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Mais , je le répète , un principe reçu parmi les
chaffeurs d’ours, c'eft: qu’ il ne revient jamais fur
l'homme qui l'a tiré , tant qu'il ne le voit point
courir, ni changer de place.
La conformation de l’ours, qui tient de celle de
l'homme & du finge, en ce que, dreffé fur ces
pieds de derrière , il fe fert de ceux de devant
comme de mains , lui permet d’exécuter certains
mouvemeùs dont les autres animaux font incapables.
Cette faculté , jointe à fa force , à ton
naturel capricieux, & à un certain dégré d'intelligence
, qui le rend fufceptible d’éducation,
donne lieu quelque fois à des fîngulaiités remarquables
de la part de cet animal. Par exemple ,
dans les montagnes du Béarn, on.afïiire que ,
lorfqu'il eft chaffe , il cherche à gagner certains
endroits où la fonte des neiges & les pluies des
grands orages ont formé des amas de pierres ,
appellés en ce pays arrailleres ; & qu’une fois
arrivé là il fait tête aux chiens, qu’ il renvoyé
à grands coups de pierres , & qu'il faut plufieurs
coups de fufil pour ren faire déguerpir. Au refte,
ceci paroît une habitude commune à tous les ours,
& peutn’être pas regardé comme une fingularité, '
mais voici quelques traits particuliers, du genre :
de ceux dont je veux parler.
On lit dans un traité de vénerie ajouté par
Argottede Molina à la fuite de celui d’Alphonfe,
roi de Caftille, qu’à une chaffe où fe trouvoient
l ’empereur Ferdinand I , & Philippe II , roi
d'Efpagne , un ours ayant apperçu un chaffeur
pofté en embufcade, le faifit & le porta fur une
roche élevée , d’où il le précipita & le tua j que
dans une autreoccafion , un de ces animaux ayant,
été détourné dans un bois peu éloigné de Madrid ,
& renfermé dans une enceint-e dont tous les pacages
étoient gardés par des chaffeurs , & quantité
d'autres gens qu'on avoit raffemblés pour cette
chafîe , trouva moyen de forcer l’enceinte , fe défendit
contre des chiens courans, lévriers &
dogues lâchés fur lu i, échappa à plufieurs dards
qui. lui furent lancés & ce qu'il y eut de plus
étonnant, ramaffoit, tout en fuyant, ces dards ,
&; les rejettoit contre ceux qui les lui lançoienc.
J'ajouterai ici -une anecdote plus récente.
Au village d'Arête, dans la vallée de Barétons ,
à huit lieues de Pau > il fe fit, il y a quelques
années , une chaffe où l'ours fut bleffe. Plufieurs
chaffeurs , fans fufil , le fuivoient au fang : ils le
rencontrèrent‘ couché dans une brouffaille, d’où
il fortit pour donner fur eux j il bleffa un homm
e , s’ agraffa à un autre , roula avec lui
fort bas dans la montagfu? , & s'èn fépara par la
chute. Tout cela n’a rien de bien remarquable }
mais le fingulier de l’ aventure , c'eft qu’ un chaffeur
armé ( Pierre Soubie ) érant accouru au fecours
des autres , l’ animal le drelfa fur fes pieds yis- j
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à-vis de lui , & au moment où il le couchoit en
joue pour le tirer, lui enleva fon fufil , & le
jecta à dix ou douze pas.
On ne connoît aucun pays où l’on chaffe
l’ours à cor & à c r i , pour le forcer avec les
chiens conrans j & ,en e ffe t, les lieux qu’il habite
font peu propres pour cette ch iffe. Cependant
elle s’elt pratiquée autrefois , au moins en Efpa-
gne , du temps d’Alphonfe XI , roi de Caftille ,
qui fuivant le traité de vénerie qu’ il nous a
laiffé, paroît avoir affectionné particulièrement
cette ï chafTe , la feule pour ainfi d re , dont il faffe
mention ; car il dit fort peu de chofe de celle
du fanglier , & à peine parle-t-il de celle du cerf.
En lifant les anciens auteurs qui ont écrit fur
la vénerie É on voit que l’ufage de prendre les
bêtes à force de chiens & de chevaux , fans y
employer aucunes armes, n’étoit pas autrefois
auili commun qu’aujourd’hui , même dans les
pays où Légalité du terrein favorife cette chaffe.
La manière la plus ordinaire alors de les chaffer u
foit qu’on les détournât avec le limier , foit qu’ on
chaffat feulem'ent à la trolle , étoit de:placer autour
des enceintes , des veneurs à cheval, armés
de lances, de dards & d’épées, ou à pied avec des
arcs & arbalètes, & en même temps des lévriers
& dogues tenus en laiffe : en d’autres endroits ,
étoient des gens fans armes , dont quelques-uns
avec des tambours & des trompettes, qui n’ étoient
faits que pour renvoyer la bête aux veneurs , à
force de b ru it, fi elle fepréfentoitpour pafl^ k e
leur coté. Quelquefois , venant à palier aux
endroits gardés par les veneurs, elle étoit coiffée
par les lévriers & dogues , & tuée à coups
d’épée & de lance ; d’autres fois , elle n’étoit que
bleffée-, en paffant, d’ un dard ou d’une flèche, &
fou vent s’échappoit fans bleffure. Dans le fécond
cas, oh lâ ch o it, fur la voie de la b ê te , des chiens
courans , que Phébus, comte de F o ix , appelle
chiens pour lt fang, & le roi Modus brachets , pour
la luivre & l’atteindre s'il fe pouvoit: dans le dernier
cas, on n’en faifoit aucune fuite. Mais ce n’eft
point ainfi que le roi Alphonfe chafToit l'ours ;
il le forçoit & le mettoit à mort à force de chiens
& dé relais. Souvent un ours fe faifoit chaifer
deux ou trois jours } la nuit venue , les piqueurs
s’arrêtoient dans les habitations les plus voifines
du lie u , où le jour leur manquoit, recueillant
leurs chiens , dont les plus ardens ne quittoient
fouvent prife qu’après avoir fuivi une partie de la
nuit} & le lendemain , dès la pointe au jour, fe
remettaient en quête de la voie, qu’ils leur fai-
foient reprendre. On trouve , dansje livre du roi
Alphonfe , des récits détaillés de plufieurs chaffes
de cette efpècê} d’une , entre autres , où l’ours
ne fut mis a mort qu’apres s’être fait chaffer pendant
5 jours & 4 nuits : & ces récits font tellement
circonftanciés , que tous les veneurs de
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même plufieurs chiens y font défignés par leurs
noms.
( Extrait de la chaffe au fufil. )
Ours de mer , blancs.
Il ne faut pas confondre Yours de terre avec
Y ours de mer , appellé communément ours de la
mer glaciale ou ours blanc ; ils different pour la
forme du corps & pour les habitudes naturelles.
Ges ours de mer blancs font diftingués des ours
de la même couleur qu’on trouve dans la grande
Tartarie en Mofcovie & Lithuanie , & dans pref-
que tous les pays dû nord : ce n'eft pas la rigueur
du climat qui fait blanchir ces derniers pendant
Thiver, comme les lievres & les hermines} car
ils naiffent blancs & confervent leurs couleurs
toute leur vie.
L ‘ours blanc fe nourrit de poiffon} il ne quitte
pas les rivages de la mer, & fouvent même il habite
en pleine eau fur des glaçons flottans : lorsque
cet animal trouve quelque proie fur terre , il
ne fe donne pas la peine de chaffer en mer, il dévore
les rennes , attaque les hommes, & fouvent
déterre les cadavres.' ■
Il eft à remarquer que Y ours blanc , qui s'eft gîté
fur un glaçon ; & qui a trouvé pendant l'hiver
une fubfiftance abondante, ne l’abondonne pas
au printems , lors même qu'il fe détach'e } il fe~
laiffe emmener avec fon afyle , voyage avec lu i ,
&, périt ordinairement en pleine mer.
On a dit fans raifon que Yours blanc étoit amphibie
} la maniéré de le chaffer démontre le
contraire 5 il eft certain que ce quadrupède ne
fauroit nager de fuite plus d’ une lieue : on le fuit
avec une chalouppev & on le force de lalfitude.
S’il pouvoit fe paffc.r de r e fp 'ir e r il plongeroit
pour fe repofer au fond de l ’eau f mais il craint de
fe noyer en plongeant, & on le tue à fleur d’ eau.
Sa tête eft beaucoup plus longue que celle de
Tours de terre ; fon cou eft auffi plus iong, fon
corps plus délié , plus agile. L'extrémité de fés
piés eft faite à. peu près comme celle des' grands
chiens, & en général cette efpece d’ours eft la
plus grande, & la plus forte.
Chaffe de tours blanc.
La chaffe de Yours blanc fe fait ordinairement
fur la glace : les fauvages s’y rendent armés d’arcs
& défichés, de bâtons ferrés, d’épées & de torches
allumées j ils lui livrent bataille dans le même
ordre que s’ il s’âgifïmt de combattre des hommes:
ces animaux le défendent avec opiniâtreté, &
ordinairement le fang -des vainqueurs,& celui des
Vaincus, coulent enlemble : les fumiges leçono
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folent de leurs bleffures en mangeant la chair de
leur ennemi & en faifant un commerce de fa fourrure.
Lorfque Y ours blanc Te jette dans la mer, les
chaffeurs intrépides, le pourfuivent avec vivacité
, chargent leurs canots fur leurs épaules &
vont d'un glaçon à un autre, au travers de mille
dangers pour empêcher leur proie d'échapper.
OURV AR I-a-moitiê-a-haut, cri des chaffeurs
our forcer les chiens à retourner, & trouver les
outs de larufe d'une bête, quand elle a fait un
retour.
O UTAR.DE , oîfeau de la taille du coq-d'inde,
qui n'a point de doigt de derrière. C'eft le plus
grand des oifeaux connus en France, il pefe depuis
20 jufqu’à 2 y L Sa longueur depuis l'extrémité
de ion bec jufqu'a celle de fa queue, eft depuis
3 piés jufqu'a 3 piés & demi. Le mâle eft
de près d’un tiers plus gros que la femelle.
C e t oifeau a la tê te , la gorge & le cou d'un
cendré clair,fie, dos & les ailes mouchetés de noir,
de fauve, & de rpufsâtre, fauf quelques plumes
qui font blanches. Sa poitrine & fon ventre font
d'un blanc mêlé de fauve. Il a le bec du dindon,
le bas de la jambe nud , & fes piés n’ont que trois
doigts ifolé & fans membranes. Il vit d'herbes, de
navette fur-tout, de foin & de toute forte de fe-
mences j de mulots, de crapauds de grenouilles.
Dans le. fort de Thiver, en tems de neige, il
mange des feuilles de chou & l'écorce des arbres*
Il fe tient dans les grandes plaines rafes, &
loin des habitations ; & fans doute cette habitude
caradcériftique & diftin&ive de l’outarde, eft une
fuite de Tinftinâ: dont la nature a doué tous les
êtres pour leur confervation. Comme elle eft fort
pefante, ainfi que tous les oifeaux qui ont l’aile
courte proportionnément à la girofleur de leur
corps., elle vole mal, & fur-tout ne s'eièye de
terre qu’ avec beaucoup de peine, & après avoir
couru un certain efpace les ailes étendues} en-
forte que, lorfqu’elle eft furprife, un chien peut
l’atteindre & la faifir avant qu’elle ait pu prendre
fon vol ; & c’eft ce qui arrive quelquefois lorsqu’on
la furprend, au point du jou r , en tems de
gelée, par un brouilland épais, c’eft alors, fur-
tout qu’engourdie par le fro id , & les ailes mouillées
par le brouillard,. elle ne s’enlève que très-
difficilement.
L’ outarde pond vers le mois de mai ; elle ne
conftruit point de nid , mais creufe feulement un
trou en terre, & y dépoé»deux oeufs. C ’eft ordinairement
dans les dés , & par préférence dans
les feigles, qu’elle s’établit pour faire fa ponte*
Lorfque Ton veut élever des outardeau-x , on leur
donne pour nourriture de la mie de pain de feigle