rencontre dans cette opération , qui fait que la matière de la suppuration prend un si mauvais
caractère.
Les malades affectés du Cancer de la peau , éprouvent des élanccmens qui donnent une sensation analogue
à celle de coups de dard ou de piqûres d'aiguille. Ces douleurs , qui sont légères pendant le jour , sont
très-violentes pendant la nuit. On les preudroit quelquefois pour des douleurs ostéocopes , analogues à celles'
qui s'observent dans les maladies vénériennes. Nous avons gardé pendant près de six mois , à l'hôpital
St.-Louis, une malheureuse femme , très - âgée , qui portoit un large Cancer aux tégumens de la partie
latérale et postérieure du dos. Toutes les situations lui étoient devenues déchirantes. Quelcpiefois aussi, la
souffrance est pour ainsi dire universeEe, et n'a point de siège déteraiiné. Les individus éprouvent une difficulté
générale de vivie , et d'exécuter leurs fonctions.
Enfin, à mesiu-e que le Cancer fait des progi'ès, et que le terme de l'existence semble approcher , les
malades tombent dans un marasme effrayant. Leur peau se dessèche , et devient d'un livide plombé. Une
fièvi-e lente les consume lentement. Cette fièvre augmente à certaines époques de la journée, mais sur-lout
le soir. Cependant, j'ai remarqué que, chez les agonisans, elle étoit quelquefois imperceptible. Enfin, toutes
les glandes participent à l'infection générale, et les malades ne peuvent plus se tenir debout. Ils éprouvent
des défaillances réitérées. Les douleurs sont moins décliirantes, mais elles sont constantes et aussi profondes
que si elles appartenoient au virus syphillitique. Les hémoiragies passi^'cs , les diarrhées coIliquati\'cs, les
sueurs froides et visqueuses , les oppressions fortes du thorax , et la difficulté extrême de la respiration ,
les soubresauts , les mouvemens convulsifs, un tremblement universel, le délire, terminent la catastrophe
et conduisent le malade au tombeau.
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