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198 MA L A D I E S DE LA PEAU.
DCLIIL La Syphilitic pustuleuse forme quelquefois des grains tuberculeux qui augmentent successivement
<lc volume : ces grains conservent parfois la couleur de la peau; et, dans d'autres cas, prennent une couleur
brune ou rougeâtre, qui les fait ressejnbler à de petites merises, aux baies du cassis ou du genévrier, &c. J'ai
vu ces grains bouclier, dans une circonstance, toutes les cavités du visage, le nez, les oreilles, les yeux, &c. J
ce qui l'cndoit la physionomie extraordinuirejnenl difTorme.
DCLIV. Souvent ce sont de petites pustules aplaties, qu'on prcndroit pour des lentilles, et qui s'en rapprochent
autant par leur forme que par leur couleur ; d'autres s'élèvent en pointe et sont entourées d'une aréole
inflammatoire, comme les exanthèmes iniliairesj plusieurs sont vésiculeuses, comme les boutons de la galej
plusieurs aussi irritent et boursouflent la périphérie de la peau, comme si elle avoit été percutée par des orties
ou assaillie par les insectes de l'atmosphère : elles sont d'un rouge ardent quand elles sont récentes, d'un rouge
pi'ile quand elles sont anciennes. Ce qui m'a paru sur-tout très-remarquable, c'est que l'explosion de ces pustules
est fréquemment déterminée par des lièvres accidentelles, qui comjnuniquent une sorte de fermentation
au virus syphilitique dans l'économie animale. Une jcuue fille étoit entrée à l'hôpilal Saint-Louis, uniquement
pour y être traitée d'une fièvre bilieuse qui fut irès-intense. Cette fièvre se termina par le développement d'une
jnultitiide de pustules lenticulaires aux grandes lèvres, qui envahirent bientôt les membres thorachiques, et
qui ne cédèrent qu'à uue administration prolongée des mercuriaux.
DCLV. Les pustules les plus funestes et les plus opiniâtres nous ont paru être les serpigineuses, qui rampent
successivement sur toute la
surface de ]a peau, qui y lonuent des coutours plus ou jnoius siuueus, qui y tracent
de longues spirales, des cercles entiers, des seginens de cercle, &c. Ces pustules ne se terminent que trop souvent
par des ulcérations horribles : elles résistent parfois à tous les mojeus curatifa, et sont un sujet de désespoir
pour les malades aulaut que pour les gens de l'art.
DCLA'I. Nous avons rencontré quelques individus chez lesquels la peau présentoit, au lieu de pustules, de
simples taches d'un rouge-violet et d'un caractère mobile et fugace : elles s'évanouissoient quand les malades
éprouvoient quelque chaleur, et le plus léger froid ne tardoit pas à les faire reparoître : très-rarement alors la
peau s'élève au-dessus de son niveau; le plus souvent cette saillie n'est aueuucineut apparente. Au surplus, les
taches dont il s'agit décèlent d'autant mieux la présence du virus syphilitique, qu'il n'est pas rare de les voir
accompagnées de douleurs nocturnes et d'exostoses.
DCLVII. Nous avons indiqué, comme constituant une espèce particulière dans le genre des Syphilides, les
végétations sessiles et pédonculées qui se développent dans le tissu muqueux, et quelquefois dans le eorion.
Ces végétations paroissent avoir une force d'accroissement qui leur est propre; elles acquièrent quelquefois un
volume extraordinaire, et prennent les formes les plus bizarres.
D C L \ I i r . C'est sur-tout au périnée, aux parties génitales, à l'anus, que se trouvent les vaisseaux aux
dépens desquels elles se développent : on en remarque aussi au voile du palais et dans l'intérieur de la bouche.
Une femme mourut par une excroissance énorme qui se forma à la hase de la langue, et qui Huit par empêcher
la déglutition. L'anus est souvent obluré par des crêtes ou autres végétations, qui sont hors de la sphère
d'action de tous les remèdes : les chirurgiens sont forcés de les faire disparoîlre par des excisions douloureuses,
et souvent elles repullulent avec une inconcevable rapidité. Ces crêtes se placent principalement sur le frein de
la verge : il est fort rare au contraire d'en voir sur le sommet du gland, quoique cette partie soit mise le plus
souvent en contact avec le virus syphilitique. Sans doute les frottemens continuels émousscnt la sensibilité du
gland, et alfoihlisscut l'action des vaisseaux absorbans.
DCLIX. Ces végétations ou crêtes sont très-difTérentes par leur forjue ; elles sont aplaties sur leurs faces : l'un
de leurs bords est adhérent au prépuce; l'autre est libre, et présente un grand nombre de dentelures. Toutes n'ont
point pourtant cette exacte ressemblance : il en est qu'on peut comparer avec les roues des laminoirs, &c. Souvent
ces excroissances sont absolument sphériques, et ne sont qu'un amas plus ou moins considérable de granulations
blanchâtres ou de couleur rouge, continuellement humectées par une humeur iclioreuse et diaphane.
Ces fongosités, disposées par paquets, et jnarquees par des rainures ou sillons ])lus ou moins profonds, ont été
successivement comparées à des framboises, à des choux-fleurs, &c. On a honte d'exposer toutes les parties où
elles peuvent naître par une infection immédiate : on les voit paroitre non-seulement aux petites et grandes
levres, à la verge, aux bourses; mais à l'anus, à l'ombilic, à la bouche, dans les fosses nasales, aux paupières
aux oreilles, &c. 1 r î
DCLX. J'ai souvent soumis au plus scrupuleux examen ces éinincnces ou végétations syphilitiques, ces
masses charnues de couleur rosacée, &c. L'oeil ne peut se méprendre sur la nature de leur substance intérieure,
qui présente une quantité considérable de petits vaisseaux solidement unis les uns aux autres. L'une des extrémités
de ces petits cylindres vasculaires forme les racines implantées dans la peau ; et l'autre, qui dépasse
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M A L A D I E S DE LA PEAU.
la masse des végétations, sert à former les granulations dont nous avons déjà parlé, ou les dentelures qu'on
remarque sur leur bord libre.
DCLXL Quels ravages nous ofl-fo à chaque instant la Syphilidc ulcérée! La plupart de ceux qui en sont
frappés, commencent d'abord à être inquiétés par des douleurs légères au voile du palais ; d'autres fois ces douleurs
sont très-vives, et s'établissent dans les os de la tête, où elles sont intolérables : bientôt la peau rougit
et s'enflamme; il s'y établit de petites ulcérations, qui s'agrandissent insensiblement, et fournissent une suppuration
très-abondante : leurs bords sont inégaux, durs et squirrheux, tandis qu'on observe dans leur milieu
des enfoncemens considérables. Souvent ce sont des exostoses volumineuses qui précèdent la formation des
ulcères, et les os eux-mêmes sont atteints d'une horrible caric. Fracastor a éncrgiquement parlé de ce phénomène
:
Tune squallida lybes
Arms (horrendtim) miseros obcîuxit et allé
Grandia turgebanl foedis abscessibus ossa.
Ulcera (prob divuiu pietatcm ! ) inforuiia pulcliros
Pascebant oculos et divae lucis amoreni,
Pascebamque acri corrosas vulnere nares.
DCLXO. En général, les ulcères syphilitiques se manifestent plus particulièrement sur les surfaces muqueuses,
et dans toutes les parties où il y a exhalation d'humeur sébacée. Le dégoût particulier qu'inspirent ces ulcèrcl
et les ravages qu'ils occasionnent, les a fait désigner sous le nom de chancres, quoiqu'ils n'aient aucune analogie
avec les cancers : il est vrai que leur caractère rongeant semble justifier celle dénomination. Ils sont plus
ou moins pernicieux, selon qu'ils attaquent l'intérieur ou l'extérieur des organes : il est assez commun de les
voir se diriger vers la membrane du larynx, détruire les cartilages de cet organe, produire de vraies fistules
aériennes, ou y développer tous les phénomènes de la phthisie. Mon élève et ami M. Biett a fréquemment
remarqué de semblables aecidens, et j'en ai rencontré un grand nombre à l'hôpital Saint-Louis ; mais je pense
avec lui qu'on a eu tort de regarder cette aCTection comme incurable. Il a vu, ainsi que moi, plusieurs midades
dont on avoit désespéré, et qui néanmoins ont recouvré une santé durable.
DCLXIII. Les ulcères de la voûte palatine sont suivis des inconvéniens les plus graves. Personne n'ignore
(et c'est un symptôme qui n'est que trop fréquent) que la caric des os qui concourent à sa formation, linit par
établir une communication incommode entre la bouche et le nez : le son de la voix reste alors altéré pour toute
la v iej et l'individu ne peut proférer une seule parole, sans décéler le vice honteux, qui l'a atteint. Des chirurgiens
habiles ont inventé divers obturateurs pour remédier à ce triste inconvénient : M. Cullerier, qui excelle
dans l'art de l'observation, s'est sur-tout distingué sous ce point de vue.
DCLXIV. J'ai vu des vénériens chez lesquels la langue étoit devenue le siège d'ulcérations primitives et consécutives
: lea premières sont la suite des baisers lascifs. Si ces ulcères sont anciens, ils sont compliqués de l'engorgement
des glandes, ce qui cause la plus vive douleur au malade. Nous avons donné des soins à une malheureuse
femme, dont la langue avoit acquis le triple de son volume ; elle étoit perforée de part et d'autre, et dégénéra en
ulcère cancéreux. L'aspect de cet ulcère étoit horrible; il étoit profond, surmonté de chairs tuberculeuses; ses
bords étoient épais et durs; il s'en écouloit une suppuration cendrée, et qui cxhaloit l'odeur la plus fétide. Que
ne doit-onpas craindre de l'ulcère qui s'établit, dans quelques cas, à la paroi antérieure du pharynx? La plume
se refuse à rappeler les désordres qui peuvent donner lieu à de tels symptômes : cet accident gène horriblement
la déglutition, et détermine un épuisement suivi de la mort.
DCLXV. Les ulcères vénériens peuvent attaquer tous les organes. Nous avons vu beaucoup d'ozènes provenus
de cette cause, chez des enfans nés de parens infectés, ainsi que l'abolition entière de la perception des
odeurs. Un individu avoit non-seulement les cartilages de l'oreille cariés; mais l'ulcération, s'étantpropagée
jusque dans l'intérieur du conduit auditif, avoit détruit la membrane du tympan et les osselets de l'ouïe. Combien
de fois les yeux ne sont-ils pas affectés d'ulcères et d'un flux blennorrhagique ! Les muscles, et les os
sur-tout, sont très-accessibles aux atteintes du virus syphilitique. J'ai vu un ulcère qui étoit d'une profondeur
si considérable, , que tout le bras gauche avoit été eu quelque sorte disséqué par les ravages du mal : ce membre
donnoit de toutes parts issue à une sanie ichoreuse, putride, et d'une puanteur insupportable. J'en ai observé
un autre, qui avoit laissé tout le tibia à découvert; la substance de l'os étoil entièrement désorganisée; l'ulcère
étoit douloureux et saignant ; son fond étoit grisâtre, et rempli de bourgeons charnus.
DCLXVL C'est sur-tout à l'hôpital Saint-Louis qu'on a occasion de remarquer les diverses métamorphoses
de la maladie syphilitique ; c'est là qu'on la voit prendre successivement la physionomie du coryza, de la goutte,
du rhumatisme, de la consomption pulmonaire ou de la phthisie trachéale : heureusement, sous toutes ces
formes, elle est très-accessible à l'action du mercure j et on la voit quelquefois céder à ce remède avec une
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