1703. Nous fumes furpris peu après d’une violente
14.May. tempête , accompagnée de tonnerre & de
pluye , qui enfla les vagues comme une mer ,
& nous obligea de mouiller 5 &c nôtre Barque
donna il rudement contre quelques troncs
d ’arbres, que nous fumes expofez à un péril
évident;nous penfâmes même perdre nos Chaloupes
, ces Barques-là n ’ ayant qu’une pet ite
a n c r e , qu’on ne fauroit je t ter en pleine e a u ,
lorfque le v e n t e f t v io l e n t , parce qu'elle n’ eft
pas capable de réfifter à la tempête. Comme
la- tempête heureufement ne dura pas lo n g -
tems , nous allâmes la même nuit â terre à
-2-0. rvrverftes de Saratof, où nous fîmes bon feu;,
& trouvâmes des chêne s ,de s rofes fauvâges ,
&c d’autres fleurs. Après nous être un peu rem
i s , nous retournâmes â bord. Mais nous n ’y
fû mes pas plutôt ar rivez , qu’un de nos Mar-
Maladiefu- chands Arméniens eut une convulf ion qui fit
i>ité* defefperer de fa v ie . Il demeura deuxou trois
heures en ce t é t a t , après-quoy il reprit quelque
mouvement , mais fans pouvoir parler.
Sur ces entrefaites nous arrivâmes à Saratof,
où après que nous l ’eûmes porté fur le t i l la c ,
i l lui fort it du fang caillé par la .bouche , ce
qui nous fit croire qu’il a vo it une apofthume
dans la g o r g e , & qu’il n ’en réchaperoit pas.
Nous envoyâmes cependant à la V i l le cher cher
un Médecin ou un C h iru rg ien , mais i l
ne
d e C o r n e i l l e l e B r u y n . ' 2 6 5
ine s’y en trouva pas. Ne pouvant être utile 1703.'
au pauvre malade , j ’allay voir la V i l le , qui 1+1 Mai-
eil fituée au Sud-Eft de laRuflie , 8c au No rd - Situation
Eft du V v o l g a , fur le penchant d’une Monta- ¿e Saratof.
g n e , fonFauxbourg s’étendant le long de la
Riv ie re . Je trouvay qu’elle étoit fans murailles
fur la hauteur , avec des Tours de bois,"à
quelque diftance les unes des autres.Elle a une
porte à un quart de lieuë de la R iv ie r e ; une
autre à g a u ch e , féparée de la V i l le , 8c une
troifiéme du côté de M o f c ow , avec quelques
paliifades entre deux. Lors qu’on en approche,
du côté qui eft â la droite de la Riv ie re , on
trouve une defeente avec des Jardins ; 8c l ’on
v o i t , au-delà de cet te derniere p o r te , un pais
ou v e r t , 8c un chemin battu , par lequel les
Ma r ch an d s , qui v iennent d ’Af tracan par terre
, fe rendent à Mofcow. Il s’y trouve plusieurs
Eglifes de bois; 8c c ’eft ce qu’ il y a de
plus remarquable; Les habitans font Rufliens,
& prefque tous Soldats, commandez par un
Gouverneur. Il y a huit ans que cette V i l le
fut réduite en cendres par un incendie ; mais
on l ’a entièrement rebâtie.Les T a r ta re s y font Courfes des
des courfes continuelles,8c s’étendent jufques Tartare?’
à la Mer Ca fp ien n e , 8c à la Riv ie re de fa ik a *
On compte qu’elle eft à 350. <rnjerfles de Sar
m a r a , à la hauteur de 32. degrez 12. minutes.
Nous y vîmes plufieurs Barques remplies de
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