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Sur le derrière de remplacement des filets { eft une cabane à demeure & conftruite à chaux
& fable , qui fert à ramaffer tous les uftenfiles
de la chaffe » & d'abri aux chaffeurs dans le mauvais
temps. Dans quelques palomières , au lieu
de cette cabane , le trouve une petite maifon
avec cuifine , chambres à coucher & autres
commodités. Il eft à propos que cette maifon foit
placée à l'écart 3 fur la droite ou fur la gauche,
de manière qu'elle ne puiffe être apperçue des
palomes ; & , pour le mieux 3 qu'elle foit couverte
par des arbres 3 foit qu'ils s'y trouvent
naturellement 3 foit qu'on les y ait plantés
exprès.
J’ai dit plus haut qu'à l'extrémité de la gorge
devoit fe trouver un efpace de terrein uni &
découvert 3 de l'étendue d'environ quatre-vingt
pas. Cette plaine eft ordinairement couverte
de fougère qu’on ne coupe qu-'après la fàifon
des chaffes. Vers fon milieu, un peu fur la
d ro ite , venant de l’or ien t, & à 60 pas en avant
des, filets, fe place la trèpe, l'un des principaux
agens de la chaffe des palomes. On appelle
de ce nom I'affemblage de trois arbres ebran-
ch é s , de la longueur de 80 à 90 pieds, qu'à
l'aide d'un c r ic , on dreffe Sc plante dans des
trous de quatre pieds & demi au moins de profondeur,
en triangle, à la diftance de 18 a 20
pieds l’un de l'autre, & qu'on lie enfuite par
le haut, à quatre ou cinq pieds de leur cime ,
avec une chaîne de fer. L'efpace au-defïiis de la
chaîne fert à conftruire une cabane avec des
branches d'arbres garnies de leur feuillage, où
un homme puiffe fe tenir caché. L'un des trois
arbres eft traverfé , du haut en bas , par des chevilles
de coeur de chêne , qui fervent d'échelons
pour monter à cette cabane. S’il fe trouve fur
le lieu un arbre de la hauteur reqaife , & placé
â propos , on s'eo fert à la place de la machine
que je viens de décrire , & cela vaut mieux.
Lorfque le chaffeur , qui doit être pofté fur
la trepe 3 y eft monté, on le munit , au moyen
«Tune corde qu'il tient, & d’un fac ou panier
attaché à l'autre b out, d’un certain nombre.de
raquettes de bois blanchies avec de la chaux,
d’un pied de lo n g , y compris une queue ou
manche pour les empoigner, & de l'épaineur d'un
p o u c e , ayant à peu près la forme d'un battoir
de blanehiffeufe. Ces raquettes , fisui-
îacre greffier & mal imité , d’un épervier, mais
qui n'en réuffjt pas moins à effrayer les palomes,
«ont cet oifeau eft la terreur, font appellées
en bézinois^ matous. L’ufage que jè chafle ur doit
en faire , eft de les lancer fortement vers les
bandes de palomes, lorfqu'elles paffent à fa
proximité, dirigeant leur vol vers les filets,
plutôt loxfQuJelIes font élevées ai#deffus’ de la
trepe , & plutard, lorsqu’elles fç|it à fa hauteur.
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Plus loin, dans les parties les plus élevées de
la g o rg e , font établies par intervalles , à droite
& à gauche, quelques cabanes feoeblables à
celle de la trepe, fur des arbres qui fe font
trouvés placés à propos, ou qu'on y a autrefois
plantés à deffein. Ou appelle ces cabanes battes.
Il n'y a pas de ptlomière qui n'en ait au moins
quatre avant la trèpe, & quelques-unes en ont
jufqu'à dix. Elles font occupées par d'autres
chaffeurs également munis de raquettes 5 m lorf-
qu'une volée de palomes paroît dans la gorge
il les effrayent , en leur jettant une ou deux ,
8c quelquefois davantage de ces raquettes, tantôt
devant elles , tantôt à c ô t é , ce qu’on appelle
les battre fur V aile , tantôt derrière,, ce qui Te
dit les battre en . queue. .Si elles volent trop haut ,
les raquettes lancées vers elles les font baiffer
& fondre quelquefois jufqu'.à terre. Si^ l'effroi
qu’elles leur caufent les fait s’écarter à droite
ou à gauche de la gorge , par cette manoeuvre
bien entendue , elles font ramenées & contenues
dans la direction «des filets. C ’eft ainfi que les
chaffeurs des cabanes fe les renv.oient de l’un
à l'autre , en s'avertiffant progreffivemeht, du
premier au dernier, du vol bas ou élevé des
palomes 5 quelles arrivent à tel endroit, qu’elles
s'écartent de tel ou tel c ô t é S e c . C'en: celui
qui vient de les battre qui parle j celui qui
fuit garde le filence0 jufqu'à ce qu'il les ait
battues à fon tour. Elles arrivent enfin fur la
place où eft la trepe : le chaffeur hutté dans cet
arbre eft le dernier qui les bat 5 & ce pofte doit
être occupé par un homme exercé & intelligent :
c’eft lui qui, par forf jeu , doit précipiter les
palomes dans les filets j & pour ce la , il faut
qu'il les faffe fondre, prefque jufqu'à terre. Mais
s’il les à- précipitées trop t ô t , elles fe relèvent
& paffent par deffus les filets : fi , au contraire,
il les a_ battues trop tard, elles ne fondent qu’a-
près avoir paffé les filets* Le chaffeur de la trèpe
ne doit jamais battre les palomes qu'en queue.
Outre les chaffeurs des arbres, il y en a encore
quelques autres poftes à terre dans des ea-„
banes couvertes de fougère, fur les coteaux qui
forment la gorge, à une certaine diftance les, uns
des autres. Ceux-ci , qu'on nomme ckatars , font
munis d'un bâton de iix à fept ..pieds, garni en
haut de grandes plumes, d'oie blanches fichées
en travers , ou au défaut de ces plumes, d'un
linge blanc. Lorfqu’ils apperçoivent des palomes
qui «'écartent de la; direction des filets , en fe
jettant d'un côté ou de 1 autre de la gorge , ils
courent à l'endroit où elles font min« de vouloir
paffer, en agitant avec violence cetMpouvantail,
& ordinairement ils parvieunent à-les détourner,
8c à leur faire prendre la route des „ filets. Par
ce moyen, on prend foùvent des volées de
palomes, qui a.ur oient paffé fort loin des filets ,
ü on les eût laiffées tranquilles. On voit par cê
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détail , quô ces fortes de chaffes exigent beaucoup
de monde: on y emploie depuis douze jufqu'à
vingt-quatre chaffeurs ; ce qui dépend de
l’étendue &: de la difpofition des lieux.
Il «e faut pas croire aux relations exagérées
qu’ on entend faire quelquefois à des perfonues
mal inftruites, de la chaffe des palomes. Suivant
ces relations, il s’en prend très-fouvent
plufieurs centaines d’un conp de filet. La venté eft que les bandes de ces oifeaux font de 15 ,
2 0 , 3 o , quelquefois de fo , 8c rarement de cent,
dont quelques-uns s'échappent le plus fouvent,
lorfque la bande vient à donner dans les filets.
La chafle des palomes fe fait toute la journée.
Elle eft très-amufante les jours où il y a beaucoup
de paffage ; mais il fe rencontre auffi certains
jours où elle eft fort ennuyeufe , & où
de 50, volées qui paffent, il ne s en prend pas
Une. Un temps fombre 8c froid eft le plus favorable;
les jours clains 8c fereins , les palomes
fe , prennent plus difficilement. La pluie ne^n-
pêche point de chaffer ; mais s il s eleve un graftd
v en t , on ceffe la chaffe , & les filets fe mettent
bas.
Ces chaffes occafionnent fouvent des parties
de plaifïr, fuivies de repas champêtres fous une
loge de feuillages ; repas dont les palomes , mifes
à la broche en fartant du filet, font les principaux
frais , & qui font affaifonnés de toute la
gaieté naturelle aux habitans du pays. Cette
même gaieté anime fingülîèrement toutes les manoeuvres
, les cris 8c les fignaux des chaffeurs;
ce q ui, joint à quelque chofe de grand & d’im-
pofant que préfente l ’appareil de. cette chafle,
produit une fenfation raviffante chez tous ceux
qui la voient pour la première fois.
Il fe prend des bifets , plus ou moins, dans
toutes les palomières, en même temps que des
palomes ; cela dépend de l’élévation du terrein.
Il s’eJT prend très-peu dans celles qui font fituees
fur de hautes montagnes ; & au contraire, dans
celles qui font baffes, il fe prend beaucoup
plus de bifets que de palomes. 11 eft bon d’ ob-
ferver que le nom de palomierene fe donne qu aux
chaffes où il ne fe prend que des palomes, 8c
quelques bifets feulement de temps en temps ;
& que celles où il ne fe prend que des bifets ,
point ou très-peu de palomes, font appelleeS
pantièfes* La difpofition des pantièreseft h même
que celle des palomières , excepté qu’qn n'y emploie
au plus que huit filets, qu'on ne s'y fert
point dé filets en cage., & qu'on petit s y paffer
de cette fécondé rangée d'arbres au devant des
file ts, attendu que les bifets ont la vue moins
fubtîle < que 'les palomes.
Il y a une manière de chaffer les bifets feu-
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lement, qu*on appelle chaffe à l* appeau , pour
la diftinguer de celle connue fous le nom de
chaffe à la force, & parce qu’on y emploie des
bifets vivans pour attirer ceux qui paflent vers
les filets. Il n'eft pas aéceffaire, pour la reuilite
de ce lle -c i, quelle fe faffe dans une gorge : elle
peut fe faire en plaine , en choififfant un endroit
où les bifets paffent le plus fréquemment, pourvu
néanmoins qu'il s'y trouve une fonte ou pente
derrière les file ts , & au couchant ; ce qui felt
abfôlument indifpenfable. Voici quel elt 1 appareil
de cette chaffe.
Il lie faut que quatre filets , ou tout au plus
fix ; 8c il n’eft pas befoin d’une fécondé rangée
-d’arbres pour les mafquerr On élève , fur la place
qui eft au-devant des filets, deux trépieds fejn -
bkbles de tout point à celui de la chafle des
palomes , & avec des cabanes pour y poiter des
chaffeurs. Ils font placés à droite & a gauche,
à 6g pas des filets , 8c reculés de quelques pas
fur les côtés. On bâtit de même fur le lieu une
cabane à chaux 8c fable , pour y refferrer les
filets & autres inftrumens de chaffe , au devant
de laquelle on en forme une autre avec des
branchages , affez fpacieufe pour y placer une
tablef de 10 ou 12 couverts, pour des occalions
o ù , comme je l’ai dit ci-devant, il prend envie
aux curieux des environs de venir s égayer a.
cette chaffe. On laiffe à cette cabane de branchages
une ouverture ou petite porte, du cote
par où viennent les bifets ; & à deux ou trois
pieds de diftance , on forme avec des pieux de
fa longueur de huit pieds , piqués en terr®
demi-cercle, unë°èmparence , ou haie , femblame
à celle dont j’ai parlé pour la chaffe des
palomes , fi ce n'eft qu'elle eft unique & beaucoup
plus étendue , ayant 18 °û 2.0 pieds de
contour. Cette haie do.it être à la hauteur des
yeux du chaffeur , 8c l ’on y pratique encore de
petites ouvertures, par lefquelles il peut voir
venir les bifets, faire mouvoir les appeaux, 8c
fai Tu; l’ inftant de lâcher les filets à propos. Cela
f a i t , le chaffeur élève , à 30 pas de cette empa-
rence , une petite motte de terre d un pied de
h a u t & d’environ quatre pieds de circonférence
, pour y placer un appeau fur une palette.
Mais , avant d’aller plus lo in , il eft à propos
d’expliquer ce que c’eft que cet^appeau, 8c la
palette fur laquelle il eft pofé. L appeau elt un
bifet aveugle , & l ’on appelle palette ou chemere
d’appeau , un bâton de quatre pieds de long , de
la groffeur du doigt du milieu , perce a une de
fes extrémités de cinq trous , diftans d un pouce
l’ un de l’autre ^ dans lefquels fe paffent cinq
petites traverfes, qu’on entrelace de menus
o fiers ; ce qui forme une efpèce de raquette ou
palette „ d’où l’inftrument a pris fon nom , 8c
fur laquelle doit être pofé le bifet aveugle, qui
v eft contenu pat les jambes avec deux petites
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