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 nucune  pcrfrclion  clans  la  preparat ion  des  substances  alibiles  ,  les  nourritures  salces,  poivrées  ou  fumées,  provoquent  
 la  dcgcnérescenee  des  humeur s ,  et  donnent  naissance  aux  aflcctions  herpétiques.  Qui  ne  sait  également  
 que  l'abus  des  liqueurs  spiritueuses  et  fermentées  altère  les  sucs  nourriciers,  trouble  les  fonctions  des  
 vaisseaux  exhalans,  et  livre  le  système  dermoïde  aux  démangeaisons  les  plus  déchirantes!  
 C C X L I X .  Les  fatigues  violentes  du  corps,  les  voyages  pénibles,  les  travaux  continuels  ,  les  veilles  prol 
 o n g é e s ,  por tent ime  irritation  extraordinaire  dans  les  tégumens,  et  suscitent  le  développemcut  des  Dartres.  
 U n  soldat  de  la  garde  de  Taris  étoit  sujet  à  la  pustuleuse  mentagre.  Des  bains  et  quelques  jours  de  repos  suffisoieut  
 pour  la  faire  disparoître;  mais  elle  ne  tardoit  pas  à  se  remontrer  aussi-tôt  qu'il  reprenoit  son  service  
 m i l i t a i r e .  Un  homme,  qui  exerçoit  l'état  de  courrier,  fut  contraint  de  l'abandonner  à  cause  d'une  Dartre  
 squarameuse  humide  qui  occupoit  tout  le  flanc  gauche,  el  que  la  moindre  marche  ranimoit.  
 C C L .  Toutefois,  le  mouv ement  et  un  exercice  modéré,  sont  d'une  nécessité  indispensable  pour  le  maintien  
 d e  l'exhalation  cutanée.  A u  sein  de  l 'oisiveté,  le  cours  des  liquides  languit,  et  la  matière  do  l'exhalation  stagne  
 sous  l'épiderme.  De  là  vient  que  les  personnes  livrées  par  leur  profession  à  une  vie  tranquille  et  solitaire,  les  
 hommes  do  cabinet,  les  gens  de  lettres,  &c.  sont  tourmentés  par  les  Dartres.  Les  peuples  chez  lesquels  il  y ' a  le  
 plus  d'ans  sédentaires,  sont  aussi  ceux  chez  lesquels  il  y  a  le  plus  de  maladies  cutanées.  
 C C L I .  Les  individus  qui  négligent  les  ressources  de  l 'hygiène,  qui  vivent  dans  la  crapul e  et  la  malpropreté,  qui  
 portent  toujours  le  même  linge  et  les  mêmes  vètemeiis,  sont  très-exposés  aux  éruptions  de  nature  herpétique.  
 L e s  mendiaus,  les  matelots,  les  prisonniers,  les  galériens,  &c.  ressentent  une  douleur  piquante  à  la  peau,  
 avec  une  démangeaison  extraordinaire  qui  a  son  principal  siège  derrière  les  épaules.  Ils  sont  couverts  de  petits  
 boulons  aplatis,  d'où  s'écoule  un  pus  séreux,  lequel  se  convertit  en  eroiites  ou  en  écailles.  Souvent  même  
 l'épiderme  se  dessèche,  se  r ide  et  se  soulève  par  plaques.  Ces  sortci  de  Dartres  se  compliquent  communément  
 de  la  présence  du  scorbut.  
 C C L H .  Le  genre  d'occupation,  les  arts,  les  métiers,  &c.  sont  des  causes  extérieures  non  moins  agissantes.  
 Nous  avons  observé  à  l'hôpital  Saint-Louis  que  les  cuisiniers  sont  particul ièrement  enclins  à  la  Dar t r e  crustáceo  
 flavescente.  La  plupart  éprouvent  un  prurit  brûlant  dans  tous  les  membres.  Les  pâtissiers,  qui  approchent  touj 
 o u r s  leurs  mains  du  f eu,  ont  à  la  surface  du  métacarpe  des  Dartres  squammeuses  insurmontables.  Les  boulangers  
 sont  principalement  attaqués  par  la  Dartre  furfuracée  arrondie.  Ceux  qui  travaillent  journellement  
 dans  les  mines,  qui  s'exposent  aux  émanations  des  oxides  métalliques,  do  la  chaux,  &c.  ont  souvent  le  
 corps  dévoré  par  des  éruptions  prurigineuses.  Il  en  est  de  même  de  ceux  dont  la  condition  journalière  est  de  
 manier  des  substances  irritantes  qui  s'attachent  à  la  peau,  comme  les  meuniers,  les  amidonniers,  les  tanneurs  
 ,  &c.  
 C C L l n .  De  simples  causes  mécaniques  suffisent  quelquefois  pour  développer  un  vice  dartreux.  Nous  avons  
 v u  la  crustacée  navescente  se  déclarer  chez  la  nominee  Anne  Jolicoeur,  à  la  suite  d'une  forte  égratignure  qui  
 lui  avoit  été  faite  à  la  joue  gauche.  Elle  éprouva  des  démangeaisons  si  vives,  qu'elle  ne  put  s'empêcher  d'y  
 p o r t e r i e s  mams.  Bientôt  son  visage  se  couvrit  d'une  rougeur  érysipélateuse  ;  il  survint  ensuite  un  suintement  
 qui  donna  lieu  à  la  foriiiation  d'une  croûte  jauiie  et  comme  cristallisée.  Hilarión  Thomas  avoit  une  Dartre  
 sqtiammcuse  qui  occupoit  la  môme  place  que  la  Dartre  précédente,  et  qui  fut  l ong -  temps  rebelle  aux  moyens  
 qu'on  lui  opposa;  elle  céda  enfin  à  un  traitement  long  et  mé thodique ,  et  cet  h omme  jouit  plusieurs  années  d'une  
 bonne  santé  :  mai s  l'affection  dartreuse  reparut  à  l'occasion  d'une  chùtc  suivie  d'nne  blessure  assez  g r a v e ,  et  
 s  accrut  en  peu  de  jour s  avec  une  extrême  violence.  Ces  sortes  de  faits  sont  très-ordinaires.  
 C C L I V .  Il  faut  certainement  classer  le  chagrin,  la  colère,  et  toutes  les  passions  tristes  de  l'anie,  parmi  les  
 catiscs  qui  peuvent  favoriser  la  naissance  des  Dartres  :  c'est  ce  qui  arriva  à  Mar ie-Vincent  R u o ,  qui  fut  affcetce  
 d  un  exanthème  herpétique  sur  tout  le  corps,  même  au  cuir  chevelu  ,  aussitôt  que  la  mort  l'eut  privée  d'un  
 enfant  qu'elle  nourrissoit.  Dès - lor s ,  sa  peau  fut  parsemée  de  petits  boutons  qui  suppurèrent,  et  auxquels  
 succédèrent  des  croûtes  d'un  gris  verdâlrc  ;  quand  ces  croûtes  tomboient,  elles  laissoient  l'épiderme  ridé  et  
 épaissi.  Déj à  nous  avons  cité  dans  la  première  partie  de  cette  dissertation,  l'exemple  d'un  malheureux  domestique  
 qui ,  a  l 'époque  des  vengeances  révolutionnaires,  voyant  traîner  son  maître  vers  le  supplice  allicux  de  la  
 guillotine  fut  soudainement  frappé  d'une  éruption  furfuracée,  qu'il  a  conservée  pendant  plusieurs  années,  
 t h s a  barbet,  jeune  lemme  qui  reçoit  ciicore  nos  soins  à  l'hôpital  Saint-Louis,  n'a  été  atteinte  de  Dartres  qu'à  
 la  suite  des  longs  tourmens  qu'elle  a  endurés  par  la  perte  totale  do  sa  fortune.  
 C C L V .  J'ai  rassemblé  plusieurs  faits  qui  prouvent  que  des  désirs  long-temps  comprimés,  particulièrement  
 ceux  qui  portent  naturellement  les  deux  sexes  vers  les  plaisirs  vénériens,  ne  sont  pas  moins  nuisibles  Cet  état  de  
 contrainte  et  de  privation  introduit  un  dérangement  manifeste  dans  les  fonctions  de  la  peau;  et  II  est  assez  
 ordinaire  de  voir  le  Iront  des  jeunes  gens  et  des  jeunes  lilles  couvert  de  Dartres  pustuleuses.  D'ailleurs,  la  
 JL  
 i l  A  L  A  D  I  E  s  D  E  L  A  P  E  A  U.  S3  
 continence  forcée  conduit  souvent  à  des  habitudes  solitaires  dont  les  résultats  funestes  s'expriment  en  quelque  
 sorte  sur  les  tégumens.  Nous  avons  observé  long-temps  un  jeune  homme  qui  avoit  une  Dartre  pustuleuse  disséminée  
 sur  toute  la  surface  des  tégumens  ;  ses  yeux  en  étoient  si  violemment  irrités,  qu'ils  ne  ponvoient  
 supporter  aucune  lumière  un  peu  éclatante.  Les  cryptes  nniqueux  des  paupières  étoient  tclleuicnt  entlnmiiiés,  
 q u ' i l s  laissoient  couler  une  grande  quantité  d'humeur  puriforme.  Cette  Dartre  n'étoit  jamais  plus  intense,  que  
 lorsqu'il  se  livroit  à  la  masturbation.  C'est  alors  sur-tout  qu'il  étoit  dévoré  par  un  prurit  brûlant.  
 C C L V I .  On  se  trompe  souvent,  lorsqu'on  attribue  un  caractère  contagieux  aux  Dartres,  parce  que  toutes  
 les  personnes  qui  en  sont  atteintes  prétendent  les  avoir  contractées.  Par  un  amour-propre  qui  est  inné,  aucun  
 i n d i v i d u  ne  veut  qu'une  maladie  regardée  comme  honteuse  soit  inhérente  à  sa  propre  économie.  Les  malades  
 recherchent  alors  avec  un  soin  scrupuleux  les  diR'érentes  circonstances  dans  lesquelles  ils  out  pu  se  trouver  avec  
 des  personnes  atteintes  de  semblables  éruptions;  et  ils  leur  attribuent  presque  toujours  ce  qui  no  vient  que  d'euxiiicmes. 
   Qui  sait  si  les  auteurs  n'ont  point  été  entraînés  par  le  torrent  de  l'opinion  commune?  Pour  ce  qui  me  
 concerne,  j'ai  vu  à  la  véri t é  une  foule  d' individus  qui  disoient  avoir  pris  des  Dartres  pustuleuses  et  des  Dartres  
 furfuraeées  avec  des  rasoirs  mal  nétoyés.  J'ai  vu  eu  outre  un  jeune  homme  atteint  d'une  Dartre  squamnieuse  
 humide  à  la  partie  antérieure  de  l 'abdomen,  laquelle  paroissoit  avoir  été  communiquée  à  son  épouse.  Mais  cnnihien  
 d'autres  faits  militent  en  laveur  d'une  opinion  contraire  !  U n  malheureux  artiste  étoit  à-la-fois  tourmenté  
 e t  par  une  Dar t r e  squamnieuse  qui  rocouvroit  tout  son  corps,  et  par  la  véhémence  des  désirs  vénériens.  Il  cohab 
 i t o i t  avec  une  très-jeune  femme  qui  n'a  jamais  éprouvé  do  symptômes  dartreux.  Une  lille  étoit  sujette  à  une  
 D a r t r e  furfuracée  et  à  une  leucorrhée  abondante,  qui  alternoit  avec  l'apparition  de  l 'exanthème.  Elle  entrctenoit  
 u n  commerce  continuel  avec  plusieurs  individus,  dont  aucun  n'a  été  alTccté  du  virus  herpétique.  Tous  les  jours  
 j e  fais  des  observations  qui  paroisscnt  démontrer  le  caractère  non  contagieux  des  Dartres.  J'ai  exécuté  plusieurs  
 expériences  sur  m o i -même ,  en  présence  de  mes  élèves.  J'ai  tenu  long-temps  mes  mains  en  contact  avec  des  
 D a r t r e s  qui  suintoient;  j'ai  appliqué  doux  fois  du  pus  herpétique  sur  mon  corps,  dans  des  endroits  où  l'absorpt 
 i on  est  très-active.  Je  ne  regarde  pas  néanmoins  ces  di f fcrens  essais  comme  décisifs  et  concluans  : je  me  propose  
 d e  donner  plus  d'étendue  à  ces  recherches  intéressantes.  
 A R T I C L E  VI.  
 Vu  sicgo  spécial  des  différentes  espèces  de  Dartres.  
 C C L V I I .  La  peau  humaine  est  d'une  organisation  si  délicate  et  si  complexe,  qu'il  n'est  pas  facile  de  déterminer  
 quel  est  le  siège  spécial  des  affections  herpétiques.  Beaucoup  de  praticiens  l'établissent  dans  le  tissu  réticulaire. 
   Des  divers  tissus  qui  constituent  nos  tégumens,  c'est  en  effet  celui  dont  les  propriétés  vitales  sont  les  
 plus  actives.  L'opinion  la  plus  généralement  reçue,  à  cet  égard,  est  sans  contredit  très-probable.  
 C C L Y I I I .  J'ai  on  outre  regardé  comme  un  point  de  recherche  fort  intéressant  pour  les  progrès  de  notre  art,  
 de  fixer  quel  est  le  siège  particulier  do  chaque  espèce  de  Dartre.  Elles  proviennent  vraisemblablement  toutes  
 de  la  même  source.  Leur  affinité  réciproque  est  si  intime  et  si  frappante,  leurs  traits  de  ressemblance  si  nomb 
 r e u x ,  que  sans  une  étude  bien  approfondie,  on  ne  les  prendroit  souvent  que  pour  des  degrés  d'une  affection  
 absolument  identique.  On  doit,  du  reste,  présumer  que  toutes  les  différentes  espèces  que  nous  avons  décrites  
 partent  du  mciiie  point  dans  les  tégumens;  mais  que  les  unes,  par  l'effet  de  la  malignité  qui  leur  est  propre,  
 étendent  ensuite  leurs  ravages  plus  profondément  que  les  autres.  
 C C L I X .  Toutefois,  on  peut  dire  (ju'en  général  les  Dartres  ont  leur  siège  dans  les  organes  secrétoircs  et  
 excrétoires  du  système  dermoïde.  Mais  ces  organes  sont  attaqués  de  manière  que  l'irritation  herpétique  ne  s'étend  
 guère  au-del à  des  tégumens.  Aussi  ne  se  mani f e s t e - 1 - i l  aucune  altération  dans  le  reste  du  corps.  En  effet,  il  est  
 rare  que  dans  les  Dartres  on  apperçoive  cette  fièvre  primitive  qui  distingue  les  exanthèmes  aigus.  Si  la  lièvre  se  
 d é c l a r e ,  c'est  dans  quelques  cas  graves,  où  la  lésion  très-considérable  des  vaisseaux  exhalans  tuméfie  le  tissu  
 cutané  et  le  rend  érythémateux.  On  observe  néanmoins  que  lorsque  la  maladie  a  duré  long- temps ,  elle  peut  
 jeter  le  trouble  dans  tous  les  systèmes  de  réconomi c  animale,  et  c'est  alors  que  les  malades  éprouvent  les  symptômes  
 d'une  extrême  foiblesse;  mais  dans  cette  circonstance,  la  maladi e  cesse  d'être  locale,  et  les  accidens  secondaires  
 dont  il  s'agit,  sont  nue  suite  du  désordre  introduit  dans  l'exhalation  cutanée.  Ce  vice  de  l'exhalation  
 existe  communément  sur  les  parties  aircclées,  en  proportion  de  l'espace  occupé  par  l'éruption.