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dans fon induftrie pour les combattre & les fubjuguer, font de toute antiquité. Là
chaffe , foit qu’on l’envifage comme un moyen de fatisfaire à nos befoins , où comme
un limplè déiaffement, a été réputée dans l’ordre de la nature , d’après l’expérience de
tous les temps & l’exemple de tous "les peuples. Cependant elle a'trouvé autant de
cenfeurs outrés que d’apologiftes enthoufiaftes , parmi les anciens & les modernes,
parce qu’elle a été envifagée fous le double rapport de fon utilité & de fes abus.
Le plus ancien écrivain qui en ait parlé avec éloge , ell le célèbre Xénophon , qui
fut a-la fois grand guerrier , hiftorien judicieux & philofophe politique. Il a compofé
un-T-raité de la Chaffe, dans lequel il confîdère;l’âge le plus propre à cèt exercice-, ainit
que les qualités du corps & de Tefprit qu’il exige ; il s’étend avec complaifancé fur
l ’ufage'des filets, des rets & des pièges qu’il décrit ; il caraétérife les différentes race's,
de chiens dont ori peut tirer dfesTervices ; il indique les faifons , ies terrains & même
les tons de mufiqué ' qu’ori doit choifir pour obtenir les plus grands avantages! Il entre
dans les -détailsoqui concernent entr’autres, la chaffe du lièvre, du cerf, dex biéihés &
fur-tout du fanglieiv Il rapporte à ce fujet plufîeurs traits de force & d’adreffe des
chalfeurs. Enfin , il s’applique à faire -voir combien la chaffe influe fur les travaux
nûlitaifés, & entretient le’gôût pour la vertu. Il ne néglige, même pas de réfuter la
doéhine des fophifles qui fe font montrés contraires à fes fentimens.
Arrien de Nicomédie , l’hiflorien. d’Alexandrè-le-Grand, a compofé aufliun Traité
de la Chaffe. Gppien d’Anazarbe , ville de Cilicie , ell principalement connu par fon
beâu poème fur la chaffe & la pêche. Et de notre, temps, l’illuftre. naturalifte Buffon a
parlé avec énergie de l’empire de l’homme fur les animaux. Cet empire,,’dû>il , eft
légitime. Aucune révolution ne peut le détruire ; c’cft l’empire de l’efprit fur, la ma-,
tièrë. Si 1 homme n’étoit que le premier de l’ordre des animaux, les féconds fe réuni-
roient pour lui dilputer fon autorité ; mais ç’ell par fupériorité de nature que l ’homme
règne & commande ; il panfe & dès-lors il . ell maître des. êtres qui ne penfent
point.
De l’empire de l’homme fur les animaux naît dans certaines .eirconflances lé .droit de
les tuer ; cette conféquen.ce ell exaéle par rapport aux bêtes féroces, qui n’exillent
fur la terre que pour la dérafler; L ’homme a donc eu raifon de les faire reculer vers
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les limites du monde.,& de réduire’ leurs elpèces :à un.petit nombre d’individus. Ces.
êtres deftrüâeurs doivent être traites comme des alfaifins ; ils font nos ennemis nés, &
gar conféquent nos viétimes naturelles. .
Parmi les chaffes célèbres dont le genre humain s’honore , on peut compter celles
où l’Angleterre a exterminé les loups; celles que quelques louverains d’Afrique font aux
lions aux tigres de leurs déferts ; celles qu’on a fait - en France contre les hyènes &
autres bêtes féroces. Mais ne. confondons point avec ces chaffes honorables ces jeux
fanglans où de petits tyranneaux Ont facrifié des chevaux & des hommes pour le plaifir
barbare de mettre un cerf aux abois.
Dans prefque tous les pays policés de l ’Europe, la chaffe n’ell pas ouverte dans
toutes les faifons. Il ell même défendu de chaffer depuis le premier mars jufqu’au premier
feptèmbre , pour donner au gibier de toute efpèce le temps de faire paifiblement
leurs petits , & de les élever pendant les mois d’été. On a aufîi très-fagement défendu
les chaffes meurtrières par lefquelles les feigneurs , pour fatisfaire à un amufement
"brutal, maffacroient le gibier fans diffinélion, & en détruifoient l’elpèce. D’un, autre
côté, il n’eff pas prudent non plus,de laiffer les bêtes fauves fe multiplier au point qu’elles
défolent les champs des habitans de la campagne, pour trouver leur pâture hors des
forêts. Il régne en bien des pays de grands abus à cet égard. Les princes , pour fe„pro-
curer le frivole & dangereux délaffèment de la chaffe forcée., font conferver plus de
cerfs, de biches , de daims, de chevreuils , de iànglieis , & c . , qu’il n’en efl befoin. Ces
animaux fortant des bois ruinent les moiffons, & le malheureux agriculteur n’oferoit
les tuer, fans encourir les plus terribles châtimens. Cette conduite eft telle qu’on n’a
qu’à en préfenter le tableau pour en faire fentir l’atrocité.
La chaffe n’eft devenue un droit que par convention Ou par une loi de la fociété
politique. Mais'la loi qui défend de nuire aux autres eft une loi natûrelle à laquelle les
lois humaines doivent être fubordonnées. La loi des hommes permettoit aux feigneurs
d’avoir du gibier ; mais la loi primitive y met cette reflriétion, autant qu'il ne nuira à
perfonné. Dans le cas où il nuit, elle abolit la loi humaine. Ce principe doit être la bâfe
du code des chaffes.
Enfin , au lieu de ces lois barbares qui donnoient en France à des hommes ci-devant