1 3 4 C H I
Dès qu’une fois un chien eft inftruit à arrêter
la perdrix, il arrêtera de même en plaine toute
autre efpèce de gibier-plume , 8c même le lièvre.
Mais à l'égard du lièvre , il e ft, comme je l'ai
d i t , affez difficile d’empêcher les chiens de le
courir, foit qu'il les jfurprenne , en partant loin
d 'e u x , foit qu’il parte, lorfqu’ ils le tiennent
en a r r ê t, fur-tout pour peu qu'ils foient éloignés
du chalfeur, q u i, alors , fait fouvent de vains
efforts pour les rappeller , car Jorfqu’ un chien
fent fon maître près de lu i, il obéit bien plus
aifément à la voix. On ne parvient facilement à
.corrigerles chiens de ce défaut, fi ç'en eft un ,
que dans les endroits où il y a beaucoup de lièvres
, parce qu’à force d'en v o ir , ils fe dégoûtent
de les courir. D'ailleurs , pour qu'un chien con-
fervât toujours l’habitude de ne point courir le
lièvre , il faudroit qu’il ne chaffat jamais qu’en
plaine * il agira comme dans le bois.
Il n'y a point de chien qui ne pouffe quelquefois
, fur-tout quand il va avec le vent : en ce
c a s , il faut feulement le gronder, mais fans Je
châtier, à moins qu'il ne courre les perdrix. Alors
vous remarquerez d'où elles font parties. I l ne
manquera pas d'y revenir, & vous le châtierez
avec le fouet * mais ft faut toujours de la modération
dans le châtiment , fur-tout fi le chien eft
.tiijride. 11 eft de ces chiens qui,fi vous les excédez
de coups , fe tiennent à vos talons, & ne venlent
plus c.haffer ; d’autres quittent leur maître , &
retournent, à la maifon. Dans ce dernier cas , on
donne comtpe un moyen sûr pour le corriger ,
de planter un pieu en terre au milieu de la cour,
garni d'une chaîne avec un çollier. Lorfque le
chien arrive, un domeffique apofté l’attacne au
p ieu , 8c lui donne une volée de coups de foue t,
çequ'il recommence par intervalles , pendant une
heure. T a ç t que cela dure, le maître ne paroît
point, & refte encore quelque tems fans fe montre
r , après la dernière correction*, afin que la
colère du chien ait le tems de fe paffer. Alors il
vient le trouver, le careffe beaucoup, le détache,
lui donne quelque friandife,. 8c le remène à la
ehaffe. Mais cette recette n'eft pas auffi infaillible
qu'il eft dit dans plufieurs livres où elle- fe
trouve. 11 arrive le plus fouvent que le chien
qui a ainfi reçu les etrivières, en arrivant une
autre fois à la maifon , fe gliffe furtivement,.
va fe tapir dans quelquejrecoin, f^ns qu’on fâche
.ce qu’ il eft devenu, & ne reparoît que long tems.
après. Le mieux eft .d’étudier le caraétère du chien 9
8c de fe conduire .en conféquence pour la
Correction.
J’ai dit au (Commencement de cet article., que
âorfqu'.Qn .ii’ayçit pu réuflîr à faire rapporter un
jeune cÜien dans fonpremierrage , en le flattant:,.,
i l f^loit.attendre qu'il fut. plus .âgé , 8c fe fer vit
du coffiet de force ; yojçj fçmipe on s y
C H I prend. On a un morceau de b o is , long de huit à
neuf pouces, quarré , 8c d’environ un pouce d’é-
paifleur. On y fait des crans fur ies arêtes, en
manière de fcie : on le perce de deux trous à chaque
b o u t, pour y paffer deux petites chevilles en
croix , en forte qu’en jettant ce bois à terre , les
chevilles le foutjennent, & qu’il fe trouve élevé
de terre d’un bon pôucp, 8c cela pour que le
chien puifie l’engueuler plus aifément. On met
le collier de force au cou du chien , & prenant
le bâton , on lui en frotte les dents du côté des
crans , pour lui faire ouvrir la gueule > mais autant
que cela fe peut3 fans le bleffer; on lui tient la
main gauche fous la mâchoire, pour empêcher
qu’il ne le rejette , & de la droite on le flatte ,
enluidifant : tout beq.ii. Lorfqu’on retire fes mains,
le chien laiffe tomber le bâton, & en ce cas on le
gronde, & on fecoue le collier pour le châtier.
On lui fait reprendre le bâton en lui fciant les
dents, & de la même manière qu’on a déjà fait.
Le chien fe voyant puni quand 11 lâche le bâton ,
& carreffe' quand il le garde, s’accoutume enfin
à le garder, 8c ouvre la gueule quand on lui pré-
fente. Il s agit alors de l'amener à prendre de lui-
même s i f faut le lui préfetater en lui difant : pille,
apporte, & le careflànt beaucoup, 8c en méme-
tems lui donner de petites façcades pour le faire
avancer. S'il avance de lui-même 8c prend le bâton,
des careffes 8c quelque friandife. Lorfqu’il commence
à avancer la tête d’un pouce, il eft dreffé :
bientôt il prend le bâton à terre,. & on lui dit toujours
: pille , apporte; 8t enfuite: apporte ici, hautf
pour l'habituer à fe dreffer. Lorfqu'il apporte bien
le bâton, on lui fait apporter des. 4iles de perdrix,
coufues fur une pelotte de lin g e , & d’autres
fois une peau de lièvre remplie deioin , à chaque
bout d.e laquelle on met une pierre, pour l’accoutumer
à charger un lièvre par le milieu du corps.
Enfin , lorfqu’il rapporte tout fans rien refufer,
on Je mène nn plaine, & on lui fiait rapporter la
première perdrix que l'ôn tue : s'il fe fait prier ,
on le remet au collier de force qu’on a porté
avec foi.
Pour l ’accoutumer à l’eau, choififfez une mare
dont le bord foit en pente douce , 8c jettez-lui
un morceau de bois, d’abord à peu de. diftance,
afin qu’il puiffe l’atteinJre,en entrant dans l'eau
jufqu’ à mi-jambe i & enfuite plus loin par degrés,
jufqu'à ce qu’il Paille prendre à la nage, ayant
foin, à chaque fois qu’il rapporte le morceau de
bois »de lui donner quelque friandife. S'il ne fe
détermine pas à-,fe mettre a la nage, il faudra s'y
prendre autrement*; conduifez-le à la mare avant
qu’il ait déjeuné , 8c jettez-lui des- morceaux'de
pain dans- l’eau, toujours plus, avant,. par gradation
,v& . de: cette mauière; vou* l’accoutumerez
bientôt; à' aller cher,cherfon- déjeûnéj à la nage. En-
fuite, pour achev.er.de le dreffen, fivousavez une
pièce cLeaunjhil y aitdé^Ia-.prûfondeur, mettez-* y
c H i
un canard, après lui avoir coupé le fouet de l’aile.
Animez le chien jufqu’ à ce qu’il foit entré dans
l’eau pour le fuivre } le canard fuit devant lu i , 8c
plonge pour fe dérober à fa pourfuite , lorfqu’ il
fe voit preffé. Après que ce manège aura duré
quelque tems, nniffez par tuer le canard d’ un
coup de fu fil, le chien ne manquera pas de vous
l’apporter gaiement. C ’elt dans la belle faifon que
ces leçons doivent fe donner j on auroit de la
peine à déterminer un jeune chien à fe mettre
à l’eau pendant l ’h iv e r , & même cela pourroit
l’en dégoûter pour toujours} mais fur-tout il ne
faut jamais s’avifer dé le jetter dans l ’eau lorl-
qu’il refufe de s’y mettre. Avec de la patience ,
en s’y prenant comme je viens de le d ire , on
en vient toujours à bout.
La plupart des jeunes chiens ont l’habitude de
courir les volailles, & il y en a quelques-uns qui
courent les moutons, défauts dont il eft à propos
de les corriger de bonne heure.
Quant aux volailles, fi on ne parvientpas à leur
faire perdre cette habitude , avec le fo u e t , voici
ce qu’il faut faire. Prenez un petit bâton , fen-
dez-le par un b out, affez pour y paffer la queue
du chien , & liez ce bout fendu avec une ficelle ,
de manière à lui' faire fçntir de la douleur j attachez
une poule par-le gros de l’aile , près du
corps, 8c lâchez-le enfuite^, en lui appliquant
quelques coups dé fouet. ïl fe met à courit tant
qu’ il peut, à caufe de la douleur qu’ il reffent à
la queue, & qu’il croit occafionnée par la poule.
A force de la traîner il la tue, 8c las de courir ,
il s’ arrête -8c va fe cacher dans quelque recoin.
Aiors détachez le bâton , a b a tte z - lu i la gueule
avec la poule morte.
S’ il s’agit d’un chien qui court les moutons ,
eoupl'ez-lé avec un bélier , 8c en les lâchant ainfi
couplés , fouettez le chien , tant que vous pourrez
le fuivre. Ses cris font d’abord peur au bélier ,
qui court à toutes jambes , & entraîné le chien j
mais il fe rafiùre enfuite , & finit par le charger à
coups de tête. Découplez-Ies alors, & votre chien
fera corrigé pour toujours de courir les moutons ».
( Extr. du Traité de la chajfe au fufil.
Du limier.
On appelle ainfi un gros chien qui ne parle
point, mais qui fert à guêter le cerf & à le lancer
hors de fon fort. Il y a des limiers pour la ehaffe
du matin, 8c d’autres pour celle du loir.
L ’éducation du limier demande beaucoup de
foins : 8c il faut du difeernement & des connoif-
fances pour diftinguer les efpèces de chiens propres
à faire des limiers. "
C H I 135
i ° . Comme il eft néceffaire qu’il y ait une con-
noiffance réciproque entre le limier 8c fon maître ;
il eft indifpenfable que le valet de limier drefle
lui-même fon chien. Le meilleur limier fait fouvent
des fottifes, ou même .ne fait rien avec un
maître qui ne l’a pas dreffé ou qui ne le mène pas
habituellement ; d’ailleurs, comme le meilleur
chien n’eft jamais fans quelque défaut ou quelque
fautaifie, ce n’eft qu’ après l’avoir dreffé foi-même
que l’on parvient à connoître les différentes inclinations
; on ne parvient à le fortifier dans les
bonnes , 8c à le corriger des mauvai.fes qu’en le
menant fréquemment. Il ne,faut pas mener un
limier avant qu’il ait quinze ou feizé mois au
moins , encore faut-il qu’il foit formé & en bon
état y en le faifant travailler plus jeune , on s’ex*-
poferoit à le forcer & à le mettre au point de ne
jamais fervir : il faut cependant que le chien n’ait
pas plus de deux ans, parce qu’alors on auroit
beaucoup plus de peine à le dreffer, & fouvent
même on n’y paryiendroit pas\ il ne faut pas non
plus que le chien ait chaffé , parce qu’il iroit le nez
haut 8c crieroit dans les v o ie s , deux défauts dont
il ferait très-difficile de le corriger. On pourroit
citer quelques chiens courans dont on a fait des
limiers ; mais pour un qui a réuffi, combien y en
a-t-il dont 01? n’a jamais pu tirer parti ? Qu’on s’en
rapporte fur cela aux anciens veneurs.
11 fau t, autant qu’il eft poffible, commencer
un jeune limier dans l’automne ou au commencement
de l’hiver j comme alors il fait bêau revoir ,
on eft moins expofé à lui lai fier fuivre d’autres
voies que celle pour laquelle on le deftine. Un
limier pour le cerf, q ui, dans les commencemens,
fuivroit à plufieurs reprifes tout autre animal qu’ un
cerf ou une biche , perdroit difficilement cette
première habitude, & feroit par conféquent plus
îong-tems à être dreffé $ dans l’ ét,é , d’ailleurs ,
les grandes chaleurs fatigueroient beaucoup un
jeune chien, fur-tout s’il eft ardent & peu formé.
Lorfqu’on mène un limier pour la première fo is ,
& qu’ il ne veut pas fe rabattre , il faut lui faire
voir des animaux, aller dans la voie , 8c s’ il s’en
rabat, le laifler fuivre & le bien carefler. S i ,
après l’avoir mené plufieurs fois,, il ne veut ni
fuivre ni fe jrabattre, il faut le mener avec un
limier dreffé qui excitera fon ardeur & lui donnera
envie de le fuivre avec lui j mais fi cette épreuve
ne réuffiffoit pas , il faudroit lui avaler la botte ,
& l’engager à aller après des animaux qu’on lui
fera v o ir , c’eft la dernière reffource : fi cependant
le limier eft de bonne race, il ne faut pas
l’abandonner abfoiument, parce qu’ un chien tîrd if
fe déclare au moment qu’on s’y attend le moins ,
8c alors il fert plus long-tems que d’autres.
Quand un jeune limier commence à fe rabattre,
il faut,!’arrêter de tems.en tems dans la voie pour
♦