
tent aux branches , vont au vent & travaillent
d’eux - mêmes. Les valets de limier & autres qui
s y 1 trouvent , font placés autour de l’enceinte
pour voir fortir le cerf 3 ou pour arrêter les
vieux chiens s’ ils attaquent une biche ou un
jeune cerf. Si au bout de quelque tëms les vieux
chiens ne chaffent pas , les piqueurs les appellent
a eux delà voix & de la trompe , en Tonnant
quelques requêtes. Bientôt les chiens fe
mettent à chaffer ; on a entendu bondir un animal
j au bruit qu'il a fait ce doit être un cerf-,
on a crié de prendre garde à la route, le cerf
en effet y pafle ; celui qui le voit fe met dans
K y,oie > f ° nne f anf are 3 tourne fon cheval du
côté que le cerf eft rentré ; il appelle & attend
les chiens de meute : quand les vieux font paf-
fés & meme un peu éloignés 3 il les fait dé -
coupler.
Cependant les veneurs tâchent de revoir du
cerf : ils examinent la forme du p ied , les pinces 3
la jambe : celui qui voit le cerf 3 examine en le
jugeant , comment il a la tête faite , & s’il eft
poflible 3 combien il porte 3 afin de le reconnaître
pendant la chaffe , fur- tout | s’ il y a de
1 embarras : celui qui n’auroit pas pu voir par lui-
meme , s informe de tous ces détails. Cependant
les' chiens chaffent à grand bruit ; les veneurs
les fuivent le plus près qu’ il leur eft poflible. 11
feroit imprudent de vouloir les fuivre- dans le '
bois , dans le moment de leur première vigueur ,
ce feroit fe fatiguer beaucoup & perdre fon
tems inutilement ; mais quand les veneurs voient
que la route les éloigne trop des chiens 3 ils prennent
un chemin qui les en rapproche : ils ne vont
gùere d un carrefour à un autre fans s’arrêter ,
ils écoutent fi les chiens chaflent toujours bien,
s’ils ne s’éloignent pas ; s’ ils les entendent retourner
j les uns retournent 3 d’autres relient un
moment : autant qu’ils peuvent , ils s’arrangent
de façon que les chiens tournant à droite ou à
gauche j il y ait toujours quelqu’un d eux prêt à
les fervir.
Si les chiens demeurent , les veneurs s’arrêtent
& font quelques momens fans rien dire ,
afin de les laiffer manoeuvrer d’eux-mêmes : s’ ils
ne reprennent pas la voie , ils s’approchent le
plus cju’ils peuvent de Tendroit où ils font demeurés
3 foit à travers b ois, foit par quelques
chemins : ils les appellent au retour , non par
ces grands cris qui augmentent leur ardeur , mais
par une voix modérée. Lorfque quelques - uns
ont repris la voie , ils Iaiffent écouter les autres
& ne fonnent que quand ils font ralliés : ils ne
fonneat en général, que quand ils font derrière
les chiens, ou quand ils font à côté d eux : s’ils
encore qu’il y a une tête de chiens qui
chaflent bien franchement : s’ils fonnoient devant
eux , ils courroient rifque de les enlever, & j
de les empêcher de travailler d’eux-mêmes, s’ ils
manquoient de voie.
Cependant il paraît du change, les- chiens y
tournent, les veneurs qui s’en apperçoivent s’y
portent tous dans le même moment : mais comme
il eft refté quelques chiens après le cerf, un ou
deux veneurs fe détachent bientôt pour les maintenir
, de forte qu’il en refte au moins deux pour
arrêter ceux qui chaffent le change , car Un
homme feul fe donneroit beaucoup de mal, &
ce feroit un hazard s ’il parvenoit à les arrêter.
Ces chiens arrêtés ou au moins en grande par -
tie , les veneurs ne perdent pas de tems pour
tâcher de les rallier j ils les enlèvent, mais au
trot ; un des deux refte derrière pour les faire
tirer ; comme ils ne les mènent pas trop v i t e ,
ils n’en Iaiffent pas derrière eux , & les chiens
ne font pas effouflés & outrés, lorfqu’ ils rejoignent
la chaffe, s’ils trouvent une mare ou un
étang , ils les y font boire 8c rafraîchir : cela
paroït faire perdre du tems , mais on le regagne
bien en ralliant une quantité de chiens affez con-
fidérable qui , étant bien en état de chaffer, rendent
le même fer vice qu’ un relais.
Ces chiens ralliés & un relais donné quelque
tems avant, forment une qu antité de chiens dont
la réunion eft toujours avantageufe ; foit parce
qu’ils retrouvent plutôt la v o ie , lorfqu’ils d e meurent
, foit parce que le bruit qu’ils fo n t ,
doit rallier les chiens féparés ; d’ailleurs les veneurs
font moins dans le cas de les perdre , &
jugent par le plus où moins de bruit qu’ils font ,
de leur manière de chaffer.
Lorfque les chiens commencent à ne plus
aller auflî vite , les veneurs faififfent toutes les
ocçafions de fe mettre avec eux dans les tailles,
dans les demeures douces , fous les futaies : rien
n’eft plus avantagéux & pour la réuftîte de la
chaffe & pour l’agrément du veneur lui-même j
c’eft-là qu’ il apprend à bien connoître fes chiens,
& qu’il voit -leurs différentes manoeuvres. Le
cerf fait-il un retour ? y a-t-il quelqu ’embarras ?
les bons chiens balancent, mais les plus fougueux
percent : cette façon de chaffer des bons ,
avertit qu’il faut arrêter ces derniers , ou bien
que l’on ne doit plus les appuyer, ni de la voix
ni de la trompe ; fouvent alors il fiiffiroit de leur
parler ferme, pour les faire refter & revenir. Le
cerf va-t-il avec le change ? les plus timides demeurent
5 mais les chiens entreprenans continuent
de percer : ils chaffent en crainte , à la vérité ,
ils ne crient pas auflî fouvent, ils tâtent aux
branches , & du moment que le ce f a fait un
retour pour, quitter le change , ces chiens ne
chaffent plus. Les veneurs doivent alors les app
e le r , 6c retourner leurs chevaux, pour les engager
à retourner : ils les Iaiffent travailler d ’euxmêmes;
ils ne les preffent pas ; bientôt ils r e trouvent
la voie , le cerf eft fepare, tous es
-chiens fe mettent à chaffer, quelquefois les plus
timides avec plus de vivacité que les autres.
On arrive à une route ; les chiens la traver-
fent de fougue, mais ne trouvant pas de voie
de l ’autre côté -, ils reviennent bientôt. Le veneur
intelligent refte un moment en place afin
de laiffer manoeuvrer fes chiens : cependant il
regarde à terre a droite & a gaucnelelong de
la route que le cerf peut avoir longée ; s’il n’ en
revoit pas , il appelle fes chiens au retour , en
obfervant toujours de ne les pas preffer, & rentre
dans l ’enceinte par la même coulée par laquelle
les chiens font fortis, parce qu’il y a apparence
que le cerf n’ a fait que fe préfenter à la rou te ,
& qu’ il eft rentré dans fes mêmes voies. En e ffet,
du moment que les voies font dédoublées, les
chiens fe rabattent & continuent à chaffer.
Une autre fois le cerf aura longé la route : fouvent
les chiens ne s’en rabattent pas d’abord ,
parce que la dureté & la féchereffe du terrain
les en empêchent ; mais bientôt vous les voyez
mettre le nez à terre en place & fe réjouir fans
crier ; ils vont quelques pas plus lo in , recommencent
cette manoeuvre , le finiffent par crier
& chaffer. C ’eft dans ces occafions que le v e neur
qui fait fe modérer , eft plus attentif que
jamais à ne pas preffer fes chiens ; .tant qu’ils
chaffent dans la route , il ne les appuie qu’avec
réferve : il ne perd pas de vue les chiens de
tête: du moment qu’ il s’aperçoit qu’ ils demeurent
ou feulement qu’ ils balancent, il s’arrête tout
cou r t, parce qu’ il y a apparence que le cerf a
quitté la rou te , foit en fe jetant dans le b o is ,
foit en prenant une autre route ou chemin ,
foit en revenant dans fes mêmes voies , ce qui
arrive très - fouvent. Quand on ne preffe pas
les chiens, ils reviennent d’eux - mêmes , tâ - i
tent toutes les coulées , & retrouvent bientôt
la voie ; 8c ayant des portées dans le b o is , ils
chaffent d’autant plus vivement qu’ils ont eu plus
de peine à emporter la voie le long de la
route.
Mais il paroït du change , les chiens balancent
; on voit un cerf paffer une route , un veneur
fe détache, il ne crie ni ne fonne , mais
il caffedeux branches qu’ il jette, dans la voie de
ce cerf. Tant que les chiens chaffent , même
froidement, il ne dit rien 5 mais s’ ils demeurent
pendant que les autres retournent 8c manoeuvrent,
il enlève quelques- chiens , il leur préfente la
voie du cerf qu’il a briféè ; s’ ils ne veulent pas
chafifer, c’eft un cerf de change.
Cependant les autres chiens font tout - â - fait
demeures a caufe du change : c’eft alors que le
veneur le plus intelligent eft celui qui a le plutôt
pris fon parti avec réflexion ; il fe décide félon le pays
dans lequel il fe trouve, félon qu’il juge que le cerf
eft plus ou moins mal-mené,plus ou moins forlongé.
H enlève le plus de chiens qu’ il peut avec un de fes
camarades , car il eft très - eflentiel d’ ètre deux
pour manoeuvrer : l’ un des deux pafle devant,
l'autre veille à ce que les chiens ne s’écartent
pas. Les autres veneurs manoeuvrent de leur
j côté , toujours avec des chiens, c’eft une chofe
. indifpenfable , 8c quelques cavaliers vont aux
informations. Le premier dont j’ai parlé , apres
s’être concerté avec quelques uns de fes camarades
, ne perd pas de tems. Si on eft tombe a
bout de voie au milieu d’une forêt , fuppofant
que le cerf n’eft pas encore très - mal - mené ,
il qbferve quelle eft la refaite qu’ il doit natu-
■ tellement avoir prife , fur - tout d apres celle
qu’ il a faite julqu’ alors j s il a fui franchement,
ou s’il ' n’ a fait que toupiller en cherchant du
change. ,
Cette dernière raifon le détermine premièrement
à envelopper deux ou trois enceintes ; mais
: n’ayant connomance de rien , le change qui eft
fur pied embarraflanf fes chiens , il .prend auffi-
tôt fon parti : telle refuite lui paroït la plus
probable; s’ il y a un grand chemin , une belle
rou te , ou quelquefois un détroit de plaine que
le cerf doit avoir traverfé pour y aller , il va les
faire,: Arrivé à cette route ou chemin , il ralentit
fon t r o t , parce qu’ il ne donneroit pas le tems à
les chiens de fe rabattre , s’ il alloit trop vite.
Une partie de fes chiens manoeuvre devant liu ,
mettent le nez à toutes les coulées : il ne les
quitte pas de vue ; il parle-fouvent aux meilleurs
, les nomme par leurs noms. Quelques
chiens douteux veulent fe_ rabattre : les bons
tâtent les branches 8c méprifent ces voies ; une
parole ferme 8c quelques coups de fouet les ramènent:
mais un moment après , fes chiens fe
raflfémblent en plufieurs pelotons : ils mettent
tous le nez à terre ; quelques uns mettent le
BSZ aux portées : d’ autres vont quelques pas en
avant, & reviennent en fe 1 éjouilfant, mettre
encore le nez dans la foulée où ils fe font d'abord
rabattus ; un feul c rie, tous les autres auftitot fe
mettent à chafler.
Par la façon dont les chiens fe font récrié s,
il eft prefque certain que ceft fon cerf ; cepe n -
dant pour s’en affûter , il tache d en revoir ;
quand il ne. peut.y parvenir, il examine u fes
chiens né fe réfroidiffent pas : voyant qu ils continuent
: à chaffer suffi franchement , & con-
noiffæit bien fes chiens, il fonne 8c les appuie
auflî sûrement que s’ il avoitrevu du cerf, ou même
que s'il l’avoit vu. L’ un des deux veneurs va
avertir: tout le: monde arrive : les chiens alors
chaffent pins, vivement, parce qu’H y en a cU