
quelques pains aux chiens ; un repas aufll fort qu'à
l'ordinaire les rendroit lourds 8c leur couperoit
l’haleine : trois ou quatre pains fùffifent pour
cent chiens * il eft bon cependant d’obferver que fi
le rendez-vous eft éloigné , on peut leur en donner
davantage, parce qu’alors ils ont le tems de
le vider. La plupart au tems ils ne veulent pas
manger * ils apperçoivent des le matin quelques
indices qui leur annoncent un jour de chaffe ,
comme le premier piqueur en habit d’équipage ,
ou l’ apprêt des couples ; leur gaieté dès-lors les
empêche de manger.
A u retour de la chaffe , on donne aux chiens
une bonne mouée , autrement une foupe j cette
mouée eft faite avec les dedans de boeufs ou trt-
pëes; chaque mouée eft compofée des quatre pieds,
de la panle , du coe u r , du feuille t, au mou , du
caillet & du foie de boeuf. On prend cinq tripées
pour faire la foupe pour cent quarante ou cent
cinquante chiens.
Pour faire la mouée , on la commence ordinairement
la veille au foir * on fait cuire les tripées
à petit feu , dans des chaudières , pendant
toute la nuit * le lendemain on augmente le feu.
Lorfque les tripées font bien cuites, on caffe
quarante pains dans des baquets, 8c on les arrofe
avec le bouillon dans lequel on les laiffe bien
tremper * après quoi on coupe la viande par petits
morceaux, on la jette fur le pain, 8c on mêle le
tout enfemble ayec des pelles > on la tient toujours
auprès du fe u , jufqu’au moment à-peu-près
qu’on doit la donner aux chiens * on la verfe alors
dans les auges * mais il faut prendre garde qu’elle
ne foit trop chaude , parce que les chiens qui la
mangent avec voracité , fe feroient beaucoup de
mal. Les chiens ne mangent la mouée qu’au retour
de la chaffe * les repas ordinaires fe font deux fois
par jour , en rentrant de l ’ébat.
Du chenil de T ébat des chiens.
La grandeur d’un chenil doit être proportionnée
au nombre & à la taille des chiens qui compofent
la meute* c’eft-à-dire, qu’ il ne foit ni trop grand,
ni trop p e t it , afin que ces animaux n’y aient pas
froid dans l ’hiver , ni trop chaud dans l ’été j il
faut qu’il y ait des fenêtres des deux côtés j pour
pouvoir y donner de l’air dans le befoin * le chenil
doit être pavé 8c fait en pente, avec un ruiffeau
au milieu pour l’écoulement des eaux & des urines.
Les bancs fur lefquels les chiens couchent, font
de planches , qui, moyennant des charnières de
f e r , peuvent fe relever quand on veut balayer les
ordures qui paffent au travers & qui s’amaffent
deffous ; ces bancs ont quatre pieds de largeur
fur huit pouces de hauteur ; s’ils étoient plus
é le v é s ,, les chiens,- foit en jouant, foit en fe
battant ou en fuyant un coup de fouet 3 fe bleffef
roient en tombant de deffus, ou s’écrufferoient
en y montant. 11 y a autour de ces bancs , pour
retenir Ja paille, un rebord d’un pouce ; ce rebord
eft arrondi pour ne pasbleffer les chiens, fl y
a au-deffus des bancs un lambris de planches de
trois pieds de hauteur, afin que les chiens ut fe
couchent ni ne fe frottent contre la muraille * ce
qui d'une part leur cauferoit du froid 8c de l'humidité
, & d’autre part les rendroit mal-propres
& craffeux. Il faut que les portes ferment bien
en tout tems, qu’elles foient larges 8c à deux
battans qui ouvrent en-dehors , afin que les chiens
qui fortent toujours avec précipitation, nes’ eftro-
pient pas contre les carres des portes. 11 y a au
bout du grand chenil, un autre chenil beaucoup
plus petit pour mettre les chiens au gras j la porte
de celui-ci doit être de même à deux battans, 8c
s’ouvrir du côté du grand chenil. Il y a dans le
principal chenil, un réverbère qui eft allumé
toute la n u it, afin que le valet de chiens de garde
puiffe voir 8c féparer les chiens qui fe battent,
& remarquer ceux qui paroîtroient menacés de
quelque maladie.
L’ébat ou l’endroit dans lequel on promène
les chiens , doit être fermé , 8c autant que faire
fe p eu t, à portée du chenil, tant pour la sûreté
que pour la commodité de la meute * il faut qu’il
y ait des arbres, afin que dans l’été les chiens
puiffent fe mettre à .l’ombre deffous * il faut auffi
qu’il y ait de l’herbe , pour deux raifons : la première
eft que les chiens en prennent quand ils ont
la colique ; 8c la fécondé eft que le marcher eft
plus doux & plus propre que tout autre terrain.
Les chiens font promenés ou menés à l’ébat deux
fois par jour j on les fort à cinq ou fix heurës du
matin, 8c à quatre heures & demie ou à cinq
heures du fo ir , dans l’été $ 8c à mefure que les
jours raccourcirent, on retarde le premier éb a t ,
fc ou avance le fécond : en forte q u e , dans l’hiv
e r , l’un ne peut être commencé avant fept heures
& demie du matin , 8c que l’autre doit être fini à
trois heures & demie du foir. Chaque promenade
eft d’une demi-heure dans l’hiver, 8c d’une heure
au moins dans, l’ é t é , pour donner aux chiens le
tems de prendre de l’herbe , de fe mettre à l’ombre
8c de fe rafraîchir. On d o it, pendant la promenade
, corriger les chiens qui s’écartent & qui
ne veulent pas rentrer avec les autres * on les corrige
en les nommant par leur nom, pour les accoutumer
à l’obéiffance.
Du foin & du panfement d'une meute.
Il ne fuffit pas de bien nourrir des chiens courans
8c de les mettre dans un chenil commode * il faut
encore en avoir le plus grand foin 8c les tenir
proprement, fi on veut les conferver & en tirer
tout le fervice qu’on a lieu d’en efpérer. Pendant
la promenade du matin, on retire la paille ( i ) qui
eft dans le milieu du chenil, qu’on lave 8c qu’ ôn
balaye * on prend enfuite la paille qui eft fur les
bancs, on la met à la place de celle qui' a été
retirée, 8c on en met de nouvelle fur les bancs *
pendant la promenade du foir , on remue avec
une fourche la paille qui a été mife le matin , 8c
la même chofe fe répète tous les jours. Le valet
de chiens de garde qui eft chargé de ce foin , l’eft
auffi d’ôter ave?une pelle 8c un petit bâton, les
ordures que fqnt les chiens dans le courant de la
j ournée : on a remarqué que ces animaux adoptent
un endroit du chenil pour fe vider, 8c que rarement
ils fe vident où ils fe couchent.
Le lendemain d’une chaffe, le chenil eft lavé
8c nettoyé avec plus de foin que les autres jours *
8c fouvent même on eft obligé de renouveller
toute la paille, parce que les chiens, pleins de
, foupe 8c de viande , fe font vidés pendant la nuit
plus abondamment que de coutume. Quand le
chenil, le lendemain d’une chaffe, eft bien nettoyé
, on lave les chiens en trempant dans l’eau
une broffe , avec laquelle on les frotte par tout
le corps* dans l’hiver, 8c même dans tout autre
faifon , s’ il fait fro id , on les lave avec de l’eau
tiède, pour ne pas les morfondre. Lorfqu’ils font
lavés 8c broffés, 8c qu’on a mis de la paille dans
le chenil, on les fait aéjedner avec du pain à l’ordinaire
* fi cependant il refte de la mouée de la
veille, on la donne aux chiens maigres, 8c à ceux
qui ont le plus fatigué. Entre deux chaffes, on
les peigne 8c on les broffe, fait le furlendemain
de la chaffe, foit la veille de l’autre. A-peu-près
tous les quinze jours on leur fait la queue , c’ eft-
à-dire, qu’on coupe, avec des cifeaux, les longs
poils qu’ils ont fous la queue, depuis un bout juf-
qu’à l’autre. Un chien courant doit avoir la queue
mince 8c effilée par le bout * ces longs poils la
groffiffent, 8c par conféquent déparent l ’animal:
en même^ems on refait la marque * cette marque
fe fait avec les cifeaux au côté droit.
Tous les jours, 8c fur-tout un lendemain de
chafle , le premier piqueur 8c les valets de chiens
remarquent, pendant* l’ébat, s’il y a des chiens
boiteux, bleft'és ou malades * 8c, en lès lavant,
on regarde leurs pieds , pour favoir s’ils ne font
pas deffoiés, ou s'ils n’ ont pas quelques chicots ou
épines. S’il y en a quelqu’un qui rafle affez mau-
Vaife mine pour inquiéter, on lé fépare, 8c on ne
le remët avec les autres que lorfqu’on voit qu’ il
fe porte bien. Lorfqu’en rentrant de la chaffe ou
pendant la curée, on s’apperçoit qu’ un chien eft
boiteux, on le panfe à l’inftant félon fon mal : le
C O Tl faut fe fervir de paille de feigle * la paille
de froment fe brifë, pique les chiens» & leur fait
venir des boutons.
traiter ainfi lorfqu’ il eft encore échauffé, c ’eft
avancer fa guérifon. Les chie.is bleflés ou malades
font toujours féparés dans un petit chenil, où ils
font plus tranquilles qu’avec les autres. On voit
combien le détail d’un chenil demande de foins
8c d’attentions, 8c que par conféquent c e u x ‘à
qui on le confie , ne peuvent trop s'en occuper.
Âu refte , il ne faut pas croire que ce foin ne regarde
que le premier piqueur * les autres veneurs
doivent aufll de leur côté veiller à la confervation
de la meute, 8c pour cet effet fe trouver fouvent
à l’ébat 8c aux repas des chiens, 8c avertir dè c®
qui pourroit échapper à la connoiffanèe du premier
piqueur 8c des valets de chiens ; il faut auffi que le
commandant fâche par lui-même ce qui fe paffe
dans le chenil, 8c fi ceux qui font fous fes ordres
rempliffent leurs devoirs.
Des maladies & accidens qui arrivent aux chiens ,
& des remèdes pour les guérir.
De la fièvre.
Lorfqu’on s'apperçoit qu’ un chien eft trifte, 8c
qu’il ne mange pas, il faut lui regarder à la gueule :
fi on la trouve blanche & liv id e , c’eft une preuve
qu’ il fouffre. Pour favoir s’il a de la fiè v re , il
faut le tâter des deux côtés vis-à-vis du coeur , 8c
remarquer fi les mouvemens font plus élevés 8c
plus fréquens que de coutume. Lorfque la fièvre
eft fo r te , elle fe dénote par un battement aux
flancs de l’animal, 8c pour lors il faut le faignerj
fi le lendemain la fièvre continue, il faut le faignsr
une fécondé fois , lui donner des lavemens faits
avec d„e l’ eau 8c du foh, 8c lui en donner au moins
deux par jour pour le rafraîchir. Il eft bon d’obferver
qu’en général on ne doit faigner un chien que
dix ou douze heures après qu’il a mangé. Lorfque
la fièvre eft tombée, on donne au chien une médecine
compofée d’une once de manne fondue dans
du la i t , ou d’ un gros de fel de Glauber , fondu
dans une cuillerée d’eau, ou de fix gros de fyrop
de nerprun dans de l ’eau tiède * ces dofes doivent
être augmentées ou diminuées félon la grandeur
8c la forcé du chien. Lorfqu’un chien eft fiir-mené,
c’eft-à-dire , lorfqu’il a trop couru 8c qu’ il en eft
malade, on doit le faigner , lui donner des lave-
*mens, 8c enfuite du lait ceupé : par ce moyen on
le rafraîchit * 8c il fe rétablit moyennant du repos:
Le chien eft iujet à une maladie qu’on appelle jau-
rïijfe ; elle-* commence par une fièvre très-forte ,
peu après l’animal devient jaune fur tout le
corps 8c même dans les yeux * ce qui dénote que
la bile eft paffée dans le fan g : lorfqu’on s’en ap-
perçoit, il ne faut pas faigner, mais il faut donner
beaucoup de lavemens, 8c purger plufîeurs
fois ; cette maladie eft très-dangereufe 8c fouvent
mortelle. Lorfqu’un chien eft malade , & qu’ il a
de la fièvre, on ne le nourrit que de bouillon * 8c
lorfqu’ il ne veut rien prendre de lu i-même, il
faut, en lui tenant le nez haut, lui ouvrir la gueule