
160 L’ARABIE CENTRALE.
g r o u p e s a s s e z réguliers qu’entourent des puits e td e frais jardins;
on n ’y rencontre toutefois ni marché public, ni mosquée, ta n t
les anciens gouverneurs d’Hayel se préoccupaient peu des b e soins
des habitants. Les ru e s , trè s-é tro ite s, sont beaucoup
plus propres que celles des villages turcs ou ta rta r e s , mais
il faut l’attrib u e r surtout à l'extrême sécheresse du climat. Mon
guide me faisait suivre un chemin fort capricieux, tantôt nous
passions auprès d’un rocher gigantesque, dont la masse pesante
semblait suspendue au-dessus des murs de la ville, tantôt nous
longions les bosquets qui bordent les remparts du côté du Sud.
Enfin la c h a le u r, qui augmentait rap id em en t, nous avertit
qu’il était temps de regagner notre logis ; Soeyd me reconduisit
à l’entrée de la principale route et me quitta, en me promettant
d’envoyer Doheym le soir même pour m’informer de l’état du
malade. ,
Je m’acheminai seul vers ma demeure. Les ru es et le marche
étaient ma in ten an t solitaires; l ’ombre se rétrécissait sous les
palmiers et au pied des maisons, la nature entière semblait
s’endormir sous la pesante atmosphère de midi. P o u rta n t, au
lieu de prendre le chemin le plus court pour me rendre chez
moi, le plaisir que j ’éprouvais à goûter quelques moments de
solitude m’entraîna ju sq u ’à la porte occidentale, d’où le regard
embrasse la vaste plaine comprise entre Hayel et la montagne.
La campagne semblait transformée en un lac immense qui, de
ses eaux profondes, baignait la pente rocheuse du Shomer et venait
se p erdre au pied des remparts de la v ille , où il ne formait
plus que des marécages chétifs. Cette illusion est due à u n mirage
qui se produitchaque jo u r; à mesure que le. soleil s’abaisse
vers l’occident, le lac magique s’éloigne e t s’efface enfin complètement,
pour p ara ître de nouveau le lendemain une heure ou
deux avant midi. Mais pendant une partie du jo u r , la vue de
l’eau , «’cette vie du paysage » pour employer l’heureuse expression
des Arabes, prête une apparence de douce fraîcheur a
une contrée triste et aride. P lû t à Dieu que ce ne fût pas une e rre
u r des sens!
Après avoir joui longtemps de ce splendide spectacle, je re-
v in s à la maison, o ù , secondé par Barak a t, je me m is à p ré p a re r
notre repas. Nous pouvions nous promettre deux heures au
moins de lo is ir, car ici, aussi bien qu’en Espagne ou en Italie,
le milieu du jo u r est consacré à la sieste. Quand arriva l’heure
de l’dsr, — division du temps bien connue en Orient, qui commence
au moment où le soleil a franchi la moitié de l’espace
compris entre le méridien et le point où il se couche, — nous
quittâmes tous deux notre demeure pour nous rendre au palais.
Nous suivions un chemin de traverse qui passait près de la
grande mosquée, et nous rencontrions à chaque pas des fidèles
qui venaient assister au Salat-el-Asr (prières de l ’après-midi).
En effet, depuis que Télal et Zamil ont ch o isi, pour accomplir
publiquement leurs dévotions, cette heure qui n’est pas celle
des prières prescrites p a r le Coran, la plupart des habitants
d’Hayel ont suivi leur exemple. La cérémonie se termine par la
lecture d’un chapitre de quelque pieux ouvrage, sur lequel
l’iman fait un long commentaire. Bien que l’on connût notre
qualité de chré tiens, personne ne paraissait scandalisé de nous
voir entre r au temple, et nous profitâmes plus d’une fois de
cette tolérance, ou de cette indifférence religieuse, on lui donnera
le nom qu’on voudra, car ces mots sont souvent synonymes.
Les prières diffèrent peu, parmi les Hambelis e t les Malekis
de 1 Arabie centrale, les ShafUs et les ¡idïiif'is1 que l ’on rencontre
souvent en Turquie et en Syrie, de celles qui sont en usage
chez les Wahabites. Je me garderai cependant de fatiguer le lecteur
p a r leur énumération ou d’en tre r dans les définitions minutieuses
du sunneh et du fard, des rekaas et des tekbis. Ces distinctions
difficiles à saisir ont à peine un sens dans le Djebel
Shomer ; et je prendrai la liberté de renvoyer les personnes qui
voudraient avoir une idée du culte mahométan, au troisième
chapitre de l’Egypte, par Lane, où elles trouveront tous les
éclaircissements désirables.
Quand nous serons arrivés dans le Haut-Nedjed, il sera peut-
être à propos de faire connaître les différences qui séparent les
Wahabites des autres Musulmans orthodoxes ou hétérodoxes.
Car en ce pays, la religion a une véritable importance, elle p é nètre
profondément les fibres de l ’organisation sociale, et les
détails qui s ’y rattachent ont u n intérêt particulier, non pas à
cause de leu r valeur p ro p re , mais parce qu’ils répandent une
vive lumière su r les moeurs. A Hayel, le culte mahométan
1. Sectesrsunnites: