
19S L I O
le plus robufte , le plus7 fuperbe, & le plus, formidable
des quadrupèdes.
On rencontre les plus beaux lions dans les dé-
ferts de Zara 8c du Biiedulgérid} c’ eft-là quils
font le fléau des animaux avec qui ils hahitent,
& l’effroi des caravannes qui ofent traverser ces
plaines brûlantes. Mais le nombre en diminue
tous les jours j on ne retrouverôit pas aujourd’hui
dans toute l’Afrique le nombre de lions quel
la Lybie feule fournifïoit autrefois pour lesfpecca-
cles des Romains.
Le lion n’eft point naturellement ennemi del
l'homme, il fe défend contre lu i , mais, il ne.
l ’ attaque pas. On voit avec étonnement^ dans
l’ Inde des femmes & des enfans le mettre en fuite
avec un Ample bâton i, quand il fe jette fur les
troupeaux : il fe croiroit avili , s’il profitoit de la
foiblefTe de fes ennemis.
En- général le lion n’eft pas c ru e l, il ne détruit
que par la néeefîité où. il efe de fubfifter : il
n’en eft pas de même du tig re , du loup | &
d’autres efpèces inférieures 5 telles que le renard
, la fouine , &e. qui , fuivant la remarque
de Buffon, donnent la mort pour le .feul ,plai-
fir de la donner , & dans leurs maffaeres nombreux
femblent plutôt affouvir leur rage que leur
faim.
Le lion libre méprifelesinftiltes d’ennemis peu
redoutables , 6c quand il eft captif, il prend des j
habitudes humaines , obéit à fes maîtres, flatte;
la main qui le nourrit, refufe d’égorger les vie- ■
times qu’on lui prefente , 8c en tout tenus te-,
moigne üfïe fenfibilité que'la moitié de l ’efpèée j
humaine femble avoir anéanti.
Le phyfique dans le lion femble répondre au
moral > fa figure eft impofante ^ fon regard af-
furé ,_Sr fa démarche fière , fa taille' eft bien
proportionnée., i l eft tout nerf & tout mufcle ,
8c réunit la plus grande force à la plus fingulière
agilité.
L’efpèce du lion eft une dès plus nobles , parce ,
qu’elle a des cara&ères diftir.&ifs qui empêchent
qu’on ne la confonde avec celle des autres ani-
'maux. Il y a peu d’êtres für la terre qui femblent
avoir moins dégénéré.
Les lions de îa plus haute taille ont quatre ou
cinq pieds de hauteur ,. ,8c environ neuf- pieds de
long depuis le muffle, jufqu’ à la nâilTance de la i
queue , qui elle-même-en a ordinairement quatre.
La bonne dans toutes fes dinaênfions eft d’environ
•un quart plus petite que le ?/<?«. Sar couleur t f t fauve
fur le dos, blanchâtre1 fous-lé ventre & fur lés
côtés. Le lion porte une crinière d’un poil fort
l 1 o
lifîe a qui couvre toutes les parties extérieures
de fon corps , & qui s’allonge à mefure que l ’animal
vieillit : cette crinière contribue à. lui donner
un afpeél terrible..
Le lionceau nouveau-né eft de. Ia.grandeur d’une
belette j il eft au moins trois ou quatre, ans à;crostre
, 8c vit environ vingt cinq ans.
Le lion eft très-ardent en amour : quand là femelle
eft en chaleur,, elfe eft quelquefois fuiyie de
huit ou dix mâles : il§> fe li vrentalors des combats
furieux comme les ce r fs , mais avec, bien plu^» de
vigueur 8c d’intrépidité.
L’amour maternel, qui n’ eft anéanti dans aucun
animal | a une énèrgie fingulière dans la lionne r
-dès qu’on attaque fes petits, elle oublié fa foi-
blelïe 8c les dangers auxquels elle s’expofe » elle
.fe jette indifféremment fur les hommes 8c îesiarii-
maux,;éçarEe leurs ravifïèurs, ou meurt ,pouf fau-
ver la vie à fa poftérité.
Ce quadrupède fouffre long-tems,la faim r quand
on veutle nourrir, on lui donne par 'jour environ
quinze livres de chair crue} il préfète la chair des
animaux vivaos à d’autres , 8c^ne fe nourrît qu à la
dernière extrémité de cadavres.
Le rugiflement du lion imite les éclats du tonnerre
: il rugit cinq o,u fix fois le jour , 8c plus
fou vent à l’approche d’un orage ; il ne dort pas
long-tems . 8c s’éveille au moindre bruit : fa cour-
fe ne fe fait pas par des mouvemèns égaux, mais
par fauts 8c par bonds ,. 8c fon effor eft fi brufque ,
qu’il paiTe toujours fon but quand il fe jette fur fa
proie. L’éléphant,, le rhinocéros. , le tig re , 8c
. l’hyppopothame,, font les feuls animaux qui aient
la force, 8c le courage de lui réfifteri
Cet animal terrible a une antipathie fingulière
' pour.les ferpens 5 aufli quand les Maures le- rencontrent
dans leurs d é f e r t s 8 c qu’ils font hors
d’état de lé combattre , ils défont promptement
la bande de toile de leur turban., 8c l’agitent
de ,façon qu’ils lui font imiter les mouyemeas du
ferpent :: ce ftratagême l’oblige fouvent à fe
retirer-
Le lion eft naturellement chaffeur , il a befein
de toute fon indufirie pour fubfiftet au milieu de.s
deferts qu’ il a faits.
Il n’a pas cependantofc’odorat aufli parfait &
les yeux aufli bois qûSeilâfplupart des animaux de
proie } c’eft ordinairement la nuit qu’il ,choiftt
pour chaffer >le j.our,vU lumière- fembfel’ incofyim^
der , 8c ii n’apptoche:poiwtdes trqup ea ü x quand, jl.
voit des feiux allumés autour de lejuv . .iple,.
On a çbfetvé .aufli' qu’il fl’éveutp r pas de lu #
t i o
l ’odeur des autreis animaux , & qu’il fie les chafTe
qu’à vue , bon en lès fuivant à la pifte : quand
il peut faifir fa proie, il la mord à la manière
du chien , 8c brife fes os non avec fes griffes ,
mais avec fes dents. Ce qu’il ne prend point du
premier coup , il le'néglige , 8c comme honteux
de les vains efforts ^ il fe retire d’un pas lent dans
les endroits les plus ebfcurs de.la forêt."
Quand le lion a faim , il attaque tous les animaux
qu’ il rencontre} mais comme il eft l’effroi
des lieux qu’ il habite ,, tous évitent fa rencontre,
8c il eft obligé*de-fe coucher 8c de les attendre
au paffage: il fe -.tapit alors fur le ventre ; il s’élance
avec tant de force , qu'il faifit fa proie du.
premier bond: les gazelles 8c les linges n’ échappent
ègiiè.res à fa pourfuite : cependant quand
lès derniers peuvent grimper fur des arbres, ils fe!
-trouvent en sûreté.
Quand l’homme s’eft apperçu que le lion réunif-
foit dans fes chaffes. le courage à l’induftrie, il
s’eft déterminé à le faire dhalfer pour fon profit.
L’hiftoire ancienne fait mention de lions conduits
. à la guerres 8c menés à la chafTe, 8c qiil fidèles
à leurs maîtres , ne déployoient leur vigueur &
leur férocité que contre lès ennemis. Les t Africains
ont eonfervé l’ ufage des^ Romains, 8c iis
tirent dû lion le fervice que nous tirons du chien
8c des oifeaux de proie.
| Quand on veut avoir des lions dans une mé-
nagerie; , il faut d’abord leur procurer la plupart
des’ âlimens dont ils fe rjourriflent dans leur pays
natal : la ménagerie ou le parc doivent êtfe ex-
pofés au midi ,' dans ün; endroit éclairé' des
rayons du foléil , 8c qui ne fort point infèété de
vapeurs humides 8c marécageufes .’ l’endroit doit
être aflez fpaeieux pour, qu’ ils ne. Tentent pas
leur captivité. On les,snourrira particulièrement
de chairde boe u f, 8c cette chair aura , quand on
la leur piréfenterà , (a chaleur naturelle. è
Le lion eft naturellement vorace , 8c mange juf-
qù’ à fariété : lès jours Ou il né prendra aucuiVexercice
3 on le laiifera fans mangèr. Ôn mettra aUffi
dans le^mêmè lieu dës animaux vivans1, tels que de
jeunes taureaux Sc dès-ours, avec qui il puiffe fe
battre ; par cë moyen©n fatisfait fon peiichant tia1
turel, 8c on ranime en lui fa chaleur vitale. Gomme
il eft nécèffaire. que cet animal boive dë^’eau
courante, il feroit à fouhaiter qu’ il y eûr unruiR
feau au milièu du parc ou il eft renferméi Comme
malgré ces précautions \elion peut languir 8c tomber
malade ,'on rétablira fa fanté par le’moyen
d'hërbes ' àpéritives 8c rafraîchiffanfes qii-on laif-
fêra croîtfë' dans le mêmè^-pârç^'telles que la
chicorée', lay pimprenôllè^'vï-a véronique , 8cc.
Elien prétehd1 qüè de meilleur, remède qu’ oh
puiffe lui donner , eft de manger un finge vivant.
E I O '1 9 9
Ces obfervationS, font extraites des éphjmc-
rides d’Allemagne.
De la chajfe du lion.
Le? anciens font'mention de lions domptés 8c
vaincus par les hommes avec les feulesforc.es.de
la■ nature,.*' Alexandre ayant condamné aux bêtes
Lyfimaque , pour avoir aimé Califtènes ; ce héros'
defeend fur ^l’arène , (enveloppe fon bras dans fon
manteau , le préfente à un Lon furieux , 8c ayant
faifi la bêfe par la langue ,• la renverfe mourante
à fes pieds , [trait héroïque dé courage ,-qui lui
rendit l ’amitié de fon prmee, qu’ il n’avoit jamais
mérité de perdre.
Il eft d’autant plus’difficile d’attaquër les lions
impunément dans léur pays natal , que l’habitude
de vaincre, les rend intrépides ,• que n’ayant
jaftiais éprouvé la puiflance de l’homme , ils la
bravent, 8c que le s ' blèffures qu’ il reçoivent les
irritent’ fans les effrayer. Ôn a vu un feul lion du
Biledulgerid , attaquer une caravanne entière ;
8c après un combat opiniâtre , au lieu de fuir ,
fe battre encore en retraite, 8c n’abandonner la
victoire qu’en rendant le ^dernier foupir.
On réuffit cependant à donner la chafTe à ce ro£
des forêts avec des chiens de haute-taille 8e bien
appuyés par des hommes à cheval 3 mais il faut
quë les chevaux 8c les chiens foient bien aguerris }
car prefque tous les animaux frémiffent à fon af>
peêt 8c s’enfuient à l’odeur qu’il exhale. Comme
fa peau eft d’ un tiffu ferme 8c Terré , il eft difficile
de l’entamer avec le fe r , mais, elfe ne réfifte
point à la balle, 8c un tireur adroit pourroit s’exercer
à cette chafTe impunément.
Les Indiens 8c les Nègres ont aufli recours à
l’artifice pour fe rendre maître des lions fans les
tuer ; ils forment une foffe profonde qu’ils recouvrent
de joncs , de feuillages*, 8c d’autres
matières légères , ils placent ,enfuite au-defTus un
animai vivant pour fervir d’appâr, 8c fe retirenc
derrière quelqu’éminence : le lion le jette detout
■ fe poids defon corps fur. fa proie’, 8c tombe dans
la fo ffe } auffi-tôt lesr chaffeurs accourent 8c profitent
des prémiers momens de fa furprife ou
de fa- honte pour le mufeier 8c le réduire en ef-
clavage.
Osfervaùons fur les lions d'Afrique.
Le rugiflfement des lions , dit un voyageur, eft
un cri difgracieüx 8c irrégulier, q u i, fans reffenv
bler au bruit du tonnerre;1,, â cependant quelque
ehofe d’effrayant, fur-tout pendant la nuit.
Nous- fefoarquions aifément à . notre bétail ,
quand il y avoit des lions à proximité , Joiîs
même qu’ils ‘ ne rugiffoient pas '} les ' chiens n’o