178 M A L A D I E S D E L A 1> E A U .
SECONDE PARTIE.
FAITS r c l a l i f s À Lhistoire generale des Iclhyoses.
D L X X X T . P o u r p eu qu' on veui l le maintenant compa r e r ensemble les dÎÎTcrcntcs espèces cVlclhyoses , dont
j'ai tracé le tableau indi v idue l , on ne pour r a s 'empêelicr de v o i r , q u e ces maladies manifestent une analogie
incont e s t abl e , p a r leur siège et le mo d e d'altération qu'elles font subi r ii l ' épide rme . On aura même occasion
d'obsei-ver plus b a s , qu'el les se r approchent p a r l'identité des circonstances qui cont r ibuent ù l eur donner na i s -
sance; il falloit p a r conséquent les comprendi 'e dans le même genr e . Ex p o s ons maintenant leur s phénomène s
c ommuns , leurs r appor t s avec les aut res maladies cut ané e s ; recherchons leurs c aus e s , et examinons s'il est des
•cas où l'art peut at tendre leur guér i sou.
AR T I C L E PREMIER.
Des phénomènes généraux c/iii caractérisent la marche des Icihyoses.
D L X X X I I . L e phénomène spécial des I c ihyoses est d' a l t é r e r , d' augment e r ou de diminuer l ' épa i s s eur autant
q u e la consistance naturel le de l ' épide rme Immain , de mani è r e t\ lui donner l 'aspect de l ' enve loppe t égument a i re
de quelques anima u x , tels que les poi s sons , les s e r p ens , etc. ; ceux qui connoissent la s t ructure part icul ière de
répidei -me, se rendent facilement compte de cet accident pa tholog ique . Malgi-é l 'opinion d'un anatomiste c é l èbr e ,
•on sait q u e cette membr ane se compose naturel lement d'écaillés pr e s que impe r c ept ibl e s , et di sposées d'une manière
trc-s-symétrique. Ces écailles sont ti-ès-apparentes dans certaines classes d ' a n ima u x , pa r t i cul ièrement chez les
po i s s ons , etc,
D L X X X I I I . L' insens ibi l i té de l ' é p i d e rme , l ' i solement de sa vi t al i té, l 'exlTcme simplicité de son organi sme et
r i iomog éné i t é de sa compos i t ion, la privat ion des nerfs et des vai s seaux s anguins , e t c . , e xpl iquent la plupa r t des
phénomène s q u e nous offrent les I c thyos e s . On v o i t p o u r q u o i le sys tème de rmoide n'est tourment é pa r aucune
doulem- , n'est en proi e à aucune démang e a i son, ce qui n'ar r ive point dans les ma l adies qui at taquent plus prorfondément
la subs tance des t é g ume n s : telles sont les da r t r e s ; tel est le p r u r i g o , etc.
D L X X X I V . L e s I c thyoses se présentent sous autant de f o rme s , q u e l'épidei-me est suscept ible de recevoi r de
modifications. L e plus c ommunément , c'est im s imple épai s s i s sement des écailles qui les cons t i tuent , ce qui doone
à la p e a u l'aspect de l ' enve loppe des poissons ; d' aut res foi s , ce sont des écailles si fines, si minc e s , q u ' a u t a c t , on
croit poser la ma in sur un a s s embl age d'épines a i guë s , et que le corps des ma l ades a l'air d'êt re revêtu d'une p e a u
de chagi-in ; de tels exempl e s sont t r è s -nombr eux. J ' a i vu deux enfans mfdes nés d'un pè r e ma l - s a in, chez lesquel s
cette disposition existoit ù un t rès -haut dcgi-é. L a plante de leui-s pieds et la p a u lme de leurs mains en étaient
seulement préservées . 11 s'opérait par ces parties une sueur si abondante , c{ue les souliei-s en étoient traversés et
pénét rés . Cette sueur étoit très-fétide. Ce qu' i l falloit r ema r q u e r dans cette f ami l l e , c'est c[uc les soeur s étoient
e x empt e s d'un parei l inconvénient , sans doute pa r c e que leur p e a u étoit naturellement d'une texture plus iinc et
plus délicate.
D L X X X T . Da n s certains c a s , ma i s ces cas sont rares , on a v u la pe au huma ine se couvr i r d'excroi s sances
d'une consistance absolument cornée. No u s avons déjà raconté l'histoire intéressante des f rères L amb e r t , dont
l 'apparei l tégument a i re étoit d e v e n u , p our ainsi di r e , méconnoi s sable ( voyez la Tl anche X X X I I I ) . On lit aussi
dans les Transact ions phi losophiques , l 'exposé des s ymp t ôme s qu' éprouvoi t An n e .Fackson, d'or igine anglaise.
S o n corps étoit pa r s emé de callosités dures et contournées à la manière des gr i l f c s d'un coq d' Inde ; elle en avoit
môme sur la l angue et dans l'intérieur de la bouche ; ses y e u x étoient en ou tre recouver t s p a r ime pellicule épaisse,
•en sorte qu'el le ne pouvoi t distinguer les objets qu' ave c la plus gr ande difficulté. Ces prolongemens cornés étoient
impl antés dans la pe au pa r des r a c ine s , et dans leur pr incipe res sembloicnt assez à des ve rni e s .
D L X X X Y I . No u s avons déjà fait o bs e r v e r , q u e dans que lque s ci rcons tances , ces sortes de végétat ions sont
I rès -peu nombr eus e s , que souvent on n'en voit qu' ime seule sur toute la pé r iphé r i e cut anée. A me sur e qu'el les
prennent de l 'accroi s sement , elles se contournent c omme les cornes des béliers. J ' a i déjà cité plus ieur s exempl e s de
•ces végétat ions qui n'appart iennent qu' aux t é g ume n s , et ne contractent jamai s d'adhérence avec les os.
M A L A D I E S D E L A P E A U .
79
D L X X X V I I . A u s u r p l u s , que l que multipliées que soient les excroissances cornées dont nous venons de faii-e
ment i on, les fonctions intét ieures n'en sont point altérées. L e s homme s écai l leux qui se montroient à Pa r i s étoient
d'une compl exion t rès - foi - le ; cependant on a observé qu'une f emme napolitaine qui étoit atteinte d'une ma l adi e
a n a l o g u e , n'étoit pa s r é g l é e , qu'el le épronvoi t uïie sorte de mal—aise, toutes les fois qu'el le av^oitpris de la nour—
i itui-e, e p e Ses ur ines sm-passoieht la quant i té des boisEons, etc. L a lille anglaise dont j'ai p a i l é plus haut avoit
une intelligenee t rès -bornée ; son phy s i que n'étoit pa s moins déplor abl e ; elle tonchoit déjà 4 sa qua tor z i ème anné e ,
et avoit à peine la stature d'un enfant de cinq aus .
D L X X X V I I I . Dans l ' I c thyose nacrée, tout annonce pareillement la foiblesse radicale du sys tème l ympha t i que .
Ces sortes d' individus sont por t é s à une mélancol ie habi tuel le. Mont gobe r t dont j'ai cilé plus haut l'observation
est dans une disposition scorbut ique qui l'a prodi g i eus ement débihté. I l ne peut se livrer à son travail sans
ressentir une vive cépl ialalgie, et un f eu brûl ant dans la p a u lme de ses mains ; d'ailleurs il est toujours rêveur et
taci turne. Ce_ s ympt ôme r a pp r o che s ingul ièremenl l ' I c thyos e nacrée de l ' Icthyose pel lagre, J ' a i déjà dit que dans
cette dernière ma l a di e , il survenoit mi délire t r i s t e , souvent suivi d'une sorte de stujjidité.
D L X X X I X . Ce qui est f r appant dans la cons idérat ion génér a le des I c thyos e s , c'est l 'ext rême variété qui
r è g n e entre les individus qui en sont atteints. L e s uns n'ont sur leur pe au q u e les plus l égè re s traces de cette
bizar re altération ; les aut res ont tout l eur corps g r avement af fecté. I l en est qui ont la membr ane épide rmoîque
minc e et di aphane ; d' aut re s l 'ont épai s se et renitente dans toute sa pé r iphé r i e : quel le différence entre les f rères
L amb e r t , recouver t s d'excroissances a f f reus e s , et tant d'auti-es sujets sur l e sque l s il vient ça et l à , que lque s v é g é -
tations de nature corné e ! quel le dil'férence non moins sens ible, entre les per sonnes atteintes de l ' Icthyose pellagi-c !
on en voit qui sont c omme brûl é e s et qui res semblent à des momi e s ; on en voit aussi dont la pe au n'est que
Ibiblement r i d é e , et qui ont une appa renc e de santé dans toute l eur pe r somi e , etc.
D X C . L e s I cthyoses sont que lque foi s universel les ; quelquefoi s elles ne sont q u e partielles ; souvent elles
n'at taquent q u e les br a s et les j ambe s . J ' a i vu une I c thyose singulière qui n'affectoit que le côté droi t ; ce qu' i l
y avoi t de r ema r qua bl e , c'est qu' el le étoit pér iodique et qu'el le se manifestoit à chaque pr intemps . Cette observation
a été faite sur une f emme parvci iue à l ' â g e mu r ; lor squ'el le étoit ma l a de , sa pe au étoit rude et éciiiUeuse commo
l ' env e l o p p e des poi s sons .
D X C I . L a p l u p a r t des I cthyoses sont endémi q u e s , pa r c e qu'el les tiennent à des causes loc a l e s , ou au genr e
de nour r i ture dont usent certains p eup l e s . L e s homme s qui habi tent plus ou moins le bo rd des mer s ou des
r ivières poi s sonneuses sont spécialement sujets à ITc thyos e nacrée : on sait combien la manière de vivr e des
pays ans de la L omb a r d i e iniluc sur la product ion de l ' Icthyose pe l l agr e ; il n' y a q u e l ' I c thyose cornée qui pa roi t
êt re le résultat for tui t de que l que cause non encore appréc iée.
D X C I I . L e s I cthyoses paroi s sent subordonné e s à l'iniluence des sai sons , et avoir cjuelque analogie avec la
mu e de certains animaux . Da n s les trois espèces que j'ai établies, les écailles tombent comni imément dans l ' automne
ou dans l 'hi v e r ; souvent même , lor sque cette crise s ' opè r e , les individus se t rouvent plus malades ou plus indi s -
posés q u ' à l 'ordinai re ; ma i s bientôt les écailles se reprodui sent et reprennent toujours leur ancienne forme .
A R T I C L E II.
t '
M
FI
Des rapports d'analogie ohseivés entre les Icthyoses et quelques autres maladies cutanées.
D X C I I I . On a eu tort de compa r e r les I c thyoses aux affections he rpé t ique s ; celles-ci suscitent des démangeai sons
vive s , qu' on n'observe jamai s dans les maladies dont nous traitons ; l'insensibilité naturel le de l ' épidenne e xpl i que
a i sément l 'absence du prur i t . L a de squamma t ion dar t reuse est le résidtat d'une pl i legmas ie clu-onique de la p e a u ,
l aque l l e s'annonce communément p a r un ama s de petits boutons p u s t u l e u x , qu' on n'obser\-e jainais dans les
I c thyos e s . Cette même desquamma t ion n'of f re point l'idée ni l'aspect de l ' enve loppe extér ieure des poi s sons , etc.
Comment p our i o i t - on se mépr endr e sur leur vrai caractère?
D X C I V . Oil a long- t emps envi sagé l ' I cthyose na c r é e , comme une affection lépreixse ; ma i s il est manifeste q u e
biette analogie pr é t endue est sans aucune sorte de f ondement ; car l ' I c thyos e nacrée se dirige spécialement sur
l ' é p i d e r m e . L a l èpre au contraire a t t aque l 'ensemble des t é gumens , et le tissu cellulaire sous-cutané ; de-Ià p r o -
viennent ces tuméfact ions des membr e s qui deviennent quelquefoi s mons t rueux et gigant e sque s , etc. L' a spe c t
hideux de certaines Ictliyoses a sans doute induit en e r r eur que lque s observateur s superficiels.
- jr'