M A L A D I E S DE LA PEAU.
Cinquième Ohservatioìi. — On vient de nous envoyer de la campagne, à Thopilal Saint-Louis, une jeune
fille de quinze ans, dont la peau est toute ridée comme chez les femmes accablées par la vieillesse. Sou visage
est d'une couleur sale et couverte de taches de rousseur; elle porte un goitre qui a beaucoup d'clendue, pour
sa petite taille; ses paupières sont attaquées par la blennoph thaï mie. Elle prétend appartenir <\ une famille
dans laquelle tous les individus venoient au monde avec une pareille infirmité.
Sixième Observation.pâtre Jacques, ne au milieu des marais de la Sologne, do parens malsains,
éprouva une maladie scrophuleuse qui se jeta d'abord sur l'articulation de l'avant-bras droit avec le coude.
Le chirurgien de son village chercha dès lors à faire résoudre cette tumeur, par diverses applications qui
n'eurent aucun succès; la tumeur se tourna vers la suppuration; il se fit trois petites ouvertures de forme ronde,
desquelles s'échappoit une certaine quantité de pus jaunâtre et très-fétide. Ce malheureux paysan ne fut pas
plutôt arrivé à l'hôpital Saint-Louis, qu'il se déclara une inflammation nouvelle aux malléoles des doux pieds;
il fut pris d'une leucopyrie dévorante, qui mina lentement ses forces; les glandes axillaires s'engorgèrent d'une
manière alarmante: il se manifesta divers abcès à la surface du corps. Le berger Jacques étoit d'ailleurs trèscacochvmc
depuis son enfance ; sa colonne épinÎère s'étoit totalement déformée; sa peau étoit flétrie et singulièrement
ridée par les progrès d'une ichthyose congéniale; elle s'exfolioit par intervalles, surtout aux bras et
aux cuisses. Jacques étoit d'ailleurs horriblement défiguré par le simple effet de la vieillesse. Dans les derniers
temps de sa vie, il étoit devenu pour ainsi dire insensible à toutes les impressions extérieures; il ne répondoit
pas un seul mot aux questions qu'on lui adressoit, lorsqu'il étoit interrogé sur ses besoins. Il s'éteignit, après
avoir langui deux années dans l'affaissement et le marasme.
DCCXXXIX. Je souhaite que ces observations, toutes recueillies en présence des nombreux élèves qui ont
écouté mes leçons cliniques, puissent démontrer d'une manière satisfaisante la ligne tranchée qui sépare la
scrophule vulgaire de la scrophule endémique. Ce point de vue, ce me semble, n'avoit pas été saisi jusqu'à
nous. Examinons maintenant les phénomènes généraux d'une maladie qui afflige tant de générations, et qui
s'est en quelque sorte identifiée avec l'espèce humaine.
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M A L A D I E S DE LA PEAU.
SECONDE PARTIE.
Des Faits relatifs à l'histoire générale des Scrophules.
DCCXL. J'AHUIVE à la partie la plus iatciressante de ma dissertation : je vais présenter en masse les nombreux
phénomènes d'une maladie que tout le monde connoît, et qui attriste en tous lieux les regards. Il n'est personne
qui n'ait été le témoin des accidens que je vais mettre sous les yeux de mes lecteurs ; le vulgaire même pourra
juger de la vérité de mes recherches, puisque le mal affreux dont il s'agit empoisonne toutes les classes de la
société, depuis le palais du riche jusqu'à la cabane du villageois.
ARTICLE PPvEMIER.
Des Phénomènes généraux qui caractérisent la marche des Scrophules.
DCCXLI. Personne n'ignore que les premières atteintes de la maladie scrophuleuse se dirigent communément
vers les glandes du col ; c'est de ce premier siège que ses progrès s'étendent, et qu'elle se propage successivement
jusqu'aux autres systèmes ou appareils dont l'économie animale se compose. Le vulgaire, qui a observé
la lenteur avec laquelle cette affection parcourt d'ordinaire ses périodes, la désigne avec beaucoup de justesse
sous le nom à'humeurs fro ides. Une semblable épithète, ainsi que je l'ai déjà dit dans le premier volume de ma
Nosologie naturelle, exprime une des plus justes idées dont la multitude soit en possession.
DCCXLII. Une dissection exacte met facilement en évidence ce grand nombre de glandes lymphatiques qui
sont, pour ainsi dire, incrustées dans le tissu cellulaire ; celles qui sont susceptibles d'être infectées par le vice
scrophuleux, se rencontrent surtout aux deux angles de la mâchoire inférieure, et dans toute la région
cervicale. Ces glandes s'engorgent, augiuentent de volume, jusqu'au point de devenir très-saillautcs, par l'effet
de la maladie; elles contractent uue dureté très-remarquable; la peau qui les recouvre conserve d'abord sa
couleur ordinaire, et n'a pas plus de sensibilité que de coutume; mais à mesure que les glandes s'irritent pour
devenir le centre d'un travail suppuratoire, elle s'altère ot prend une couleur rougeàtre ou purpurine.
DCCXLIII. Les tumeurs scrophuleuses ne suppurent point régulièrement et on masse, comme les abcès
dus à toute autre cause; il est des parties qui se ramollissent pour fournir un pus homogène, et oflTrent les
conditions louables de la maturité, tandis que d'autres ne fournissent qu'une sérosité visqueuse, où nagent une
sanie ichoreuse et une matière blanche, comme caséeuse, qui se fait jour par plusieurs petites ouverlures
ou perforations, comme au travers des trous d'un écumoir. Telle est du moins la comparaison dont se servent
communément les palhologistes, pour rendre compte de cet accident; cette matière est plus ou moins fétide,
selon qu'elle a plus ou moins séjourné dans le foyer où elle a pris naissance.
DCCXLIV. Les engorgemcns scrophuleux ne font d'abord éprouver aux malades qu'une sorte de gêne dans
le mouvement des muscles cervicaux, gène qui provient manifestement de la compression qu'éprouvent les
ganglions lymphatiques. La plupart des malades se plaignent d'étourdissemcns, de céphalalgies, etc., qu'il faut
sans doute attribuer à la stagnation du sang dans le cerveau. Cependant les tumeurs deviennent douloureuses,
lorsqu'une phlegmasie propre à les amener à suppuration s'en empare, et bientôt la peau amincie vers leur
sommet par la destruction du tissu cellulaire soujacent, se déchire pour donner une issue aux flocons purulens
qu'elle renferme.
DCCXLV. Les cicatrices qui succèdent aux ulcérations scrophuleuses, mériteroient une description fidèle;
elles ne sont jamais régulières, comme dans les abcès qui résultent d'une cause accidentelle; les tégumens
i-estent déprimés dans l'eiulroit où elles s'opèrent, et leurs bords sont fongueux et procminens, comme s'ils
avoient été réunis par une suture grossière : on on voit qui restent béantes ou qui se rouvrent instantanément,
lorstiue le ciment muqueux n'a point les conditions requises pour les consolider. Quelques-unes se recouvrent
d'une croûte verdâtrc et tuberculeuse; d'autres d'un boursou/flcment celluleux ; enfin, il est des circonstances
où la matière de la suppuration, loin de se vider au dehors, s'épanche au contraire dans les aréoles du corps
cellulaire, pour y détruire en totalité les glandes, ou poiu- y former de vastes et tortueux clapiers. Cet accident
ne sauroit avoir lieu sans que lo malade ne soit consumé par une leucopyrie conlinue, qui dessèche et dévore
progressivement tout le corps de l'individu.
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