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Quand on a tendu ion panneau, on s’éloigne à
dix ou douze pas, & on fe cache dans un buiffon ;
il faut fur-tout obferver de ne point paifer dans la
voie de l'animal, afin de ne lui laiii’j : aucun fen-
timent de l’homme.
L e chafteur caché dans fon buiflbn , doit garder
un filence profond; car le 'lapin a l’oreille
fine ; il s'arrêterait proche de l’ertdroit où il a
entendu du b ru it, & pourrait fentir les voies de-
l’homme quoiqu'imparfaitement : quand il vous
aura paffé de .cinq, ou fix .pieds, il faudra frapper
des mains '; alors votre gibier qui fe croit
pourfuivi s’élancera dans le file t, & vous vous en
faillirez.
On tend ce panneau le matin à la.pointe du jour,
& l’on refte à l’aifût une demi-heure après quele
foleil eft levé , fur-tout pendant les grandes chaleurs
de l’été. On peut aufli prendre ce divertiffè-
ment le foir , demi - heure avant le coucher du
fole il, & demeurer en embufeade jufqu’à ce que la
nuit foit fermée.
On a cependant remarqué que ce filet qui fe tend
affez commodément dans un teins calme, ne peut
refter en état dans un tems orageux ; fouvènt même
, fi on n’a pas aifez de promptitude pour fabule
gibier, il s'échappe. On doit alors avoir reeours-
à un autre panneau qui remédie à tous ces incon-
véniens , mais qui eft beaucoup plus embaraliant :
voici la manière de le tendre. ,
. On prend deux bâtons delà longueur de quatre
pieds , de la groffeur de dèux ou trois pouces , &
unis à chaque bout. On attache enfëmble au bas
de quelquarbre à un pied 8a demi de terre & hors
du chemin ies deux bouts de ficelles qui font du
même côté du filet, & on tend ces ficelles de
manière qu’elles foient affez lâches par le milieu
pour pouvoir pofer entre deux les bâtons.
De ces bâtons le premier fe place au bord du
chemin , ayant lin botit fur là ficelle d’en bas, &
l’autre fous l’ autre boutdecettejicelle : on marche
enfuite au travers du chemin par derrière le filer,
en tenant la ficelle d'en haut , afin que le bâton ne
fe défaffe point ; 8c quand on eft arrivé à l’autre
bout du chemin ,on accommode le fécond bâton
comme le premier, en faifant en forte que tous deux
fenchent un peu du côté où doit venir le-gibier
u’on attend, afin que l’animal donne dans le file
t , fa fie fortir le bâton d’entre les ficelles &
5 enveloppe dans le piège.
Cette chaffedemande delapatiençe, du filence,
£c de l’induftrie.
Chaffe du lapin au pan contremaillé.
L e pan çfniremaillé eft un filet double, qui eft
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| bien moins emlK.i|5ftiint que les panneaux fimplés
dont nous vent^jî’de parler, mais qui s’appèrçoit
j aufli de plus loih : on le tend dans les chemins &
: ordinairement .plufieurs lapins , s'y prennent â la
i ê Parce fine le piège ne tombe point de la
manière qu’on le tend.
On obferve dans cette chaffe tout ce que
nous...avons dit dans la précédente au luler-du
chemin, du vent ou du buiffon: quelquefois on
monte fur tin arbre , 8c au lieu de frapper des
mains , on jette fon chapeau pour pouffer le gibier
1 dans le filet.
On prend avec les pans contremailles non feulement
les lapins , mais encore les lièvres,;les
: renards , les blaireaux 8e les loups , pourvu qu’on
porte avec, foi quelque fourche de fer , ou.d’au-
tires ihftrumens femolables pour ruer ces derniers
t animaux avant qu’ils rompent le filet.
Chiffe du lapin à la fumée.
C e t t e chaffe peut fuppléer à celle du fure t,
que tout Jè monde n’elt pas en état d’exécuter.
, „ Prend du foufte & de la poudre d orpin qu'on
brûle dans du parchemin ou du drap , que' l'on met
a du trou /enforte que lè vent chaflè
ta fumée dedans. La lapin veut fortir de fon ter-
rI.?r J, % rent^ a I autre extrémité ; mais comme
.elle doit etre arreté® par des poches , il s’y trou-
ve enveloppé, & le.chaffeur qui eft auprès faifît
fa proie., l ' j ' , 1
Chajfe du lapin au collet.
; L e collet eft une efpèçe de Iac-çoulant , fait de
de fil de fer ;oè de laitdn , tju’bn frotte avec du
'genêt ou -du fërpokt ? on met dans la paffée
du lapin , en l'attachant à quelque piquet, de
manière que le gibier ne puiffe v palier fans.y
mettre fa tete'. On y prend le lapin encore plus
aifément que le liè v r e , quoiqu’il foit beaucoup
plus'raie. p
Quelquefois qûand l’ animal le fént pris, au liéu
pe tirer comme fait le liè v re , il détourne la tête
pour trancher le collet avec fes dents. Pour éviter
cet inconvénient, il faut attacher Wcùllet avec du
fil de f e r , 8c le lapin né peut faire de meuvehie'nt '
lans s étrangler.
Voici une autre méthodejiotir empêcher que le
collet ne foit coupéflav\e lapin. Plantez au bord de
la pafféê un piquet deux fois gros dominé le'pduçè,
de là longueur d’ un p ied , 8c ayant à un pouce de ,
1 extrémité fupérieure une ouverture où puiffe pàf-;
ferle petit doigt-: prenez un- collet de fil de laiton,
avec une ficelle un peu forte, que vous attacherez
dans le trou du piquet , & que vous lîefeà’au botit
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d’une branche d’arbre que vous tiendrez pliée ;
faites entrer enfuite dans le trou , t$>ntnous avons
déjà parlé, un petit bâton long d’un pouce, 8c un
peu moins gros que le petit doigt , de manière que
la branche rendue à elle-même he puiffe attirer le
collet après elle, 8c que le collet foit retenu par le
petit bâton, à caufe du noeud que font la ficelle 8c
je collet attachés epfemble. Après tous ces préparatifs
3 on.jouvre le collet de .la grandeur ae la
.paffée : le premier lapin qui donnera dans le piège
, voudra le couper ; mais au moindre mouvement
, il fera tomber le petit bâton qui récrient
la baguette élaftique 8c ‘ Tanimal s’étranglera.
...
C ’eft ordinairementautour des haies des jardins
& des enclos qu’on tend ces collets : les lapins s’y
rendent pendant la nuit pour tout dévafter, &
leur avidité leur coûte toujours la liberté 3 8c quelquefois
la vie.
Chajfe1 du lapin à Vécrevijfe. ■.
! Cette chaffe ne convient qu’aux perfonnes qui ne
veulent employer ni furets ni armes à feu : on
tend des poches à une extrémité d’un terrier , &
à l ’autre on gliffe une écrevifîe; cet animal arrive
peu à peu au fond de la retraite du lapin , le
pique 8c s’y attache avec tant de force -, que lé
quadrupède eft obligé de fuir , emportant avec
lui fon ennemi | 8c vient fe fôire prendre dans le
filet qu’on lui a tendu à l’ouverture du terrier.
Cette chaffe demande beaucoup de patience y les
opérations de l’écrevifîe font lentes, mais auffi
elles font quelque fois plus sûres que celles du
furet.
( Extrait du. didt. des chajfes & pêches. )
Chajfe d Vappeau.
. Efpinar décrit une chaffe de lapins curieufe
& fingulière , qui fe fait en Efpagne avec un
appeau au fon duquel accourent de toutes
parts, même du fond de leurs-terriers , lapins
& lapereaux , mâles 8c femelles pleines ou ayant
des petits. Cet appeau peut f e faire de plufieurs
manières, foit avec un petit tuyau de paille,
en forme de fiffiet foit avec urae feuille .de
chiendent, de chêné-verd, Ou une pellicule'd’ail,
qui fe pofent entre: les lèvres , 8c;, en foufflant,
produifeat un son aigu , qui éft l’imitation par-'
faite de la voix du lapin. Quelques chaffeurs
favent l’imiter avec là bouche feule. Efpinar
obferve qu’ il eft difficile' dé rendre raifon de
l’effet que produit cét appeau fur tous lés lapins,
fans diftinaion d’ âge ni dèr féxe.'lS’ili n’attiroit-
que les mâles , on pourroit croire qu’ ils accourent
à: la voix? de lâ: fem e lle fo it? excités par
battrait de la jouïffanee , foit pour- la fecourir >
& f i çe n’éteit que les femelles, qu’elles viennent
au fecours de leurs petits-j mais tous y accou-
.rent indiftinétement. Cette chaffe eft appellée 5
en efpagnol, chillar los conejos 3 ce qui fignifie
proprem:?nt fiffer les* lapins j mais que je ren-
drois plus volontiers dans notre langue par le
mot piper. Elle fe 'fa it dans le bois de la manière
fuivarite : le chaffeur en traverfant le bois ,
a foin de ne faire que- le moindre bruit poffi-
ble : il s’arrête de tems. en tems daps les endroits
les plus découverts , pour piper, obfer-
vant de .ne jamais le faire qu’ayeç le vent au
vifagé;. Il fuffit, lorfqu’ il s’arrête, qu’ il fe ferre
contre le tronc d’un arbre , ou contre une cépée,
pourvu que fa tête ne paffe point au-deffus. II
refte dans cette fituation , fans aucun mouve-
menr, fi ce n’eft de la tête , qu’ il tourne de côté
& d’autre, pour voir ce qui fe paffe autour de
lu i, tenant le fufil ou l’arbalète de la main gauche,
& s’ aidant de la droite pour piper. Le
premier coup d’ appeau ( chilUdo ) doit durer
l’efpace d’ une minute , Sç moins, s’ il voit ou
entend des lapins arriver vers lui; alors, il fe tait,
fe rient en joue d’avance , & les laiffe s’approcher
à portée. S’ il n’én vient point, il fait une
paufe, a-peu-près de la même durée , après quoi
il recommence à piper. Dans les lieux où il y a
de ces animaux en quantité , on a foin de piper
moins fortement, afin que ceux qui font un peu
éloignés ne l ’entendent point ; attendu que , s’ il
en vient beaucoup , il eft plus à craindre que
dans le nombre de ceux qui accourent de tous
côtés , à bón & à mauvais v ent, il ne s’ en trouye
quelqu’ un qui évente ou apperçoive le chaffeur ,
& fe mette à fuir d’effroi, ce qui fuffit pour
épouvanter les autres.
Tous les temps, dit Efpinar, ne font pas également
propres pour cette chaffe. Dans les terres
«haud'eS , les lapins viennêiif; très-bien à l’appeau,
en mars & avril ; & dans celles qui font tardives ,
en mai & juin. Les jours les plus favorables font
ceux où il fouffle un vent doux & chaud du midi,
où le foleil fe montre & fe cache de temps en
temps , & lorfque la terre eft humide. L ’heure la
plus propice eft depuis dix heures du matin
jufqu’ à deux de rapres-midi, temps de repos 8c
d’ inadlion pour les animaux fauvages , & où ils
font plus difpofés à prêter attention à tout ce
qui peut frapper leur oreille. .Les grands vents font
abfolument contraires , l'àgitation des feuilles 8c
des branches tenant alors tous les animaux des
bois dans une inquiétude continuelle.
L’auteur efpagiiol ajoute que cette forte de
chaffe ou de pipée., fi l’on v eu t, effarouche beaucoup
les 'lapins, 8c qu’il ne faut pas efpérer
qu’ellè réuffiffe une fécondé fois dans le même endroit,
à moins.qu’il n’ait plu dans l’intervalle; cette
chaffe eft peu connue en France, elle eft cepen