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J ’y affermir & lui apprendre à fuivre jufte ; quand
il refte ferme dans la: voie , on raccourcit le trait
juiqu’à la plate-longe pour le bien carèffer ; il faut
enîuite détourner des animaux & les lancer, pour
liii donner du plaifir 8c le faire jouir : on ne doit
pas lui donner de trop longues fiiitv-s , parce que
n’étant pas encore en v ig u e u r il.p o u r r a it s 'e ffiler.
l e veneur doit donc étudier les forcés de
fon chitn, pour ne le faire travailler qu’en con-
leqiience 5 les longues fuites d'ailleurs pourrôièm
le rebuter : trop de jouiffance mène à la fatiété ,
la fatiété à l'indifférence 8c au dégoût.
'Si un limier qu’on dreffe pour le c e r f , fe rabat
d ’un animal d efpèce différente, il faut le retirer
des v o ie s , le gronder & lui donner un coup de
trait 5 on ne doit cependant pas le corriger rudement
les premières fois qu’on le mène, & fur-tout
éviter de le corriger avec humeur, parce que l’on
pourroit le rebuter 8c n'en plus tirer aucun parti 3
fi le chien eft craintif far-tout, il faut le corriger
avec beaucoup de précaution : il y auroit de la
brutalité à corriger un chien à coups de pied 3
quand le trait nefuffit pas , on peut fe fervir d'une
gaule.
Lorfqu’un lim'er commence à fuivre, on doit
é v ite r , autant qu'on lelpeut, de Jui laiffer voir des
animaux & d’aller au v en t, parce qu’il s'accoutu-
meroit à aller le nez haut, 8c pafferoit par-deffus
les voies fans s’en rabattre. On ne doit, donc le
laiffer fuivre , que lorfque les animaux ont la tète
couverte , ou du moins quand ils font affez éloignés
jou r que le ckien ne puiffe pas les voir 3 fi
en allant devant, le chien va le nez haut, il faut
l'arrêter en lui donnant un coup de trait.
Quand on commence à mener un limier, il faut
le laiffer crier dans les voies , s’il en a envie 5
mais lerfqu'îl eft bien dedans , Se qu’ il fuit avec
ardeur, il faut, quand il c r ie , le retenir & lui
donner quelques faccades 8c même quelques coups
de trait : on le careffe s'il s’appaife 5 mais on continue
8c même on redouble la correction , s'il ne
ceffe pas de c r ie r , parce qu'il eft-abfolument né-
ceffaire qu'un limier foit fecret. Lorfqu’il-.eft en
vigueur, un des plus sûrs moyens pour parvenir,
à le rendre-fecret, c’ eft de lu f donner de longues•
fuites, tant au droit qu’ au contre-pied : lçs fuites
au contre-pied ont le double avantagé , dé calmer
fon ardeur-& de lui rendre lè nez plus fin 3 il ne ■
faut cependant pas lui laiffer fuivre des voies trop
vieilles, parce qu’eneontraChnt cette habitude,'
il pourroit bien négliger 8c fur-aller les voies de
bon tems. Lors donc qu’on s'apperçoit qu'un
limier remontre ou fe rabat de voies un peu
vieilles , comme celles du relevé ou celles qui
font réchauffées par le foleil, on doit l'en retirer :
pourvu qu'un limier fe rabatte de voies de trois
ou quatre heures, tout au plus, c'e# tout ce
qu'on peut exiger de lui.
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Il eft néceffaire qu’ un limier fâche fe rabattre
également au droit 8c au contre-pied , 8c fuivre
l’un 3c l’autre félon la volonté de ton maître 3 il
faut que le jeune chien y foit accoutumé dès les
premiers tems qu’ il commence.'à travailler5 &
..pour cela , lorfqu’ il fe rab a t, on le laiffe aller au
bout de fon trait., on l’arrête bien ferme dans la
voie , puis oh le; fait revenir pour fe rabattre également
du côté, oppofé 3 pn l'arrête de mêmè, &
on le careffe- bien, pourvu qu’ il foit arrêté bien
ferme dans la voie : cètté manoeuvre eft très-né-•
ceffaire, & demandé à être fuivie exactement. Il
ne faut pais que le limier tire trop fur fon trait en
allant devant , parce qu’ il s’effoufleroit & ne pourroit
pas fe rabattre ; pour réprimer fon ardeur , il
faut l’arrêter de tems en tems par une légère fac-
cade : il eft à defirer qu’ il aille naturellement au
bout de fon trait, qui ne doit être tendu qu’alitant
qu'il le faut pour qu’il ne traîne pas à terre.
On doit donner au limier lè tems de mettre'le
nez à terre, de tâter aux chémins & aux’ coulées,'
8c par conféquent ne le ppint trop- preffer , pour
qu'il puiffe fe rabattre 5, mais il y a un défaut oppofé
contre lequel on doit fe tenir en garde j c’éft
que fouvent il s'amufe à flairer tout ce qu’il rencontre,
& , alors, au lieu de travailler franche-
ment, il.ne fait que muloter 8c perdre du tèms.
Quelques difpofîtions. qu’ait un .jeune ckien 3 il
ne péut être, dreffe qu'après avoir été mené régulièrement
pendant un àn, une’ bu dèux fois la
femaine : tel chien travaillera bien pendant l'hiver,
8c quand la terre fera bonne , qui fêta des fotrifes
8c fur-àjlera dans les chaleurs 8c quand il fera fec.
Un veneur ne peut donc connoître fon chien 3 8c
y avoir un peu de confiance, que quand il l'aura
travaillé dans toutes lè sfaifo ris , 8c qu’il l'aura
éprouvé dan$ différentes circonftances. Un limier
commencé après le ru t, ne peut être vraiment
dreffe que pour le fecohd été , qui eft encore néceffaire
pour le bien confirmer. S'il eft arrivé que
par un beau re voir , on ait laiffé courre avec des
limiers qui n’avoiënt pas plus de trois ou quatre
-mois de leçons, on né-doit pas moins être en
garde fur les rapports que l’on pourroit être tenté
5de faire , en fé‘ laiffarit prévenir pour un jeu: e
>chien oui montre «des. difpofîtions 5 plus d’un \:-
det de limier , de bonne fo i , conviendra qu’il en
a été la dupe.
Il faut être déjà bien inftruit.foi-même pour
avoir le talent de bien dreffer un limier 3 & l’ôn
ne parvient à l'un & à l'autre , qu’en fe donnant
beaucoup de peine. On'ne doit pas fe croire fort
habile peur a^ôir fait quelques laiffez-coiirre,
auxquels le hafard aura peut-être .eu beaucoup de
part. Celui qui ale plus d’expériènee, eft toujours
celui qui eft le plus réfervé 8c le plus circonfpeift
dans les rapports qu’ il foit.
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29. On peut, à la vérité , faire Un bon limitr
d’un chien de race de chiens courans ; mais il n'en
eft pas moins prouvé q ue , pour un ,de ceux - ci
qu'on parvient à bien dreffer, on eft obligé d’en
abandonner plufîeurs autres après beaucoup de
peine 8c de travail. La raifon en paroît d'autant
plus fimple, que le chien courant eft fait pour
chaffer & pour crier, & que le limier eft fait
pour travailler à la main, 8c pour ne pas donner
un coup de gueule. Il eft vrai qu’en dreffant un
ckien courant pour limier, on p eut, en le corri
géant, lui faire perdre l'habitude de crier 5 mais !
en fuppofant qu’ on réufliffe à le rendre fecret, il
lui faut encore beaucoup d’autres qualités, que
pour l’ordinaire on ne trouve réunies que dans
un chien de vraie race de limier. On doit donc
avoir 8c conferver dans un équipage, des chiens
de cette dernière efpèce, & autant qu’i l e f t pof-
fible, en élever affez pour ne pas être obligé d’en
mettre d’autres à la main.
On a fait autrefois de très - bons limiers de
quelques chiens de Saint - Hubert 3 ainfi que de
certains chiens à gros p o il, dont on s’eu fervi
long-tems dans la vénerie-, mais foit que ces deux
races aient dégénéré , ou qu’on n’ait pas eu l’attention
de les conferver, on ne trouve plus de
limiers femblables dans aucun équipage. Ceux qui
fervent actuellement pour les meutes, viennent
ordinairement de Normandie : dans le nombre de
ces chiens , il y en a de noirs , mais ils font plus
communément gris , non pas d’ un gris poil de
lièvre comme les chiens Tartares , mais d'un gris
tirant fur ie brun. Les noirs font marqués de feu
& ont aufli du blgjnc fur la poitrine. Comme des
uns & les autres reffemblent beaucoup à c:u-x
qu’ on voit repréfentés dans les anciens tableaux
& fur les vieilles tapifferies , on pourroit croire ,
& il y a même apparence , que les deux races de
chiens noirs 8c gris, dont il a été parlé ci-devant,
ont été croifées, 8c que des deux il s’en eft formé
une qui s’eft confervee jufqu’à préfent ; ce qu’on
peut certifier, c’eft que la race exiftante eft li ancienne
, que les plus vieux veneurs, tant de Normandie
que de ce pays c i , difent que leurs anciens
même h’en connoiffoient pas l’origine. Les limiers
d’aujourd’hui font des chiens de vingt à vingt-deux
pouces 5 ils font épais, ils ont la tête groffe &~car-
rée , les oreilles longues 8c larges, les cuiffes 8c
les reins bien faits 3 ils font vigoureux 8c ont le
nez très-bon ; ils ont enfin toutes les qualités qu’ou
peut demander à des chiens de cette efpèce 3 ils
font hardis 8c même méchans. Un valet de limier
■ de la vénerie , étant un jour au bois, voulut en
corriger un 3 il lui donna quelques coups de trait
fur le dos. Le chien ne fè trouvant pas d’humeur
à recevoir patiemment la corre&ion, revint fur
fon maître , lui mit les deux pieds de devant fur
la poitrine, & lui montra les dents de façon à
lui prouver qu’il étoit dans la difpofition prochaine
C h a s s e s .
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d’ en faire ufage : le valet de limier ne voulant pas
en courir les rifques, prit le parti de la douceur ,
& carreffa fon chien 3 q u i, moyennant c e ia , retourna
de lui-même à fa befogne. On c ro it, fans
peine, que depuis cette époque , ce valet de limier
n’a corrigé fon chien qu'avec précaution. Ces limiers
font aufli fort mechans entr eux , & font fi
acharnés en fe battant, qu'011 eft fouvent obligé
de leur fourrer un bâton dans la gueule pour les
féparer : comme plufîeurs ont. été étranglés dans
le chenil avant qu'on ait pu leur donner du fecours,
on prend , depuis quelque tems , le parti de leur
caffer les crocs , quand on les met dans.1 équipag *
Des chiens coumns.
Il paroît que l ’on ne connoiffoit anciennement,
en France, que deux efpèces de chiens çourans,
toutes les deux venues de Saint-Hubert} l’une de
chiens noirs, l'autre de chiens blancs. Les chiens
noirs avoient les jambes 8c le deffus des yeux marqués
de fc-u , quelquefois un peu de blanc fur la
poitrine./Çes chiens .étaient de moyenne taille,
longs, 'peu corfés 8c peu vigoureux }, ils- étoient
fages& juftes à la v o ie , mais point entreprenant,
ni hardis dans le change 3 ils étoient meilleurs à la
main quehars du couple. Les chiens blancs étoient
plus vîtes 8c plus vigoureux, mais moins fages.
Saint-Louis ramena de Tartarie une troifième race
de chiens gris : ces chiens étoient d'un gris poil dé.
lièvrei ils étoient hauts fur jambes, avoient les
pieds bien faits & de grandes oreilles 3 ils étoient
beaucoup plus vîtes que les chiens roirs , mais ils
n’avoient pas le nez auffi fin 3 ils étoient d'ailleurs
'entreprenans 8c même fougueux.
Il s'eft formé depuis une autre race qui a été
confondue dans, la racé des chiens blancs de Sainte
x Hubert : Louis XII fit couvrir une braque d’ Italie
par un de ces derniers 5 * cette race nouvelle fe
nomma chiens-greffiers, parce que la chienne appar-
tenoit à un des fec-rétaires du ro i, qu on appelbit
alors greffiers. La maifon & Je parc des^ Loges -,
près Saint-Germain, furent bâtis pour élever 8c
entretenir cette nouvelle race, qui reuniffoit toutes
les autres qualités des autres efpèces de chiens courans
, fans en avoir les défauts 3 ils étoient communément
tout blancs , avec une marque fauve,
fur le corps. Il eft aifé de voir que nos chiens cou-_
rans d'aujourd'hui font un mélange de ces differentes
races.
Pour qu'un chien courant ait en meme-tems tic
| la nobleffe & de la vigueur, il faut qu’il ait à-peu-
près vingt-trois pouces 8c peu au-deffus. Une 1 meute compofée de chieks de la taille de vnigt-
i cinq pouces, feroit fuperbe a voir dans le chenil;
! mais premièrement il feroit ttes-dilncile, pour
ne pas dire imp.offrble , d’entretenir 1 égalité dans
cette taillé j 8c il eft effentiel qu'une meute loir