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accident. Si Ton cite quelques exemples contraires,
ils font fi rares que Ton ne peut pas même les regarder
comme des exceptions.
On a vu des cerfs auxquels on coupoit le ja r r e t ,
fe retourner & fondre fur l’homme qui l ’avoit
frappé î on en a v u charger un p a y fan , qui fans ;
aucune précaution a vo it é té lu i plonger un cou- j
teau de chaffe dans le corps ; mais c e n’ eft que le
premier mouvement d ’un animal q u ife fen tb le f fé ,
8c qui emploie les armes que la nature lui a don nées.
On a vu au contraire bien fou vent des ’ cerfs
tenir les abois dans des' v illa g e s , dans des c h e mins
ferrés & é t r o it s , é v ite r les hommes , fe
preffer en paflant le long des murs 8c ranger leur
tê te de peur de bleiïer les femmes 8c les enfans 5
quand ils ne peuvent faire au trem en t , ils fautent
par-deffus : mais les rencontres imprévues font
très-dan gereufes 3 le cerf préfente toujours la tête
aux obftacles qu’ il rencontre 3 tou t le monde fait
combien elle eft meurtrière 3 d’ ailleurs rien n’é^ .
gaie la force & la rapidité a v ec laquelle i l s ’élançe j
e lle eft telle qu’ on; en a vu fe tuer contre des baliv
e a u x qu’ ils avoient rencontrés en évitant les
hommes. O n peut juger a v ec quelle v io len ce ils
auroient culbuté les hommes & les cavaliers q ui fe
ferck -nt trouvés fur leur paftage. 11 faut fe méfier de
ces rencontres, quand les cerfs font prèsjd’être p r is ,
ijs-fe m ettent fouvent fur le ventre & a ttendent que
le s chiens leur tomb .nt fur le corps pour repartir 3
alors le ch o c de vient funefte à tou t ce qui fe trou ve
de vant eux; Les accidens qui arrivent dans ces
rencontres ,' ne prouvent ni la f é r o c it é , ni la méch
anceté dë l’animal , puifqu’ il eft certain qu’ il
é v ite l’ homme autant qu’ il lui eft pofïible j mais
aüfli toutes les fois qu’ il rencontre un obftaele inév
ita b le , il emploié la force de fa tê te pour le
furmonter. A u défaut de fa tê te , fes pieds de devan
t font pour lui une d é feh fe dont il f e fe r t avec
avantage:; Qu elque doux timide que fo it le
cerf ^ ‘il eft d.uigerèux de l’ apprivoifer 3 il devient
trè s-familier , & finit par offenler 5 mais il a
ce la de commun a v e c tous les animaux fauvages
que l ’ on rend domeftiques. On a eftayé d’en atte
le r à des voitu res 5 ils ne traineroient pas un
poids un peu lourd , parce qu’ ils ont beaucoup
d e foible ffe ou plutôt de fennbilité dans les reins 3
ils font d’ ailleurs parefleux 3 quand ils s’ éloignent
de la m a ifon , il faut les battre pour les faire avanc
e r 3 mais fi on les ramène du cô té de leur g îte ,
ils v on t d’eux-mêmes légèrement. Ç ’efl fans fon dement
encore que l’ on prétend que le cerf pleure,
quand il eft près d’ê t re pris 3 il cr ie de la douleur
que lui font les morfures des chiens , mais il ne
leure pas. Quelquefois ceux que l ’ on prend dans
eau , je tten t une efpèce de c r iq u e l ’ on prendroit
pour un aboiement ; on ne peut donner d’ autre
m o t if à c e c r i , qu’ un défefppir (le ne pouvoir
échapper à fes ennemis.
ka yiç du cerf o’eft pas aufli longue qu’on Ta
C E R
cru pendant long-tems; on a débité là-defTus des
fables dont on eft revenu aujourdhui 3 un cez/que
Charles V I pritdans la forêt de Senlis , les a re-
nouvellées ; il portoit un collier qui avoit pour
infcription : hoc me C&far donavit. L’efprit humain
qui aime le merveilleux , & qui par conféquent
cherche toujours à fe tromper en éloignant les
idées fimples , a vu dans cet animal un contemporain
des empereurs romains. Cependant il eft
très-pofiible que tout le merveilleux fe foit trouvé
dans l’ imagination pl ai fan te de quelque particulier
des environs. Les calculs généraux de M . de
Buffon portent la vie du cerf à. peu-près de trente-
cinq a quarante ans j c’eft aufli l ’opinion générale.
'
On ne doit pas tirer de conféquence de ce qu’ il
eft en état <r engendrer dans fa fécondé année 5 le
cours de fa vie fe trouveroit extrêmement réduit,
fi on lecomparoit en.celaà tous les animaux qui
n’ont pas un bois ou tête à renouvelle^ tous les
ans. Ce font deux effets alternatifs de la même
caufe : le cerf a pouffé fa première tête à feize ou
dix-fept mois, 8c il eft en état d’engendrer à dix-
huit ou dix-neufmois, ou du moins les apparences
le font préfumer.
Ce qui doit confirmer l’ opinion reçue , fur la
duree de la vie du cerf, c eft qu’ un cerf portant
fes dagues, c’eft-à-dire , dans la fécondé année ,
a été enfermé dans le parc de Rambouillet 5 il y
trouveit une nourriture abondante ; il y a vécu
tranquille , il ne lui eft arrivé aucun accident ; il y
veft mort dans fa trentième année J avec les lignes
de la vieillefie 3 fa mort a été'naturelle : on s'ap-
percevoit depuis quelque tems de fon dépéri (Te -
ment. Ainfi , en fuppofant que la vie de cet animal
ilblé de tous les autres de fon efpèce-, ait été
abrégée de quelques années, cela ramène toujours
au période de trente-cinq à quarante années.
Les cerfs font fujets à une forte de maladie qui
leur eft commune avec tous les animaux fauves , ce
font les tons 3 le ton eft une efpèce de ver blanc que
1 op trouve en hiver fous la peau du cerf 3 au prin-
tems il fort en peiçant le cuir. Les recherches
qu’-on a faites fur ces tons ont porté 3 croire qu’ils
étoient engendrés par l’état de difette 8c de milère
que l'animal éprouve pendant l’hiver : çette raifou
n’eft pas très - fatisfaifante ; la mifère ainfi que la
pourriture 8c la corruption peuvent donner lieu à
une procréation , mais elles n’engendrent pas. Il
paroit plus probable que quelque mouche ou papillon
ou tout autre infette dépofe fes oeufs dans !e
poil de l’ animal ; que les petits vers qui en provienn
ent, percent la peau, fe tiennent deftbus pendant
tout Thiver, y prennent de l’accroifTement,
& en fortent auprintems i mais quel eft cet infeéle ?
Que deviennent ces tons ? C ’eft fur quoi les natur
e l le s peuvent exercer leur çuriofité. On a vu au
printems
printeirs de? p'es furie dos des ce f s tirer &: manger
ces ton?*
Le cerf a a fiez habituellement fur le corps pîu-
fieurs autres infeéles ou vermines, ce font les
poux de cerf i les tiques 3 & les mouches plates :
les poux de cerf 8c les tiques percent la peau pour
fucer le fangj les premiers ont affez la.forme &
même la couleur d’une petite lentille ; les autres
ont la peau plus blanche & plus fine & s enflent
beaucoup par le fang qu’elles fucent.
La mouche plate eft une mouche rampante qui
court fort vite : elle ne vole que par fecouffes ; elle
dêfoie les cerfs par le chatouillement qu’elle leur
occafîonne.
De la tête du c e r f
Comme le cerf renouvelle fa tête tous les ans ,
il là renouvelle avec une progrefiion analogue à fes
différens âges. Ce n’eft qu’à là féconde année qu’il
pouffe fa première tête ; pendant les fix premiers
mois de fa vie , il porte le nom de faon. Son corps
alors eft parfemé de taches blanches que l’on nomme
livrée j vers le mois d’ oâobre ou de novembre il
quitte la livrée, & prendîe nom de hère : c’eft alors
qu’ il paroi t fur l’os frontal, que les veneurs appellent
le tejl, deux élévations que l’on nomme
hojfes \ elles font la bafe de la tête du cerf, &
prennent par la fuite le nom de pivots.
Ces élévations offeufes fe prolongent, lorfque \
le cerf z acquis un an accompli 3 mais ces prolon-
gemens ne font plus de la même nature que leur
bafe , ils font fanguins & prefque cartilagineux :
cependant l’extrémité inférieure prend de la con-
fiftance & s’ offifie progreflîvement jufqu’ à [’extrémité
fupérieiire. Cette production qui eft de la
hauteur de huit à dix pouces, eft fimple , fans
aucune branche ou andouiller, ce font deux petites
perches que l’on nomme daguet elles relient couvertes
d’un peau veloutée , jufqu’ à ce qu’elles
ayent acquis une confiftance ou maturité parfaite.
L e cerf, fe dépouille de cette peau en fe frottant
contre les arbres ; il prend le nom de daguet de
ces deux petites dagues qui font fa première
tete. Vers le mois de mai fuivant, lorfque le cerf
entre dans fa troifième année , ces deux dagues fe
détachent de l’ os ou pivot qui leur fért de bafe ,
& tombent : alors 1 e cerf pouffe fa fécondé tête 5
elle eft ornée de trois ou quatre branches que l'on
nomme àndouillers. C e qui le diftingue encore
plus du daguet, ce font les meules ; c’eft une efpèce
de bourlet qui entoure le fommet du pivot.
Il y a des exemples , rares à là vé r ité , de daguets
qui ont un ou deux àndouillers, comme il y a des
fécondés têtes qui n’ônt que deux perches 5 les
meules alors lèvent toits les doutes: les dagues
n étant qu’ un prolongement des pivots , font pouf-
leesen jets direéls ; mais lorfque le ce/ƒ pouffe fa
Ce s s e s . 1 ' -
fécon d é tê te & les autres , il y a une ré a â io n qui
forme les meules. C ’ eft donc à fa troifième année
que le cerf pouffe fa fécondé t ê t e , & il en prend le
nom , & ainfi d’année en année , jufqu’ à fa cinquième
année qu’ il a fa quatrième tête . A la f ix ièm e
année , il prend le nom d e dix-cors jeunement , &
après ce la on le nomme dix-cors. Il n’ y a pas de
marque diftinêtive & certaine qui indique exaète-
ment ces différens âges 3 on ne les ju g e que fur la
progrefiion annuelle de fa tête .
L a tê te du cerf e%. compofée des meules ou cou ronnes
qui pofent fur le p ivo t ; il en for t la mar-
treffe branche que l’ on nomme marrain ou merrairiy
elle eft accompagnée auprès de la meule du premier
andouiller qui for t em a v an t, 8c dont la
pointe eft recourbée en remontant: c ’eft le plus
long & l e plus m eurtrier des àndouillers 3 au deffus
Sc tou t près eft le fu r -an d ou ille r , beaucoup plqft
cou rt j l e troifième andouiller fe nomme chzvillare-;
il eft ordinairement plus lon g qüe le fur-andouiller.
Quelquefois il y a l e long du marrain un quatrième
andouiller que l’ on nomme trôchure , mais quelques
veneurs prétendent qu’ il do it faire partie de
l ’empaumure. •
L ’ ëmpaumure termine le marrain: on la nomme
ainfi, parce qu’ elle reffërnble imparfaitement à la
paume de la m a in , de laquelle il fort plusieurs
doigts. Les àndouillers qui font placés dans la longueur
du marrain , font o rdinairement au nombre
de trois & que lqu efois quatre ceux de 1 empau-
mure varient depuis deux jufqu’ à huit , 8c quelquefois
plus , mais cela eft très-rare. Les fécondés
têtes n’ ont ordinairement que- d eux àndouillers
dans la longueur du marrain. U n e tête de c e f
garnie de beaucoup d’andouillers fe nomme une
tête bien, chevillée y fur-tout fi le marrain eft g ros 8c
les àndouillers bien nourris. Pour marquer la quant
ité d’ andouillers dont la t ê te eft garnie , on les
compte , 8c on dit que 1 ecerf porte d ix , q u a to r z e ,
v in g t , toujours nombre pair. On les compte ainfi :
les trois àndouillers qui doivent ê tre le long du marra
in , font toujours comptés ou fupp^ofés , s’ ils ne
s’ y trou voient pas. On prend le c o te le plus garni
des deux empaumures 3 s’ il y a trois àndouillers ,
en lès additionnant a vec les trois du marrain, ce la
fait fix , & autant fuppôfés à l’autre cô té de l’em-
paumure, le cerf porte d ou ze . Je dis fuppofes ,
parce que s’ ils n’ y éto ien t pas r é e l'em e n t , le cerf
po r tero it d ou ze maLfemés , 8c d ou ze bien femés
quand les deux empaumures font également g a rnies.
Ainfi , quand il y a à l’ empaumure la pins
garnie , q u a t r e , cinq ou fix ànd ouillers, 8cc. le
cerf porte quatorze , fe iz e , dix-h uit , 8c tou jou
rs en ajoutant trois au nombre d e l’empaumure,
& doublant enfuite ; bien.fernés fi les deux empaumures
font égaies 5 mal fem è s , fi elles ne le font
pas*
On compté jufqu’au plus petit andouiller de