
194 F A U
Veut-on empêcher que l’oifeau trop avide ,
dans le tems qu’on lui donne le pât , ne baiffe
la tête & ne fe jette hors du poing , il faut le
paître à terre fur les curées , & 1*enchapperonner
un peu au large , afin que rien ne l'empêche de
manger : on ne Ta pas trois fois gouverné ainfi,
qu’ il fe défait de ce défaut.
Defîre-t-on de traverfer l’inclination fingulière
de cet oifeau de proie , qui ne veut voler que
dans la plaine ? Faites-lui faire prendre fon pât
dans le plus fort d’ un bois 3 & répétez quatre
ou cinq fois cet exercice.
Il eft effentiel à un bon fauconnier de bien
donner l’affurance à fon oifeau : fans cela celui-
ci ne peut avoir de créance à fon maître, & fans
créance un oifeau ne devient jamais de bon
affaitage : il pourra v o le r , mai? fon vól ne fera
jamais réglé , & on aura de la peine à le rappeller.
L’ émérillon veut être leurré & affuré comme
les autres oifeaux > il faut lui faire curée du gibier
auquel on veut le dreffer : il vole fillé pour la
caille j l’alouette, le merle & le perdreau. On
le tient pendant l’hiver dans un lieu cjiaud 3 &
on lui met une peau de lièvre fur le b lo c , de
crainte que lë^froid n’endommage fes ferres.
De toils les oifeaux de proie l’hobereau eft ;
le plus volontaire & le plus libertin : aufti fon !
affaitage demande l’expérience du fauconnier le
plus confommé.
On voit maintenant que pour affaiter un oi- ;
feau de proie , il faut qu’ il fâche obéir à j
l’homme j q u il foüffre volontiers qu’on lui mette ■
le chaperon ; que du bout de la filière il revienne |
de fon plein gré fur le poing de celui qui l’inf- ;
tru it, qu’il foit prêt* d’en foncer le gibier pour;
lequel on le dreffe j qu’ il s’accoutume au leurre j !
qu’il s’élève comme on le defire j qu’il fâche j
lutter contre le vent ÿ qu’il ne charrie point fa ;
proie 3 & fur-tout qu’il ne cherche point à dé- j
rober fes fonnettes.
La manierede leurrer que nous avons indiquée 3 i
ne s’employe pas à- l’egard des faucons & les!
tiercelets deftinés à voler la pie ou pour le champ, •
c’eft-à-dire pour Je vol de la perdrix. Lorfque ;
ceux-là font affurés au jardin , & qu’ils fautent •
fur le poing ., on leur fait tuer un pigeon a t - !
taché à un piquet , pour leur faire connoître le !
vif. Après cela on leur donne un pigeon volant, !
au bout d’ une filière j & lorfqü’oh les juge affez :
sûrs pour être mis hors de filière eux-mêmés ;
pn leur donhè un pigeon volant librement, mais !
auquel on a fillé les yeux. Ils le prennent, parce ■
fe jjjéfejîd jnaî, AJçrs * $ l’ on compte fur 1
FAÜ
leur obéiffance, on cherche à les rebuter fut
les pigeons & fur tous les gibiers qu’ ils ne doivent
pas voler : pour cela on les jette après
des bandes de pigeons, qui fe défendent trop
bien pour être pris , & on ne leur fert de la
viande , que quand on leur a fait prendre le
gibier auquel on les deftine. Le faucon pour
corneille fe dreffe de la même manière , mais
fans qu’on le ferve de pigeons : c’eft une corneille
qu'on lui donne à tuer au piquet } &
après cela on lui donne plufieurs fois l’efcap au
bout d’une filière mince & courte, jufqu’à ce
qu’on le juge affez confirmé pour le voler pour
bon.
Un mois doit fuffire pour dreffer un oifeau.
Il y en a qui font lâches & pareffeux : d’autres
font fi fiers , qu’ils s’ irritent contre tous les
moyens qu’ on employé pour les rendre dociles.
S 11 faut, abandonner les uns les autres. En général
, les niais font les plus aifés : les fors le
font un peu moins , mais plus que les hagards
qui , félon le langage des fauconniers , font
fou vent curieux , c’eft-à-dire moins difpofés par
leur inquiétude à fe prêter aux leçons.
Soin des oifeaux.
Le foin des oifeaux de proie , étant une partie
principalede la fauconnerie, nous devons en parler
ici. En hiver , il fout les tenir dehors pendant le
jour» mais pendantte nuit, dans des Chambres échauffées.
On les découvre le foirfur la perche î ils y
font attachés de manière qu’ ils ne puiffent pas
fe nuire l’un à l’autre. Le fauconnier doit vifî-
ter & nëtoyer exactement le chaperon , parce
qu’il peut s’ y introduire des ordures qui bleffe-
roient dangereufement les yeux des oifeaux.
Lorfqffils 'font découverts , on leur laiffe une
lumière pendant une heure , pendant laquelle
ils fe repaffent î ce qui eft très-utile à leur pennage.
Pendant l’été qui eft le tems ordinaire de
la mue , on les met en lieu frais j & il faut
placer dans leurs chambres plufieurs gazons, fur
Iefquels-ils fe tiennent, & un bacquet d’eau dans
lequel ils fe baignent. On ne peut pas cependant
laiffer .ainfi en liberté toutes fortes d’ oifeaux.
Le Gerfault d’ Iilande & celui de N o rvè ge ne
peuvent fe fouffrir : ceux de N o rv è g e font médians
, même entr’eux 5 il faut attacher ceux-U
fur le gazon avec des longes, &: les baigner à
part tous lés huit jours.
On nourrit les oifeatix avec de la tranche de
boeu f & du gigot de mouton coupés par morceaux
, & dont on a ôté avec foin la graiffe &
les parties nerveùfes. Quelquefois on faigne des
pigeons 'fur leur viande j mais en général, Ie
pigeon fert plus a les -reprendre, • qu’ à les nom"
F A U
rïr. Pendant la mue , on leur donne deux gorges
par jou r, mais modérées ; c’eft un tems de régime.
On ne leur en donne qu’une , mais bonne,
dans les autres tems. La veille d’une chaffe on '
diminue de beaucoup la gorge qu’on leur donne,
& quelquefois on les cure , comme nous l ’avons
d i t , afin de les rendre plus ardens. Une bécade
de trop rendroit l’oifeau languiffant, & nuiroit
à la volerie. Vers le mois de mars, qui eft le
tems de l’amour , on fait avaler aux faucons des
caillous de la groffeur d’ une noifette , pour fairè'
avorter leurs oeufs qui prennent alors de l ’ac-
croiffement. Quelques fauconniers en font avaler
auffi aux tiercelets , & ils prétendent que cela
les rafraîchit j mais ce remède eft fouvent dangereux
, & - il n’en faut ufer que rarement.
Des d’fférens vols des oifeaux de proie.
Les fauconniers comptent fept vols pour lesquels
on dreffe les oifeaux on va les parcourir
les uns après les autres ; c’eft une des parties
les plus effentielles & les plus a'mufantes de la
fauconnerie.
Le vol pour le milan : On fait fervir les facres
& encore plus les gerfauts à ce vol : ces derniers
font les plus hardis des oifeaux de proie 5
& la force dans cette chaffe n’eft rien fans la
hardieffe.
Quand on veut inftruire les gerfauts pour le vol
du milan, on commence par les poivrer, les chaperonner,
& les dreffer au leurre : on leur donne le
pât deux à deux afin qu’ils fe connoiffent, car il
eft effentiel que parmi ces oifeaux il n’ arrive aucune
furprife, afin de les accoutumer à ne jamais
abandonner leur proie.
Quand l’oifeau commence à être de bonne
créance, on lui fait tuer une poule d’une couleur
approchante du pennage du milan : le lendemain
on fe contente.de l’acharner au tiroir ; enfuite on
lui préfente le milan à terre, après l’av.oir attaché à
la filière, lui avoir émouffé les ferres, & l’ avoir
mis en état de ne point lutter avec avantage contre
le jeune chaffeur.
L e faucon ne tarde gueres à lier fa proie, mais
on l ’empêche de fe paître de fa chair, on lui préfente
une poule. Si l’on remarque qu’il rond
de bonne grâce fur le milan, on monte fur un
arbre ou fur quelqu’endroit élevé , & delà on
abandonne la proie , afin que 1 q faucon en prenne
connoiffance & qu’il devienne oifeau de bonne
affaire.
Il y a des fauconniers qui dans ce vol fe fervent
du duc pour attirer le milan ; c’eft réunir deux
exercices amufans, & les foütenir l’ua pa’r l’autre*
Chasses-,
F A U 193
Le vol du milan eft un grand fpeclacle ,> Par^e ^ue
le faucon y lutte avec un athlète digne de lui.
Le Vol pour le Héron : Il eft le même que celui
du milan : feulement on a foin de ..présenter a
l’oifeau une poule qui foit de la couleur' du pennage
du héron ; & comme la chair de ce dernier oifeau
lui eft falut aire, quand on eft fatisfoit de lui on lui
permet de s’en paître en liberté.
Quand on attaque le héron, il fout être dans
le vent: 8c fi cet oifeau prend m otte, on lui jette un
hâuffe-pied pour le faire monter, enfuite un tom-
biffeur, 8c enfin un teneur : on tire même des coups
de fufil pour accélérer la montée du gibier, v oua
pour ce vol l ’unique fecret des fauconniers.
Il eft un moyen de perfeftionnet \e faucon dans
cet exercice, c’eft de ne le faire voler que de^deux
jours l’ un : le jour du repos, on le fait jeûner ;
mais en récompenfe, le jour du vol il raut lui
faire faire bonne chere. C e _ manège lui rait
connoître la néceffité où il doit être de gagnes;
fes repas.
Le Vol pour la Corneille. On emploie pour ce
vol non-feulement les faucons, mais encore, 11
l’on v e u t , le tiercelet du gerfaut. On affaite ces
oifeaux , 8c le foir à l’heure de leur repas on leur
donne à tuer une po ule de pennage noir, pour
repréfenter la corneille.
On fe fert pour attirer la corneille du meme
artifice que pour attirer le milan ; 8c on tire parti
de l’antipathie que la nature- a donnée à tous les
oifeaux pour le duc, afin de foire tomber la corneille
dans le piège qu’ on lui tend.
Ce vol eft très-facile : fi l’ on veut en faire
durer le -plaifir, on dreffe les oifeaux à foute-
nir ; la corneille vole alors d’arbre en a rb r e ,
& le divertiffement des fpeêlateurs eft prolongé.
Le vol pour la Pie : C e font les tiercelets de
faucon qui font les plus propres à ce vol : on les
affaite à l’ordinaire j quand ils font dreffés, on leur
jétte à propos une pie à la main, après leur avoir
laiffé faire deux ou trois tours : il fout- adroitement
leur donner de la chair de pigeon par-
deffous l’aile de la pie , fans que l’oifeau sap-
perçoive de fon' pennage j car une autrefois cela»
pourrcit lui faire prendre le change.
Quand les oifeaux fe trouvent dans un endroit
favorable au vol de la p ie , on jette d’abord la
tiercelet le plus fage pour conduire les autres
à la chaffe du change : quand il a fait d^ux ou
trois tours , on lui montré la p ie , 8c- après
l’avoir remife, on jette les autres oifeaux, en
leur découvrant auparavant leur proie j enfuite
on tâche'de la leur foire prendre ; 8c quand ils
; réuffiffent , on les nourrit de la chair de pigeo^