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la psoridc papulcusc. C'est à cette cause du moins qu'on est en droit d'attribuer la fréquence de cette éruption chez
les gens de lettres, les artistes, et en général chez tous les hommes que leur genre d'occupations condamne à une
sorte d'immobilité. Le séjour dans un lieu froid et humide produit le mémo résultat par la même influence. Un
de mes élèves, .AI- le docteur Vacquié, m'a communiqué l'observation d'un vieillard, ancien garçon boucher, qui,
n'ayant jamais en la gale, ni aucune autre maladie cutanée, fut atteint, il y a quinze mois, d'une éruption pemphigo'ide
intense, à laquelle a succédé un prurigo formicans extrêmement opiniâtre. Les papules peu saillantes, mais trèsnombreuses,
blanchâtres, avec une aréole rougeâtre légère à lu base, occupent la partie externe des membres et les
épaules. La démangeaison est tellement vive qu'il arrive souvent que la peau soit déchirée par les ongles du malade
qui, peu fortuné, a déjà fait inutilement beaucoup de remèdes. L'origine de cette affection paroît tenir, d'une part,
à un changement de régime devenu beaucoup moins substantiel, et de l'autre, à la cessation totale, par le séjour dans
une chambre humide, de la transpiration très-abondante autrefois.
D C C C L X V I L Les deux sexes sont également sujets à de vives démangeaisons des parties génitales, par suite de
l'àcreté que peut acquérir le fluide séro-muqueux abondant fourni i)ar les glandes, situées aux environs, ou même
par l'accumulation simple de ce produit sécrétoire. Il est enfin un autre prurigo de ces mêmes organes, lequel est
déterminé pav la présence d'un pou d'une espèce particulière. J'ai cru devoir mentionner cette cause, comme l'une
des innombrables circonstances externes qui peuvent servir d'une manière plus ou moins immédiate à la production
de l'une ou l'autre des trois espèces d'éruptions prurigineuses dont il nous reste à faire connoitrc les méthodes les plus
efficaces et les plus usitées de traitement.
A R T I C L E yj.
Des méthodes de traitement employées pour la guérison des Psorides.
D C C C L W l l L On n'aura pas de peine à croire qu'un genre de maladies dont le caractère est de ne respecter
aucune condition sociale, et d'atteindre le riche dans son palais aussi bien que le pauvre dans sa chaumière, a dû
naturellement faire éclore une immensité de recettes et de formules plus ou moins utiles. Quand quelque turpitude
s'attache à une maladie, il faut toujours s'attendre à ce que la cupidité spéculera sur la honte de ceux que cette maladie
afflige, et que le charlatanisme cherchera à s'en faire un monopole. Telle est aujourd'hui l'histoire de la maladie
vénérienne, et telle a été de temps immémorial celle de la psoride pustuleuse,
D C C C L X I X . Un écrivain a dit qu'il est toujours possible de calculer assez exactement l'étendue des notions positives
qu'on a sur une maladie d'après le nombre des médicamens préconisés pour la combattre. Cette idée, qui, prise
d'une manière trop générale, cesseroit d'être juste, s'applique parfaitement à la thérapeutique des deux maladies précitées;
et nous y trouverons en particulier, pour la psoride pustuleuse, la confirmation de ce que nous avons dit
touchant sa véritabl e étiologie.
D C C C L X X . La simple énumération des remèdes dangereux ou bizarres, puissans ou inertes qui ont été proposés
pour le traitement de la gale, à des époques plus ou moins éloignées, exigeroit à elle seule plusieurs pages. Chaque
médecin qui crut devoir s'en occuper (car elle fut long-temps abandonnée à la routine populaire) réglant sa thérapeutique
d'après Tidée qu'il se formoit de la maladie, il dut en résulter le chaos le plus impénétrable. Tirons un
voile sur ces travers de l'esprit humain; car que nous serviroit de savoir que le pissat d'àne, l'eau distillée de fiente
de renard, les lotions avec le sang de vipère, ont joui autrefois de qiielque crédit dans le traitement de la gale.^ Si
l'histoire des erreurs n'est pas totalement dépourvue d'intérêt, il n'y a du moins que les vérités positives qui aient une
utilité directe.
D C C C L X X I . On fut long- temps dans l'incertitude pour savoir s'il convenoit de traiter la psoride pustuleuse par des
moyens externes ou par des médicamens internes. Ces derniers, généralement abandoimés aujourd'hui, faisoient toujours
partie des méthodes suivies par les anciens, s'ils n'obtenoient pas exclusivement la préférence. Ainsi, les malades
devoient subir une ou plusieurs saignées, prendre quelques potions purgatives et se tenir à l'usage des décoctions de
plantes dépurantes^ telles que la chicorée, la patience sauvage, la bardane, la saponaire, etc., avant de passer
aux moyens dirigés contre l'éruption elle-même, et qui consistoient, comme aujourd'hui, en onguents, en pommades
et lotions diverses. Il est évident que ces précautions de régime inutiles pour la gale, ne pouvoient que prolonger sa
durée, et que, si elles réussissoient seules quelquefois, ce n'étoit rjue dans certaines éruptions prurigineuses que l'on
confondoit avec elle.
D C C C L X X I I . Lorsque son étiologie commença d'être un peu mieux appréciée, les remèdes restèrent encore remarquables
par leur extrême énergie. C'est ainsi que Baldinger faisoit usage d'un onguent composé d'acide nitrique et de
fleurs do soufre. Zacutus Lusitanus recommandoit, à l 'imitation de Pline, une pommade faite avec les amandes amères;
Trécourt employoit une dissolution de soufre et d'arsenic ; Heister u n amalgame de plomb et de mercure, Enfin on a
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employé avec plus ou moins d'avantage toutes les substances douées de quelque propriété active, que fournissent les
trois règnes de la nature.
D C C C L X X I I I . Parmi les plantes qui ont été alternativcmeut vantées pour le traitement externe de la gale, je no
mentionnerai que les principales, h'herbe aux gueux {clematis vitalba) fut beaucoup prônée dans le temps par un
médecin d'Avignon, et ce moyen étoit populaire en Provence, il y a une quarantaine d'années. Un autre médecin
d u même pays, M. Sumeire, a célébré depuis les vertus antipsoriques de dcntelaire [Plumbago Europea, Lix.).
C e remède obtint même le suffrage de l'ancienne Société royale de Médecine, sur le rapport qui lui fut fait, à
cet égard, par M. Halle. M. Ranquc, d'Orléaus, a composé un livre pour établir l'utilité de la staphysaigre [Delphinium
staphysagria, Li.\.), pour le même objet. Toutes ces plantes et une foule d'autres que nous pourrions mentionner
encore, étoient, ainsi que le tabac {nicotiona labacum, Lix.) que Dodoens, J. Bauhin, Matthiole, J. P. Frank, ont
considéré comme antipsorique, étoient, dis-je, employées en décoction, ou bien en macération dans l'huile, dans le
v i n , combinées quelquefois à certaines préparations opiacées, dans la vue de modérer leur propriété irritante, et
administrées plusieurs fois le jour en frictions. Leur usage a été totalement abandonné pour des substances plus faciles
à manier et d'une efficacité plus sûre. Un médecin militaire distingué, M. Vaidy, a employé avantageusement le
camphre dans le traitement de la gale, et quelques autres assurent avoir obtenu des succès du liniment ammoniacal,
recommandé par Peyrilhe.
D C C C L X X I V . Les oxides métalliques, les sels mercuriels, cuivreux, de zinc, de p lomb, ont aussi trouvé leur emploi
dans le traitement de la gale. Werlhof'se scrvoit d'un onguent dans la composition duquel entroit le mercure précip
i t é ; M. Hufeland fait entrer le zinc dans sa pommade. Mais de toutes les substances minérales, la seule qui a justifié
le mieux tous les éloges des praticiens, et cpii par suite s'est maintenue en possession de leur confiance exclusive dans
le traitement de la maladie qui nous occupe, c'est incontestablement le soufre. Connu sous ce rapport depuis des
s i è c l e s , c'est par mes soins, après une expérience longuement acquise, qu'il a été généralement substitué à tous les
autres moyens depuis une vingtaine d'années.
D C C C L X X V . Je n'entreprendrai point ici de faire ronnoître en détail les diverses préparations ou les procédés
particuliers qui ont été conseillés pour l'emploi de cette suK'îtance. Une telle énumération, fort insipide, seroit d'ailleurs
à peu près dépourvue d'utilité. Depuis l'oeuf de l'abbé Quiret, qui consiste dans l'introduction pratiquée bien longtemps
avant qu'il ne la renouvelât, d'une certaine quantité de fleurs de soufre dans un oeuf dont on extrait préalablement
l'albumiue, et qu'on fait cuire ensuite pour s'en servir en guise de pommade, la pharmacie a vu se multiplier
à l'infini les préparations analogues. Le liniment de M. Louis Valentin, qui se compose de soufre natif et de chaiLX.
vive par parties égales, triturés en poudre très-fine et incorporés dans suffisante quantité d'huile d'olive ou d'amande
d o u c e , m'a paru constituer une pâte de consistance médiocre, utile pour frictionner matin et soir les pustules de la
gale. La même formule tant soit peu modifiée a été long-temps adoptée dans les hôpitaux militaires.
D C C C L X X V I . Indépendamment de la rancid ite qu'elles contractent assez p romptement , la graisse ou les huiles qui
servent d'excipient au soufre dans les compositions précitées, ont encore l'inconvénient d'occasionner une malpropreté
rebutante et d'altérer le linge. La pommade dite improprement d'Helmerich, puisque j'en avois consigné la formule
dans un de mes ouvrages, même avant que M. Burdin divulguât la recette dont ce chirurgien faisoit un secret, cette
pommade, quoique faite avec la graisse, n"a pas l'inconvénient que nous avons reproché aux autres. Elle se compose
de deux parties de soufre sublimé, d'une de potasse purifiée et de huit d'axonge. Pour en user, il faut d'abord mettre le
galeux dans un bain ordinaire, l'y frotter avec lui savon liquide dit de Flandres; et ensuite il se frictionne lui-même
deux ou trois fois le jour avec la pommade indiquée. M. le docteur Lugol obtient le même résultat à l'hôpital Saint-
L o u i s , par des lotions dans lesquelles le soufre et le savon se trouvent unis par portions égales. Percy fit dans
le temps à l'hôpital Militaire de Paris, par ordre du ministre de la guerre, des expériences avec la pommade
d'Helmerich, qui toutes confirmèrent ses avantages. U n chirurgien-major, nommé Pihorel^ a proposé une autre préparation
qui difière à peine du linimeut déjà cité de M. Valentin. Beaucou]) d'autres ont été mises en usage; mais les
unes sont d'une assez grande cherté par leurs ingrédiens, et les autres ne laissent pas que d'être, à quelques égards,
dangereuses; il étoit donc très-important de simplifier et d'assurer tout à la fois l'administration de ce précieux
moyen thérapeutique.
D C C C L X X V I I . Ma longue pratique à l'hôpital Saint-Louis m'ayant mis à même de constater le degré d'utilité et
les avantages respectifs de chacune dos méthodes i)récitées et de la plupart de celles que je crois devoir passer sous
s i l e n c e , j'ai fini par adopter un procédé qui me paroit à la fois plus efficace et plus facile à mettre en pratique; voici
en quoi il consiste : on prend une certaine quantité de dissolution de sulfure de soude ou de potasse, à laquelle on
ajoute, au moment de s'en servir, une dose déterminée d'acide sulfurique. Pour la commodité dos ])ersonnes qui veulent
faire usage du remède, je suis dans l'habitude de le faire préparer et mettre dans doux bouteilles. L'une portant le
n° I , contient la dissolution de sulfure do potasse ou de soude; l'autre, étiquetée n "2, contient de l'acide sulfurique non
concentré. Pour s'en servir, on rempl it jusqu'aux trois quarts d'caubouillante une cuvette ordinaire, danslaquel l e on verse
ensuite plein un verre à liqueur de la dis.solulion n"^ i ; on agite le mélange, ajoutant en même temps une égale quantité
de la liqueur n° 2 , et à l'instant même on voit un léger dégagement gazeux se produire. La personne qui doit se servir
de cette préparation y trempe alors une éponge fine, et fait matin et soir des lotions sur lespartie.s converties de pustules.
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