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Le lapin de clapier eft plus grand que îe lapin
de garenne , 8c cette fupériorité de taille vient
•tans doute de ce qu’ il fait moins d’exercice , 8c
u il orend des alimens plus fucculens : l’état de
omenicité qui le rend plus gros que le èapîn
fauvage, change auflî la couleur de fes poils : car
il y en a de blancs , de noirs , 8c d'autres qui
font mélangés de ces deux couleurs. On remarque
que ces derniers peuplent beaucoup , 8c que
les femelles portent jufqu’à dix ou douze petits
par mois.
En général, le lapin peuple beaucoup plus que
le lièvre ; un voyageur anglois affîire qu’une paire
ayant été tranfportée dans une ifle * il s’en trouva
fix mille au bout de l’année.
jeunes lapnaux eft très - délicate , mais celle
dss vieux lapins a beaucoup de féchereffe & de
dureté.
Le lapin eft originaire des climats chauds : les
feuls endroits de l'Europe où il y en eût anciennement
, étoient la Grece & l’ Efpagne; delà
on l’a tranfporté dans des climats plus tempérés
y tels que l'itnlie , la France 8c l’Allemagne
où il s’eft naturalifé. Bans lé Nord il ne fauroit
vivre que dans les maifons , il périt dès qu’ il eft
abandonné à la campagne. On trouve des lapins
dans les contrées méridionales de l’Afie & de
l’Afrique, 8c ceux qu’on a tranfportés dans le
Nouveau-Monde y ont très-bien réufli.
L e lapin eftfupérieur au lièvre pour la fagacité j
I l a des rufes pour échapper à fes ennemis , 8c
même pour fe fouftraire aux yeux de l’homme ;
il fe retire pendant le jour dans les trous qu'il
fe creufe 3 y habite avec fa famille dans une pleine
fécurité 3 8c s’y trouve à l’abri du loup , du renard
j & de l’oifeau de proie.
Quand on dit que le lapin l’emporte fur le
lièvre en fagacité , on ne parle ici que du lapin
de garenne 3 parce qu’il a un mftinét plus réfléchi,
plus de befoins j 8c plus d'activité pour les prévenir.
Pour le lapin de clapier,il ne fe donne ooint
le peine de fouiller la terre 3 ni même de fe fouil
1er un gîte à fa furface.
Le lapin engendre & produite l’ âge de cinq ou
fix mois j il paroît confiant dans fes amours & s’il
s’unit à une femelle 3 il ne la quitte plus. Cette
femelle quelques jours avant de mettre bas , fe
creufe un nouveau terrier , non pas en ligne
droite , mais en z igzag, au fond de cette excavation
, appellée en terme de chaffe rabauillere;
la lapine s'arrache fous le ventre une affez grande
quantité de poils, dont elle fait une efpèce de lit
pour recevoir fes petits, 8c les allaite avec beaucoup
de foin pendant plus de fix femaines ; juf- 3u'à ce tems-là le pere ne les connoît p oint,
n’entre pas même dans le terrier que la mère
a excavé ; mais lorfque les petits commencent à
venir au bord du tro u , il les prend entre fes
pattes , luftre leurs poils 8c lecne leurs yeux ,
& cette tendreffe paternelle éclate bien plus
dans les lapins fauvages , que dans les lapins
domefiiques.
L e lapin eft d’un tempérament très - chaud ;
©n a vu des mâlès fe lier avec leurs femelles cinq
©u fix fois en moins d’une heure. C et animal v it
environ huit à neuf ans ; la vie fédentaire qu’ il
mène dans fes terriers, fait qu’ il prend plus d’embonpoint
que les lièvres ; leur chair eft auflî très-
différente pour la couleur & le goût ; celle des
Le lapin d'Angola n’eft point d’une efpèce particulière,
il ne diffère même de nos lapins de
clapier que par la qualité de fon poil, qui eft
beaucoup plus lo n g , comme le poil des chèvres
d’Angola eft plus long que celui des chèvres communes.
Ce poil des lapins d'Angola eft ondoyant
& frifé comme de la laine; dans le tems de la
mue il fe pelotonne , & rend l’ animal allez difforme
: la couleur de ce lapin varie comme celui
des lapins domefiiques.
L e lapin nuit beaucoup aux travaux du cultivateur
; il détruit les racines , les graines , les
fruits , les légumes , & même les arbriffeaux.
Quand on veut l'écarter des bleds qui font en
herbe, & des vignes qui font en bourgeon , on
fiche en terre , le long des bords de la pièce de
terre, à fix pieds l’ un de l’autre , de petits bâtons
fouffrés auxquels on met le feu , 8c on recommence
ce manège de cinq jours en cinq jours ,
jufqu’à ce que le bourgeon de la vigne 8c le bled
loient hors de danger, -
Il y a donc bien des motifs qui femblent au-
torifer la chaffe du lapin : i° . la delicateffe de fon
g o û t , 2". l’exceflive multiplication desindividus ,
3". le tort qu’ils font à l ’agriculture.
Remarques de vénerie fur le lapin.
Il y a quelques remarques à faire fur les lapins 3
par rapport à la Vénerie, avant que d’en détailler
les chaffes différentes.
Le lapin ne va guéresquepar fauts & par bonds j
fi l ’un d’eux change de terrein dans 1 appréhen-
fion d ’être furpris par les chalfeurs , tous les au-
! très s’empreflfent de le fuivre; car on peut remar-
| quer que l’inftinâ: de l’animal ne confifte jamais
qu’ à imiter.
C e quadrupède a des rufes dont, on ne doit point être la dupe 3 par exemple , il ferme
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quelquefois avec du fable le trou où il gîte dans 1
la crainte qu’ on ne vienne le furprendre.
Tl quitte rarement fon fo r t , mais fi on réuflit
à le dépayfer, il eft bientôt pris.
Le lapin court avec une rapidité étonnante ,
quand il n’a qu’une carière de deux ou trois
cents pas ; mais il fe fatigue aifément & le
chaffeur ni le chien ne doivent fe décourager.
On doit remarquer que quand on pourfuit
cet animal, il fe terre , 8c que quand il eft éloigné
de fon terrier, il fe fait un trou où il fe
réfugie.
Ckajfe du lapin au fufil.
L e chafleur va dans une garenne qu’ il fçait fournie
de lapins , & ferme en filence les ouvertures
de tous les terriers qu’il rencontre.
Il met enfuite en chaffe un baffet bien inftruit, qui
fait partir l’anim.il , tandis que lui-même , le fufil
à la main, fe tient fur un terrrierpour attendre là
proie.-
Le lapin poarfuivi avec vivacité ., cherche fon
afyle ; lè chatfeur l’apper-çoit , faifit le moment
favorable, 8c le tire. On a remarqué que cette
chaffe, quelqu’amufante qu’elle fo i t , eft cependant
dangereufe pour les garennes ; car fi un lapin
bletfé s’échappe , 8c vient mourir dans fon terrier,
il empoifonne tous les lapins qui y gîtent avec
lui.
Chajfe du lapin a l'a fiât.
En terme de Vénerie , Vaffût eft un lieu caché
, où le chaffeur armé attend fon gibier au
pillage.
Les chalfeurs qui vont à Y affût doivent être d’un
tempérament robufte pour lupporter impunément
les intempéries de l’air 8c les fatigues qui
font la fuite de ce violent exercice j il doit être
auflî fort patient , car le gibier vient rarement à
point nommé.
Un affût doit être bien choifi c’eft-à-dire ,
u’il faut pouvoir s’y tenir commodément, &
e manière que le gibier ne vous apperçoive
pas : on monte ordinairement fur un arbre touffu ,
& on obferve ; il faut fur-tout garder un profond
filence, car le lapin a l ’oreille alerte , & s’épouvante
au moindre bruit. Avec toutes ces précautions
, la chaffe à Yaffût peut devenir très-
lucrative.
Chaffe du lapin au furet.
L ejfuret eft m petit quadrupède de la taille
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d’une b e le tte , & qui eft l’ennemi né du lapin.
Vo y e z le mot furet.
Quand on va à la chalfe du lapin , on tranfporté
fon furet dans un fac de toile , au fond duquel on
met de la paille pour le coucher.
On a un baffetbien inftruit qu’ on met en chaffe
pendant une heure, pour obliger les lapins à fe
terrer ; l’heure expirée, on attache le chien 3 &
on va tendre des poches fur les trous, de chaque
terrier , afin d’empêcher l’ animal qui y eft renfermé
de s’échapper.
Tout étant .ainfi difpofé , on prend fon furet,
on lui attache une fonnette au col afin de le veiller
dans toutes fes démarches , 8c on lui donne à
manger > afin qu'il ne s’acharne pas fur le premier
lapin qu'il rencontrera.
Quand on l’ a fait entrer dans le terrier du lapin ,
il faut garder le plus profond filence, afin d’engager
l’animal dont on veut s’emparer à for tir :
le furet ne manque pas de pourfuivre fon gibier ,*
le lapin fugitif veut fortir par l’autre ouverture
; mais il eft bientôt arrêté par la poche
qu’ on y a placée j il s’enveloppe dedans , 8c perd
fa liberté.
Il eft néceffaire de retirer avec célérité ce premier
l a p i n avant que le furet s’en apperçoive ;
car alors il retourne dans le terrier , & fait fortir
les autres. Il arrive quelquefois au furet de s’endormir
après avoir fucéle fang du lapin , il faut alors
tirer quelques coups de fufil dans le trou du terrier
, ranimai fe réveille , & on le reprend avec
1 facilité.
Cette chaffe eft une des plus amfuantes qu’on
doive à l’induftrie humaine.
Chaffe du lapin au panneau.
Le panneau eft un filet qu’on tend dans un chemin,
ou dans la paffée d’ un bois : il fautobferver d’abord
de quel côté doit venir le lapin , afin de tendre
le filet de manière, que l’animal n’ait pas le
nez au v en t, ce qui fuffiroit pour lui faire rebrouf*
fer chemin.
On prend enfuite trois ou quatre bâtons , longs
de quatre pieds chacun 8c gros comme le pouce ,
pointus par l ’extrémité inférieure, & un peu courbés
par fe bout fupérieur ; on les pique en terre un
peu en penchant en droite ligne , & éloignés également
les. uns des autres. Le filet doit être attaché
à ces bâtons:par les mailles d’en hau t, mais il
doit y tenir fort peu , & tomber aufti-tôt que le
lapin y entrera.