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brouffaille ou dans les pierres d’ un rocher, n’en
veut plus fortir, à moins qu’on ne 1-en chaffe à
coups de fouet : auffi dans un défaiit ett-ij nécef-
fa^re de bien prendre fes devans, 8c de ne pas
s’écarter beaucoup de l’endroit où les chiens font
tombés à bout de v o ie , ou en défaut ; quoiqu’ il
arrive néanmoins quelquefois qu’ un chevreuil ,
après avoir fait fes rufes, faffe une pointe, 8c
perce à deux lieues de-là. Quand il eft fur* fes
fins , il perd la tê te , & fe relaiffe dans tous
les endroits où il s’imagine n’être pas apperçu.
I l entre quelquefois dans les jardins, 8c dans les
maifons : on en a pris dans des étables, au milieu
des vaches.
Il eft allez difficile de forcer uw chevreuil 3 &
l ’on n’ en prendroit pas tan t, s’ ils n’étoient pas
quelquefois furpris, & portés à terre par lés
chiens , qui à un retour fe trouvent fur leur
paffage , ou les gagnent de v îteffe, ou bien les
îurprennent relaiffés & les étranglent.
La prife, la mort, 8c la curée du. chevreuil fè
font de la même manière que celle du cerf. C e pendant
, comme la chair du chevreuil, eft plus
délicate & meilleure à manger, fou vent on ne'
donne aux chiens, quelles dedans , avec le fang
& du la i t , dans lefquels. on jette des morceaux
de pain , pour lefur faire une moule. I f eft à; pro
pos néanmoins de leur laiffer quelquefois manger
en entier, fur-tout aux jeunes chiens , pour les.
mieux mettre dedans^, & les accoutumer à)préférer
le chevreuil à tout autre animal; car ce n’ eft
que l’appât de la proie qui les engage à chaffer.
On reconnost qu’ un chevreuil eft mal mené , &
qu’il fe rend, Lorfqu’ il n’appuie plus que du talon,
qu’il.donne par-tout des os.en terre, qu’il fe méjuge,
que fes allures font tout à fait déréglées , qu’il
raccourcit fes randonnées , enfin: qu’ i l pera la
tè te , & ne fait plus ce qu’il fait. Dès que le
Chevreuil eft m ort, il faut lui couper les teflieules,
fur tout fi l’ on veut en manger : car fi l ’on man-
quoit à lui faire cette opération, il fentkoit le
bouc & la fauvagine au point de ne pouvoir en
goûter. Il faut bien auffi fe donner de garde d'en
laiffer approcher quelque fille ou femme dans un
tems critique : car il y en auroit beaucoup qui le
feroient tourner fur le champ.: dans la minute fa
chair devient vjolette et molle , 8c jl faut la
jetter.
Les chaffes du Chevreuil ne font pas pour l’ordinaire
bien fatigantes; ainfi on peut le chaffer
deux ou trois foi? par femaine avec le même
éq u ip é e ,
Voye% planche i des Chaffes du tome- IX des
gravures des Arts 8ç Métier? 8c l ’explication à la
CHE
j Lès hommes, les i chiens & les loups font les
grands ennemis du Chevreuil, & ils en détruifent
beaucoup, fur-tout dans le mois de mai : quand la
mere voit fes faons en danger, elle fait volte-face
8c fe fait chaffer pour eux ,, mais fa tenckeffe ordinairement
la fait périr fans qu’elle . fauve fes
petits.
Il eft difficile d’apprivoifer les Chevreuils ; ils
font très-délicats fur le choix de leur nourriture,
il leur faut des femelles 8c un parc de plus de cent
arpens pour qu’ils foient à leur ailé; 8c malgré
toutes ces précautions, au lieu de vivre quinze
ans ils n’ en vivent que cinq ou fïx. Quelque
privés qu’ ils, foient, il faut s’en défier ; les mâles
fur-tout font fujets à des caprices dangereux ; ils
prennent certaines perfonnes en averfion, alors
ils s’élancent, leur donnent des coups de tête
affez forts pour les renverfer , 8c les foulent
encore avecles pieds, quand ils les ont renverfés.
La chair du chevreuil eft excellente à manger ;
* mais il y a beaucoup de choix à faire ; les bruns
ont la chair plus fine que les roux ; tous les mâles
qui paffent deux ans font durs, & de mauvais
goût. Les chevrettes ont la chair plus tendre,
& elle n’eft parfaite dans les faons que quand
ils Ont un an ou dix-huit mois.
Les chevreuils de pays de plaine ne font pas
\ bons > ceux des terreins humides font encore plus
i mauvais ; ceux qu’ on élève dans les parcs ont
peu de g o û t , & ceux que l’on prend après qu’ils
ont été courus , ont la chair infipide 8c flétrie ;
' il n’y a de bons que ceux- des pays fecs 8c élevé s ,
! 8c qui ont autant d’air , d’efpace, de nourrriture
8c même de folitude qu’ils en ont befoin.
Le chevreuil eft plus, commun en Amérique
qu’enEurope : celui de la Louifiane eft plus grand
que celui de France, 8e les hâbitans s’en fervent
; comme nous du mouton,
Cet animal fé chaffe avec des chiens courans
d’entre deux tailles bien râblés : lesclabaucs y font
peu utiles , parce qu’ ils rebattent les voies]
plufieurs fois * on rejètte auffi les demi-mâtins,
parce que quand ils tournent , c’eft toujours hors
de la voie , 8e en prenant le grand tour.
Ceux qui ne veulent pas avoir l ’embarras d’ une
meute fe contentent pour cette chaffe d’une rufe
très-fimpte ; ils imitent le cri du faon lorfqu’ il
marque à fa mère le befoin qu’ il a de nourriture :
ce cri eft- m i, mi. La chevrette, trompée par
l’appeau, arrive alors jufques fous le fufil du
chaffe un
La chaffe aux chiens courans eft plus tumul-
tuetife, plus- difficile 8c plus amufante. Elle doit
plaire
C HE
plaire d’autant plus que le chevreuil eft.pluS; rufé ; j
en effet, cet animal n’ attend pas, pour recourir
à fes artifices, que la forceiui manque ; 'dès qu’ il
fent que les premiers efforts d’une fuite rapide
ont été fans fuccès , il revient fur fes pas , retourné
, réviènt encore; 8c lorfqu’ il a confondu
par fes mouvemens oppofés la.direélîon de l’aller'
avec celle du retour, lorfqu’il a mêlé les éma-,
nations préfentès avec les émanations, paffées,
il feYépare de la terre par un bond, 8c fe jettant
à c ô té , fe met ventre à terre , 8c laiffe fans remuer
, paffer près de lui la troupe entière de fes
ennemis ameutés.
On ne doit point s’expofer témérairement à la
furie d'un chevreuil. M. de Buffon vit un jour
un de fes amis tirer un coup de fufil fi adroitement,
que.la balle coupa net l’ un des côtés du refait
de la tête naiffante d’ un chevreuil ; l’ animal fut fi
étourdi du coup, qu’il tomba comme mort ; le
tireur qui étoit proche fe jetta fur lui 8c le faifit
par le pied ; mais le chevreuil ayant repris tout
d’un coup le fentiment 8c les forces , l’entraîna
par terre à plus de trente pas dans le b„ois ,
quoique ce fût un homme très-vigoureux ; 8c il
ne lâcha prife que quand on l’eût achevé à coups
de couteau.
CHEVROTAIN . f. m. Petit quadrupède de .la
Zone torride, qui reffemble au ce r f par la figure
du mufeau , par la légèreté du. corps 8c par la
formé des jambes ; mais il en diffère prodigieufe-
înent par la petiteffe de fa corpulence , le plus
grand chèvrotain n’étant tout au plus que de la
grandeur du lièvre ; d’ailleurs, il ne. porte point
de bois fur là tête.
Il y a une autre efpèce de chèvrotain qui porte
des cornes qui n’ont qu’ un pouce.de longueur
8c autant de circonférence. : ces cornes .font creu-
fes , noirâtres , un peu courbées, fort pointues ,
& environnées à la bafe de trois ou quatre anneaux
tranfverfaux,
Ces animaux font d’une figure élégante 8c très-
bien proportionnée dans leur petite taille; ils font
des bonds prodigieux ; mais apparemment ils ne
peuvent courir long-temps ,>car les indiens les
prennent à la courfe. Les nègres les chaffent de
même & les tuent à coups de bâtons, ou de
petites zagayes; on les cherche beaucoup ,. parce
que leur chair eft excellente à manger.
Ceux que les nègres appellent rois des cerfs
ont tant de légèreté , qu’ ils fautent par-diffus, une
muraille qui'a douze pieds de haut.
Ceux qui font fur la ,côte d’Or n’ont que ,huit
a neuf pouces de hauteur, & leurs jambes ne
plus groffes que le tuyau d’une plume
Chasses',
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ordinaire. Rien n’ efl plus mignon 8c plus careffant
qué ces animaux; mais ils font fi aélicats qu’ ils
ne peuvent fouffrk la .m e r , fk les européens
ne peuvent venir, à bout de les tranfporter dans
nos climats.
C e font les pieds de ces petits chevrotains que
les indiens enchâffent dans de l’or , ou garniffent
de petits fers d’o r , pour en faire préfent aux
amateurs de.curiofités naturelles. .
Les chevrotains font en grand nombre aux Inde?,
à Java , à Céylan , au Sénégal , à Congo 8c dans
tous les autres pays exceffivement chauds; mais
on n’en trouve point en Amérique, ni dans aucune
des contrées tempérées de l’ancien Continent.
CH IE N , f. m.-Animal quadrupède, lê plut
familier de tous les animaux domeftiques , ayant
pour caractère fix dents incifives à chaque mâchoire,
quatre doigts onguiculés aux pieds de
derrière 8c cinq à ceux de devant. Le chien , indépendamment
de la beauté de fa forme , de fa%
v iv a c ité , de fa fo r c e , de fa lé g è re té , a par
excellence, dit Buffon , toutes les qualités intérieures
qui peuvent lui attirer les regards de
l’homme. Un naturel ardent , colère , même féroce
& fanguinaire rend le chien fauvage, redoutable,
;à tous les animaux , 8c cède dans 1 q chien
domeftique aux fentimens les plus doux, au plai-
fir de s’attacher . & au defîr de plaire. 11.vient
en rampant mettre aux pieds de fon maître , fon
courage , f i force , fes talens ; il attend fes
ordres pour en faire , u fage; il le confulte, il
l'interroge , un coup d’oeil fuffit, il entend les
lignes de fa volonté ; fans avoir comme l’homme
la lumière de h penfée , il a toute la chaleur
du fentiment, il a de plus que lui la fidélité, la
confiance dans fes affeélions : nulle ambition , nul
intérêt, nul defirde vengeance, nulle crainte
que celle de, : dé pl a ire , il eft tout z è le , toute
ardeur , toute obéiffance : plus fenlîble au fou-
venir des bienfaits qu’ à celui des outrages , il ne
fe rebute pas par les mauvais traitemens , il les
fu b it, les oublie, ou ne s’en fouvient que pour
s’attacher davantage : loin de s’ irriter ou de fuir s
il s'expofe de lui-même à de nouvelles épreuves,
' il lèche cette main infirmaient' de douleur qui
vient de le. frapper , il ne lui oppofe .que la
plainte & la déforme enfin par la patience & i la
foùmilfion.
Plus docile que l’homme, plus fouple qu’aucun-
de? animaux , non feulement le chien s'infirûit *
^en psq de;tems., mais même i i fe conforme aux
mouvemens., aux manières-, à toutesr les habitudes
de ceux qui lui. commandent, il prend le
ton * de la maifo i qu’il habite : comme les1 autres
domeftiques , il eft dédaigneux chez les Grands &
ruftre à ,1a campagne. Toujours emprefie pour-
R