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iible. De crtts manière les canards fe laiffent ois
d inair ement approcher d'aller près pour les tirer
au^vol} & il arrive même quelquefois qi\e,' lorf- ,
qu on les a levés , après avoir fait un circuit affez
grand dans la campagne , ils reviennent s’abattre
fur l’étang, au bout de quelques momens, &
alors le chaffe.ur ténte de nouveau de les approcher.
Si l’on eft plufieurschafféürs- de compagnie,
en fe partage de manière qu’un ou deux montent
fur le bateau., tandis que les1 autres fe tiennent
fur les bords de l’étang , pour tirer les canards
au pâffage.
On a encore, pour tuer les canards fauvages en
hiver , la rc-iTource de l’affût, fur-tout dans les
tems de ge lé e , où iis circulent & font eh mouvement
plus qu’en tout autre, tems.- Qn peut les attendre
vers la brune , au bord des petits étangs
où iis viennent le -jetter , ' & on les tire , fait au
vol j foit à leur chiite dans l'eau. Lqrfqueda gelée
eft très-forte,’ & que les étangs or rivières
font fermés par la glace, on fe met"à l’aftut aux
endroits où il y a des fontaines & eaux chaudes^
qui ne gelent point, 8c la chaffe alors eft d'autant
plus fûre , que.les canards font reftreints à ces
feuls endroits pour fe procurer quelques herbes
aquatiques, qui font prefque la feule nourriture
qui leur rcfte. Mais dans cés tems de grande gelée ",
ce font fur-totit les petites rivières & r.uidéaux qui
, ne gèlent point , qui offrent la cha{fe la plus facile
& la plus abondante de>ces oi féaux. En fui-
vant les bords de ces rivières , à toutes les heures
du jour , mais fur-tout dès le grand matin | il eft
immanquable d’y en rencontrer ,. qui le plus fou-
vent enfoncés fous les berges , 8c fous les racines
des arbres pour y chercher des écrèvittes , de
petits poittbns & des infeéfes , ne partent que
lorfqu’on arrive fur eux , 8e quelquefois même
attendent pour partir que le chafleiir foit patte.
Il n’eft point de pays en France , où il fe tue J
plus de canards fauvages de toutes efpèces, &
où il s’en prenne plus aux fiiets que les marais de
la-pi car die:, particulièrement ceux quiiègnentle
long de la Somme ,. depuis Amiens, jufqu’à fon
embouchure à Saint-Valéry ; & c’eft ce canton
q u i , en grande partie approviiîonne Paris d’oi-
feaux aquatiques,
Chaffe à la hutte.
La chaffe à la hutte eft celle qui en détruit le
plus : voici commme elle fe fait.
La hutte eft une petire cabane très-rbafte, propre
à contenir une ,ou deux perfonnes feulement,
qui fe conftruit dans le marais., avec des branches
dé fauïe recouvertes de terre , fur laquelle on
plaque du gazon. On l ’établit près d’un endroit où Je tèrrein.fe crepfe 8c fait la jatte , 88 où l’on
COilduit j’e^u de quelque foffé voifin ; çe c ” i
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forme uns petite mare de 50 a 60 pis de diamètre
, plus ou moins , à une extrémité de laquelle
eÇ.la hutte , qui doit être avancée, de quelques
pas dans l’eau , 8c dont le foi eft -affez exhaufle
pour qu’on pu ifle y être à fec.
s Lé hutte.ur eft muni de deux ou trois appellatis,
c eft-a-dire , un canard 8c deux ou trois canes
domeftiques , pour attirer & faire defcendre dans
la mare les canards fauvages. Ces appèllans fè
• p’acent dans l ’eau , à quelque diftance du bord ,
attachés par la patte avec des ficelles de.deux ou
trois pieds de longueur, à des piquets qui n’èx-
cèdent point la fur face de l’eau. Le hutteur a des
bottes pour cette opération , airifi que pour gagner
fa hutte 5 il les quitte , lorfqu’il s y eft renfermé.
Là , couché fur la paille , epveioppé dans
une couverture pour fe.gàràntir de la rigueur du
froid , & accompagné d’un fidèle barbet, qui va
chercher les oifeaux -lorfqu’ ils font tués , il attend
patiemment, pendant les nuits entières , que les
canards, pikts farCelles & autres efpèces qu'attiré
également la voix >des çmards appèllans,
viennent à defeendre dansla mare , où il les’ tue
par des meurtrières pratiquées à fa cabane. Outre
les appèllans , on place quelquefois dans les mares
des figures de canards faites avec de la terre
8£-!du gazon , qu’on y dreffe fiir des piquets à
fleur d’eau, 8c qu’on appelle des étalons.
Cette chaffe commence au mois de novembre,
qui eft le tems où arrivent du nord là plupart1
des diyerfes efpèces de canards fauvages , Sc dure
jufqu’ aii carême. Elle né fe fait que la nuit,. 8c
l ’on ne. hutte point pendant le jour , fi ce n’eft
des premiers jours d’ une gelée ou d’un dégel ,
parce Qu’ alors les canards vont 8c viennent , &
font dans un mouvement continuel. Le clair de
lune n’eft pas le tems le plus favorable 5 les ça-*
nards font alors plus défia'ns , & s’abattent moins
près de la hutte. Il fe tue de tems en tems quelques
oies fa,uvag.es à la hutte. Il s’y tue suffi quelquefois
des hérons, lorfque l’on hutte pendant
le jo u r ; & il eft arrivé plus d’ une fois qu’ un .rè^;
nard eft venu la nuit pour prendre les appèllans 8c
y a perdu la vie. Les hufteure fo n t , pôurja plupart
, des payfans qui font métier de cette chaffe,
& qui en obtiennent , la petmiflion, moyennant
une redevance de quelques canards.
Outre les chafféurs à la hutte , il y en a
d’autres qui fe logent, pendant uné partie de la
n u it, dans des trous creufés en terre le long de
la Somme , 8c tout au bord de l ’eau. Ils ont trois
ou quatre appèllans comme ceux des hutfeurs ,
qu ils attachent de même par la patte à des ficelles
arretées près .d’eux à des piquets , de manière
qu’ils ont la liberté de fe promener un peu fur
l’eau* Ces appèllans font defcendre dans la rivière
, de même que dans les mares-, diverfes
çfpèces de canard,s. 'Fous ces chafféurs ont des fur,
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fils de gros calibre, où ils n’épargnent ni la pou- ,
dre ni le plomb , & tuent, très-fouvent douze ou !
quinze canards d’un feul coup.
Chaffe dans des mares.
La chaffe qui fe fait aux canards fauvages dans j
des mares , , fur les côtes de la baffe Normandie ,
eft un peu différente de celle dont on vient de
parler. Ces mares font en grand nombre fur-tout j
dans le Cotentin. Elles font fituées dansées ma- ;
fais à une lieue ou deux delà mer, & de l ’étendue j
d’environ un demi arpent. A fix ou huit pieds du «
bord de la mare , eft une petite ifle couverte de
roféaux , & d’ unmaffif de jeunes plantes de faule
ou d ofiçr ; 8c au milieu de cette ifle eft une petite
cabaàecouverte en chaume & fi baffe, qu’un
homme à genoux en touche le toit avec fa tête.
Pour faire defcendre les canards fauvages & au- j
très oifeaux dans la mare , le chaffeur attache fur |
le bord un.ou deux canards privés ; 8c en outre il I a dans fa cabane un canard male , qu’ il lâche en
l'air, dès qu’il apperçoit une volée de canards
fauvages ; celui-ci va fe joindre à eux , les amène
dans la mare , & il. a l’ inftinêt particulier de s’en féparer, 8c de fé ranger à part dès qu’ il eft dans
l ’eau, afin de n’être pas tué avec eux. C ’eft le
fo i r , à la chuté du jo u r , & le matin , avant
qu’il parolffe, que fe fait cette chaffe ; l’habitude
des canaids fauvages , fur les côtes , étant de.
venir aux marais le foir , & de les quitter de grand
matin pourjretourner à la mer.
Chaffe dans les prairies.
Voici une autre chaffe toute particulière qui fe
fait à Chaource , petite ville de la Champagne ,
à trois lieues dé Bar-fur-Seine.
Sur les bords de l’Àrmance, petite rivière
qui prend naiffance à Chaource , & dont les eaux
font chaudes en hiver 8c très-fraîches en é t é , il y
a de magnifiques prairies , q u i , pendant les hi- :
vers’ , font recouvertes par les eaux de cette rivière
, 8c des ruiffeaux qui la groffiffent dans fon
cours. Les eaux de l’Armance font très-abondantes
en canards fauvages proprement dits 5 les
autres efpèces y font aflez rares. Çette rivière
qui ne gèle jamais , coule dans un pays très plat ;
les prairies font très-unies & point entrecoupées
de lottes ni-de plantations , ce qui facilite aux
chafféurs les moyens de faire la guerre aux canards
3 pendant les temps de gelée, de la maniéré
fuivante.
> L’ équipage de chaffe confîfte dans dés bottes à
l’epreuve de l’eau , une- canardière , 8c uné butte
de trois pieds de large fur quatre de long & fix de hauteur , treffée légèrement en ofier , en-
çjuite , pour garantir- le chaffeur des injures de
l’a i r , de, fiente de vache 8c de glaife, U. fer-
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mée également avec de l ’ofier 8^ lé même enduit.
Cetrehutte , qui n’ a point de plancher en bas ,
mais feulement deux traverfes pour y pofer les-
pieds , eft montée fur des rouleaux placés _ de
manière qu’on peut leur donner telle direction
que l’on veut 0 il eft aife à celui qui s’y loge de
la conduire à l’aide d’une perche armée d’un
croc , qu’ il enfonce dans la glace : en appuyant
du pied contre une des traverfes dont j ’ai parlé ,
& faifant effort pour tirer Je croc , il la fait
avancer. Les prairies où fe fait cette chiffe , font
partagées entre les chafféurs: chacun a les limites
qu'il ne franchit pas. Tous les foire, ils entrent
dans leur hutte , après avoir obfervé les endroits
où les canards fe-font portés en plus grande abondance
pendant le jour ; ce font ordinairement
ceux où la rivière coule en ferpentant 8c forme
des angles. Là , ils attendent tranquillement que
le bruit des canards leur annonce qu’ils font en
grand nombre & dirigés autant par l’oreille que
par les v eu x , ils tirent à l’endroit d’où vient le-
bruit par une lucarne pratiquée à la hutte , fe
renferment enfuite pour attendre que les canards
fefoient raffemblés de nouveau: 8c fi le point
de ralliement fe fixe en un autre endroit , ils s’y
traînent avec leur machine , tirent leur coup , 8c
recommencent cette manoeuvre jufqu’ au jour.
Mais ils font rarement obligés de fe déplacer , 8c
de faire de longs trajets avec leur hutte. Le jour
venu, ils vont ramaffer leur chaffe, qui eft ordinairement
très-abondante. Cette chaffe dure
autant que les gelées, les canards ne quittant
point la rivière, quelque v i f que foit le froid,
Chaffe- avec des bateaux.
Il fe tue beaucoup de canards en Bourgogne
. pendant tout l’hiver, fur la Saône , 8c fur les
prairies qui la bordent, lorfqu’elles font inondées.
La.chaffe Te fait avec des bateaux légers,
; longs, étroits 8c pointus fur ie devant, appellés
| dans le pays fourquettes. Il y en a de trois fortes;
la plus petite 'fourquette , conftruite en fapin ,
pour plus de légèreté, n’ a que neuf à dix pieds
de longueur-, deux pieds de large dans le fo n d ,
8c un pied de bord ; les chafféurs lui donnent le
• nom d’arlequin ou nageret. La moyenne eft en
planches de chêne ; 8c a 14 ou 15 pieds de lo n g ,
deux pieds 8c demi de large dans le fond , & un
pied dé bord. La plus grande appellée groffe fourquette
, pareillement en bois de chêne , eft de 18
ou 20 pieds de longueur, de trois pieds de large
au moins dans le fond, 8c d’un pied 8c demi de
bord. Celle-ci eft faite pour chaffer par les grands
vents, contre lefquels les deux autres efpèces de
bateau ne tiendroient que difficilement. Un chaffeur
feul ne peut monter la première par un temps
î bien „calme ; mais quant à la fécondé , il lui faut
■ un rameur , 8c pour la troifième , ou groffe four-
... quette a il en faut plus fouvent deux. Une partie