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Le loup n’ a guères que deux pieds de long
depuis la tête jufqu.’à la naiffànce de la queue ,
& à-peu-près autant de hauteur : fon mufeau eft
•alongé & obtus , Tes oreilles font courtes &
droites , -fitqueue eft groffe 8c couverte de longs
poils grifâtresj Tes yeux font bleus 8c étineelans,
lès dents font rondes, aiguës 8c ferrées ; l’ouverture
de fa gueule eft fort grande , 8c fon col
fi co u r t, qu’il eft pblfgé. de remuer tout fon
corps pour regarder de côté.
Le loup eft naturellement groflîer & poltron î
il ne -devient ingénieux que pour le befoin, 8c
hardi que par la néceâité ; mais bientôt l’habitude
réforma fon naturel, 8c il en vient au peint
de juiire pour le plaifir de nuire , 8c non pour
fubfifter.
C ’eft d’abord pendant le jour que ce quadrupède
emploie fon induttrie , fa force 8c fon agilité
à attaquer , vaincre , faillir 8c déchirer fa
proie : prelfé par la faim , il vient attaquer les
animaux même qui font fous la garde de l’homme >
mais fe voyant trop fouvent harcelé par les chiens
& par les bergers , il fe recèle pendant le jour
dans fon f o r t , 8c n’ofè plus exercer que pendant
la nuit Tes pirateries.
C e font d’abord les animaux domeftiques que
le loup s’ empreffe d’attaquer ,< parce qu’il leur eft
impoffible de lui réfifter 5 il fe mefure. enfuite
avec les animaux fauvages , 8c finit par fe jetter
fur les hommes.
Le loup , quant à fon organifation phylïque ,
refiemble beaucoup au chien ; mais il en diffère
fingulièrement pour le cara&ère : ces deux animaux
même ont par inftinft une antipathie fin-
gülière l’un-contre l’autre j un jeune chien frif-
lonne à-l’afpeét du loup , 8c s’enfuit à l’ odeur
^eule qu’il exhale j le mâtin qui eonnoîtfes forces,
fe hériffe , s’indigne & le combat, quoiWil ne
Toit point animé par la voix de ion* maître.
Quand le loup eft le plus fd r t , il déchire ,fa
proie î quand le chien eft victorieux, il fe contente
de victoire & l’abandonne aux corbeaux.
Le loup eft ennemi dè toute focié^é , il ne fe
réuait avec ceux de Ton efpèce • que pour attaquer
des animaux trop redoutables , 8c apres
^expédition fe retire dans fa folitude. Il y a peu
d’habitude entre le mâle-8c la; femelle, ils ne fe
cherchent qu’une' fois p a r an , 8c retient fort
peu de- tems ënfemble., 8c enfin quand le befoin
eft trop prèffant ils s’entredévorent.
Le loup a-beaucoup, de vigueur f il emporté
dans fâ gueule un ’mouton , & court en meme-
tems encore plus vît© que "les bergers, il n’y
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a que les chiens, qui puiffent l'atteindre & lut
faire lâcher prife : il mord cruellement , 8ç avec
d’autant plus d’acharnement qu’ on lui;réfift©
moins j il oft infatigable , 8c c’eft peut-être de
tous les animaux le plus difficile à forcer à* la
courfe.
-Il a auffi tous les fens fort bons , 8c fur-tout
l’odorat, il fent de plus loin qu’il ne voit ;
l’odeur du Carnage.,fuflit pour l’attirer de plus
d’une lieue : quand il fort d’un bois , il prend
le v en t , s’arrête fur la lifière, évente de tout
c ô té , 8c reçoit ainfi les émanations de tous les
animaux ' vivans 8c des cadavres. Ce quadrupède .
aime beaucoup la chair humaine j on en à vu
fuivre les armées , arriver en grand nombre à des
champs de bataille où Ton n’avoit enterré les
corps que négligemment , les découvrir 8c les
dévorer.
Il n’eft pas vrai > comme le difent plufieurs
cjiafleurs 3 que le loup, greffe de la faim , mange
de la terre : cette idée ne provient que de ce
qu’on voit quelquefois cet animal déterrer la
proie qu’il a enfouie 8c mife en réferve après s’être
raffafie.
Outre les loups ordinaires qu’ on voit en France
& en Allemagne , il y en a dans le Nor^i qui fent
tout blancs I & d’autres^ürWht noirs. L'qfpèce
commune eft généralement répandue .fur là terre ,
on la trouve, dans lçs deux Con.tinens : l^s'loups
du Sénégal reffemblent aïix nôtres-., mais ils font
plus gros & plus cruels } ceux d’Egypte font
pliis petits que. ceux de Grèce j en P r ie n t , 8c
fur-tout en Perte, on fait Tefyir lesj/c&p.r aux
fpe&acles populaires , 8c lés voyageurs difent
qu’on y .achète iufqu’ à cinq^ceqs. ecus'un loup
bien dre fie à la aahfe : on peut conclure de cette
efpèce 'd’éducation , que ces .animaux font alors
bien jeunes , ou qu’ ils ne font pas de vrais
loupsè'
‘ Il n y a rien de b o n , dit Buffon , dans le
loup que fa p e au , dont on fait des fourures ;
fa chair eft fi mauvaife ,^que les chiens eux-
mêmes ne peuvent la fouffrir : il n’y a que le
loup qui ait Je courage de manger le loup. Si on
obferve encore que fa mine eft baffe , fon afpe<ft
fauva’ge , fa voix effrayante, fon odeur infup-
portable, fon naturel féroce 8c Tes moeutis'per-
verfes, on en conclura que jamais animal né
mérita mieux d’être détruit.
Chajff du loup.
Le loup eft le fléau dés campagnçs par fa ’force
8c fa voracité-. Non-feulement îl fait là guerre a
tout le bétail, moutons , chèyr^, pf>rçs,,. vaches
8c chevaux, mais même aux poules, dindons , & oies
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oies fur to u t , dont il eft très-friand, 8c fur.kf-
quelles il' fait fon apprentiflàge j mais il détruit
auffi, dans les forêts, une grande quantité de
bêtes fauvages , biches, faons 8c chevreuils , 8c
même de fangliers, tant qu’ils ne font encore que
bêtes de compagnie ; car il ne trouveroit pas fon
compte à s’attaquer aux vieux fangliers. Ceç animal
n’eft pas moins rufé que le renard pour faifir
fa proie , mais infiniment plus défiant 8c plus difficile
à furprendre. S’il prend un mouton , c’eft
toujours par-deffus le cou, pour le charger plus
aifement fur le dos, 8c en lui coupant la refpira-
tion , l ’empêcher de crier 8c d’épouvanter le
troupeau , afin que , quand il l’ aura tué & dépofé
dans le bois?», il puiffe en venir chercher un autre.
S’il attaque un cheval, c ’eft toujours par devant,
parce qu’il y a moins de danger pour lui : fi c ’eft
une vache, il l’affaillit par derrière ,.8c la faifit au
pis , comme à l’endroit le plus fenftble, afin de la
porter aufli-tôt par terre : fi c’ tft un chien, il le
faifit à la gorge , pour empêcher qu’il ne c r ie , 8c
de peur d’être mordu.
Dans les forêts, lorfqu’il ne peut furprendre
les bêtes fauves à la repofée, 8c les fangliers à la
bauge , il s’entend avec deux Camarades : l’un
prend la voie de la bête, & la chaffe comme un
chien courant 5 les deux autres gagnent les devants
à droite 8c à gauche, pour la joindre au paf-
fâge5 8c, fans fe rebuter, lorfqu’elle leur échappe,
ils recommencent le même manège, jufqu’à ce
qu’à force de la fatiguer , ils en viennent a bout.
Quoiqu’à parler généralement, Je loup n’attaque
point l’homme, s’il n’eft enragé, 8c qu’il
fuie à fa rencontre, cependant il n’eft pas rare de
voir quelques-uns de ces animaux déclarer la
guerre à l ’efpèce humaine. On fe fouvient encore
des ravages que plufieurs loups de cette efpèce
ont fa it, en 1764 8c 176 y , dans le Gévaudan, le
Rquergue & l’Auvergne, où dans ï’ efpace de dix-
huit mois, plus de cinquante perfonnes furent dévorées
, fans compter environ vingt-cinq autres
qui en furent quittes pour des bleffures j ravages
qu’on attribua, pendant long-tems , à une feule
bête d’une efpèce extraordinaire, 8c qui méritèrent
une attention particulière de la part du
fouvernement. Voye^ Hyene.
C ’eft donc avec raifon que par-tout les toups
font regardés comme des ennemis publics, que
tout le monde s’empreffe à leur courir fus , 8c
qu’on cherche à les détruire par toutes fortes de
»noyens.
Les louves entrent en chaleur vers le mois de
février, 8c mettent bas dans le mois de mai. Leurs
portées font depuis cinq jufqu’ à huit, & quelquefois
neuf louveteaux. Elles cnoififfent, pour mettre
bas, des forts ép^is & fourrés épines * un ,
C i lA tS E f ,
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t trou au pied d’un grand arbre, ou quelque exca-
! vation fous, une groffe pierre ; non pas pour
l’ordinaire, dans le fond des forê ts , mais près dejs
bords, & à proximité de quelque v illage , afin de»
fe procurer plus aifement leur fubfiftance. Quelquefois
une louve s'établira dans un petit bois
ifo lé , voifin des grands bois , 8c même on en a
vu mettre bas dans un bled. La louve ne quittant
point fes petits pendant les premiers jours , & jufqu’à
ce qu’ils voient clair, ainfi que les chiennes,
le loup lui apporte à manger ; 8c lorfqu’ils font
plus avancés, il partage avec elle le foin de leur
nourriture.
Il y a deux manières de chaffer le loup fans le
tirer. L’une eft de le forcer avec des chiens cou-
rans, deftinés particulièrement à cette chaffe ;
l'autre eft de le prendre avec de grands & forts
lévriers , appelles lévriers Métrique, qui l ’atteqdenc
au paflage, lorfqu'il vient à débufquer d’une enceinte
où il a été détourné.
Les lévriers les plus forts ne viendroient point
à bout d’étrangler un vieux loup , s’ils n’étoient
aides pur des dogues de la plus grande taille qu’oa
lâche fur l’animal, Jorfqu’ils l’ ont arrêté.. Voici à
ce fujet ce qu’ on lit dans U Parfait CkaJJtur, pat
Selincourt, Paris, 1685,
« Trois loups ayant été pris dans des foffes , dtj
3» régne de Louis X I I I , furent amenés aux Tui-
3» leries. Il y en avoit un vieux , 8c deux pim
3> jeunes. On les fit combattre contre de gros lé-
33 vriers : les deux jeunes fe défendirent affe^
33 bien. Le troifième fut attaqué par trois lévriers,
33 puis par trois autres qu’on releva encore, juf—
3* qu’ à douze , toujours trois à-la-fois. Il les ren-
>3 voya tous forts maltraités , de fhçon qu’ils
>3 l’aDandonnèrent, 8c n’osèrent plus l’approcher.
33 Le bruit qu’ il faifoit de fes dents étoit comm®
>» celui d’un coup de fouet de charretier »>.
Il faut obferver qu’il eft très-difficile de forcer
un vieux loup, dont la vigueur 8c l’haleine font
indomptables, qui perce toujours en avant, $c
q u i, après avoir couru cinq ou fix heures, s’il
rencontre de l’eaufur fon chemin , redevient aufït-
frais qu’ au fortir du liteau, fur-tout, fi c’eft un d©
ces grands loups levrettes fur le derrière qui ne fe
nourriffent, la plupart du tems, que ae bêtes»
fauves, 8c autres qu’ ils prennent à la courfe ou
par furprife ; car quant aax loups taillés en gros
mâtins, qui ne vivent d’ordinaire que de bêtes
mortes qu’ ils vont chercher à l’entour des villages
, étant plus pefans, 8c ayant moins d’haleine
, de ceux-là on en peut forcer. M a is , eu
général, pour cette chaffe, qh ne fait ch^ix que
de jeunes loups depuis fix mois jufqu’à feize ou
dix-huit.
La chaffe du loup la plus ordinaire eft celle qui
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