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effentielle de l'équipement de ces bateaux eft uti
fagot de menu bois , bien garni, d'environ deux
tfieds & demi de long , qui fe couche en travers
a rextrémité fur l'avant 3 où il eft fixé par deux
chevilles de fer ou de bois. C e fagot fert .à couvrir
& le chaffeun & le rameur aflis à plat fur le
fond du bateau. Il eft percé dans fon milieu d'un
trou rond en forme de chatière, par lequel on
paffe le bout du fufil , ou plutôt canardière ; car
on fefert pour cette chaffe de fufils longs & de
gros calibre. Ces canardières font de trois fortes ,
•l'une eft appellée la grofte canardière , l'autre la
moyenne , & la troifième le grand1 fufil. La pré-*
mière, qui a 6 à 7 pieds de canon, fe charge
d'environ une once de poudre & de plomb à proportion
, la moyenne de quelque chofe de moins.
L'une &: l'autre relient toujours le bout paffé dans
le trou du fagot. Quant au grand,fufil, on peut
s'en fefvir pour tirer au vol. Ces armes fe commandent
exprès à Saint-Etienne , ou à Pontarlier, &
chacun les fait fabriquer à fa g u ife , pour la lon-
gueur & le calibre. Lés chaffeursfuivent dans ces
bateaux le cours de la rivière, où il fe trouve de
fréquentes occafions de tirer fur les -panards de
.diverfes efpèces. Le ftiecès de la chaffe dépend
,ën grande partie , de celui qui conduit le bateau
& de fon adreffe à bien prendre fon tour pour approcher
le tireur du gibier. Elle ne réuflit guères
par les grands -vents, & lorfque le tems eft fort
c la i r u n tems calme & fombre eft le plus favorable.
Dans les débordemens de la rivière , on
conduit le bateau fur les prairies inondées 9 ou le
gibier fe trouve en plus grande abondance que fur
la rivière , lorfqu'elle eft refferrée dans fon lit.
Dans ces occafions , un chaffeur.peut tu e r , dans
La journée , 30 à 40 canards 3 far pelles 3 & autres
<©ifeaux.
L'auteur des rufes du braconage fait mention
4 ’une chalfe no&urne aux canards qu'il dit fortufî- .
té e fur la Saône, & qui fe fait de la manière fui- j
•vante; Plufieurs chaffeurs fe mettent la nuit fur un
bateau bien couvert de rofeaux , à l'avant duquel
eft fixée horizontalement une longue perche, dont
l'extrémité porte une terrine remplie de fuif
avec trois mèches. On laiffa aller le bateau au
fil de l'eau , en le gouvernant avec un croc feulement
, parce que des: avirons feroient trop de
bruit. Les canards voyant cette lumière qui fe
répand-au loin fur l'eau , quittent les bords de la
ri v iè re , & viennent fe placer dansl'efpace éclairé,
-ou les chaffeurs peuvent les tirer à. leur aife- II
peut fe faire que cette chaffe fe pratique quelque
partj mais on a lieu de douter qu'elle: foit en
u-fiige fur la Saône 5 car j'ai confulté à ce fujet un
chaffeur bourguignon , très-expérimenté particulièrement
fur les chaffes de cette r iv iè re , celui
même dont j.e tiens le détail que je viens d'en
donner-, qui m'a. affiné .qu'elle étoit inconnue fur
-le .co^.r s ,d© If r
G A N
Chaffe au réverbère.
f une f° r t finguliëre, qui commença
a s accréditer beaucoup en France ; elle fe fait
(rendant la nuit , avec un réverbère. Les Canards
a l'afpeét de quelque chofe de nouveau, qu'ils
prennentpeut-etre pour le foleil levant, dont cette
réverbération a parfaitement la reflembiar.ee , s’attroupent
8c approchent des bords, foit pour s'a-
mufer, foit pour travailler mutuellement à leur
’ toilette,, comme c'elt leur coutume, aufli-tôt
que le foleil paroît. Quand on veut faire cette
enaïfe fur une rivière , elle exige qu’on foit plufieurs
perfonnes 5 mais une feule fuffit pour chafler
fur les étangs.
Un chaudron de cuivre nouvellement écuré
fert de réverbère.. Si on va chafler fur la rivière ,
une perfonneTe pend le chaudron au c o l , St tenant
d’une main , un vafe dans' lequel il y a de
l’huile & quatre ou cinq mèches alumées, elle
fait en forte que la réflexion de la lumière donne
fur l ’eau à une portée de fufil ordinaire. Si on rencontre
des canards., iis s'annoncent de loin , par
quelques cris d’admiration pour un objet nouveau ;
ce qui doit avertir le porte-réverbère 8c les chaffeurs
cachés derrière lui , qu’il faut aller très-doucement
, 8c marcher le plus légèrement pof-
fible. v
Quand on fait cette chaffe fur un étang, une
perfonne fuffit ; elle attache le chaudron à un pi-
; q uet, avec une corde & deux chevilles s elle met
: le vafe à une diftance-du chaudron qu’ on ne peut
fixer i c i , étant relative à la forme au réverbère,
&i à l ’éloignement qu’on veut donner à- ia réflexion
de la lumière fur l’ eau'; lorfqu’ elle a dreflë
; & apprêté fon réverbère, elle allume les mèches
8c fe retire derrière le chaudron , où il fuffit
quelle foit pour n’être point apperçue. Les canards
s’-affemblent bientôt pour venir rendre vi-
fite à ce qui leur paroît extraordinaire y 8c le chaf-
t feur attend qu ils - foient à portée pour les tirer
commodément.
Après l’explofian de fon coup de fu fil, le chaf-
.feur perdfoit fon tems de refter au même endroit j,
mais il peut aller camper ailleurs, en recommençant
le meme procède , obfervant toujours que
tout foit préparé , avant que d’allumer les
: mèches.
C eft au commencement de l’ automne que cette
chaffe fe faitavee le plus dè; fruit ; on y tue des
! Canards , poules d’eau , plongeons , mo-
relles, & x ....O n la pratique beaucoup en Bourgogne.
Chaffe fur les bords de la mer.
Sur les côtes de l’océan , tous les oifeaux' aqnau
tiques en général, tant oifeaux de rivage comme
le courlis, la barge , le pluvier , le chevalier, 8r
autres , qu'oifeaux nageurs , comme les canards
de direrfes efpèces , dont quelques-uns né hantent
que la mer, d’autres la mer & les eaux douces, •
fe tiennent, à marée baffe , fur les rochers &r les
vafes , pour y chercher les coquillages , le frai ,
les petits poiffons & quelques heroes marines dont
ils fe nourriffent, & regagnent la te r re s la mer
montante. De plu s, la plupart des oifeaux nageurs
quittent régulièrement la mer tous les foirs,
pour gagner des marais ou prairies , ou il y a des
eaux douces, foit qu’on y ait formé des mares
artificielles, foit qu'elles foient le produit des
pluies retenues dans les bas-fonds , & ils quittent
les eaux douces dès la pointe du jo u r , pour retourner
à lamer.
C ’eft: dans ces marais ou prairies que les chaffeurs
les attendent le foir , cachés dans des trous.
Pour mieux les attirer, ils emploient des figures
d'oifeaux appellées formes , pofées fur le bord de
l’eau. Ces formes font faites avec des peaux d'oifeaux
écorchés, remplies de paille ou de gazon.
Le matin-, lorfque ces oifeaux regagnent la mer ,
ils les attendent fur le rivage dans des huttes conf-
truites en pierre , & recouvertes de varec ou de
terre. Quelques chaffeurs , au lieu de fe mettre
à l’affût le foir dans les marais , les attendent dans
ces mêmes huttes , pour les tirer au paffage, lorf
qu'ils fortent de la mer. Mais il eft une circonf-
tance particulière, où, ces oifeaux font obligés
de quitter la mer pendant le jour ; c’eft lorfque
les grands vents les en chaffent, ne pouvant s'y
tenir à flot. Alors ils fe répandent dans les marais,
& les prairies des environs. Dans ces occafions ,
on peut les tirer au vol en plein jou r , en fe tenant
furie rivage , dans, les huttes dont j'ai parlé. Les
oifeaux qui paffent ainfi de lamer aux eaux douces,
& des eaux douces à la mer , font des canards de
plufieurs efpèces ; mais il y en a quelques-uns qui
reftent toujours à la mer , & ne hantent point
la terre : de ce nombre font le cravant , la berna- che & le digeon. On tue peu de ces derniers au
fufil, fi ce n'eft des cravants ,d e la manière que je
le dirai ci-après ; mais il fe prend beaucoup au
filet des uns & des autres. Le digeon . qui eft un
oifeau plongeur, fe prend aux filets tendus fus*
fond horizontalement ; les autres avec des.filets
à trois mailles, tendus verticalement , à mer
baffe, à loo.toifes du rivage , fur des perches
plus élevées que le niveau de l’eau. Lorfque ces
oifeaux font cm fies par les hautes marées, par la
fin du jour , & quelquefois par des vents forcés ,
ils donnent dedans & s'y prennent. Quant aux
cravants, il s'en tue fouvent au fu fil, mais.ee
n’eft qu'à la faveur de la nuit 5 car le jour ils font
inabordables. On les approche alors , à marée
baffe, avec de petits bateaux plats, qu'on fait
gliffer fur la vafe , ou bien on va lés forcer à mer
haute avec ces bateaux j mais on ne peut guères
CLASSES.
les tirer qu’ au v o t, ce qui réuflit maigre 1 obfçu-
rité de la n u i t , parce que ces oifeaux volent toujours
en très-grandes bandes. Par les vents forcés
, les cravants, ainfi- que la bernache & le di-
geoh, au lieu de quitter la met comme les autres
, fe rapprochent feulement de la cote. Alors
il eft poffible de les furprendre de les tiret
fur l'eau , en fe cachant à marée baffe, dans les
rochers. Telle eft la chaffe des diverfes efpèces
d’oifeaux aquatiques , du genre des canards , fur
la côte de Poitou , vêts Beauvoir, & l i le de
Noirinoutier, & qui eft à-peu-pres la meme fur les
autres côtes de l’océan. Cette chaffe ne peut avoir
lieu fut la méditerranéê , attendu que, n ayant
point le flux & reflux de 1 océan , elle ne depofe
point fur fes bords cette quantité de coquillages
dont fe nourriffent les oifeaux aquatiques ; aufll
n’y voit-on que très-peu de ceux de rivage. Quant
aux oifeaux nageurs & plongeurs , ils ont fur les
côtes de la méditertanee, comme fur celles de
l’océan , l’habitude de fortit de. la mer au déclin
du jour, pour s’ en aller palier la nuit dans les
marais , lacs ou étangs voifins, foit falés, foit
d’eau douce , tels qu’il s’en trouve plufieurs en
Languedoc 8c en Provence , ce qui fournit aux
chaffeurs, une occafion de les tirer au v o l , en fe
poftant foir 8c matin aux endroits par où ils ont
coutume d'aborder dans ces marais ou étangs , &
d’en fortir pour retourner a la mer. ( Ext. du traite
de la chaffe au fufil, )
Canards de mer.
i ° . Le Canard Colin qu’ on nomme auffi Gri-
fard , ne fe trouve que fur les bords de l’Océan ;
il eft de la groffeur d’une Oie : fa voracité eft
étonnante , il avale fouvent de très-gros poif-
fons ; fa chair quoiqu'indigefte nourrit l’habitant
des côtes.
1°. Le Canard à duvet : On le regarde comme
l'Edredon des Danois , 8c l'Egledon des François
: il eft plus grand que l è Canard ordinaire,
8c fa. femelle s’ appelle Faifan.de M e r , c’eft de
leur eftomac qu'on tire ce duvet célèbre qui
fert pour les lits des riches : fon élafticité 8c
fa moieffe fervent merveilleufement à leur volupté
: c’eft dans une autre vue que la nature a
fait préfent de ce duvet à l’Edredon : il fe l'arrache
lui-même dans le tems qu’ il couve fes oe ufs,
Sc en garnit fon nid dans la vue de conferver
une chaleur propre aux petits qui en doivent
éclore.
C e Canard fe trouve particulièrement en. If-
lande , 8c les habitans font un grand commerce
de fon duvet : au rapport d'Anderfôn, ils augmentent
fa fécondité d’une façon fingulière; c eft
; en plantant dans fon nid un bâton d'un pied de
haut : par ce moyen 1 oifeau ne celle de pondre ,
jufqu’à ce que fes oeufs ayent couvert la pointe