
CHAPITRE V.
TELAL ET SA COUR.
Yet though thou stand’st more sure —
Thou a rt not sure enough, since griefs are
green,
And all thy friends, which thou must .
Make the friends
Have b u t the ir stings and teeth newly
. Ta’en out. —
Be it th y course to busy giddy minds
With foreign quarrels.
(S h a k e s p e a r e .)
Nos rapports avec Télal. — Son frère Métaab.— Intrigues d’Abbas-Pacha
pour gagner les Bédouins et les Wahabites. — Lascaris et Fath-Âllah.
— Ce qui constitue la. vraie nationalité arabe. — Entente de Télal avec
l’Ëgypte. — Ses efforts pour, attirer dans ses États les caravanes de
P e r s e . _ Députation des Kasimites. — Notre situation devient dange-
■ r euse. — ZamiL — Son caractère.et sa conduite.— Nous lui confions
notre secret. — Seconde audience de Télal. — Les espions nedjéens. —
Histoire d’Obeyd, le chef du parti wahabite dans le Shomer. — Il
chercïïe à gagner notre confiance. — Avertissements d’Abdel-Mahsin.—
■ Obeyd montre ses véritables sentiments. — Il est chargé d’une expédition
contre la tribu des Harb. — Il nous remet une lettre pour Abdallah.
— Troisième audience de Télal. — Un passeport, schomérite.—
Motifs qui nous font quitter Hayel. — Adieux d’Abdel-Mahsin et de '
Zamilil«- Regrets mutuels. — Départ de la ville.
Télal, bien que sa clairvoyance eût été , comme nous l’avons
vu, mise en défaut par la prudence de notre conduite, et qu’il
eût ajouté foi jusqu’à un certain point à notre caractère médical,
n ’en continuait pas moins à croire que notre séjour dans ses
États avait un but secret. Pour arriver à le connaître, il nous fit
étroitement surveiller par Abdel-Mahsin et d’autres officiers du
palais; des personnages considérables, mus autant par une
bienveillante courtoisie, que p a r le désir de plaire au roi en
satisfaisant sa curiosité, nous honorèrent de fréquentes visites.
Leur intention ne pouvait nous échapper, et nous eûmes soin
d’éviter toute parole, toute allusion qui ne fût pas complètement
d’accord avec le caractère que nous avions assumé.
Télal nous avait fait inviter d’une manière pressante à quitter
notre demeure pour une résidence pjus spacieuse et plus convenable,
située près du palais. Il voulait ainsi nous garder sous
ses yeux et sous sa nqain; nous répondîmes par un refus poli,
appuyé des raisons les plus plausibles. Il se sentit néanmoins
blessé, et nous témoigna une certaine froideur, quand il nous
aperçut aux audiences publiques ou que le hasard nous plaça
sur son chemin.
Vers la même époque, son frère cadet, le brillant et fougueux
Métaab, revint d’une tournée qu’il avait faite aux prairies
d’Hafr Maad pour visiter les haras royaux. Ses longs cheveux
bouclés, ses vêtements aux couleurs éclatantes, sa vivacité,
1 abandon de ses manières, formaient un contraste frappant avec
le sombre costume et la réserve imposante de Télal. Il avait
beaucoup voyagé, s’était rendu souvent à Meshid-Ali, avait plus
d’une fois visité Bagdad, connaissait plusieurs pachas turcs et
quelques consuls européens. Sa légèreté le rendait peu propre
aux graves affaires de 1 État, mais l ’agrément de sa personne, la
promptitude de son intelligence le faisaient merveilleusement
réussir dans les petites intrigues qui préparent la voie à des négociations
plus importantes. On savait Métaab fort habile dans ces
manoeuvres préliminaires et très-disposé à offrir son intervention.
Il était impossible qu’un homme de son caractère ne fût pas
promptement instruit de notre arrivée et de to u t ce qui nous
concernait; sa curiosité seule au ra it suffi pour lui in sp ire r le
désir de se lier avec nous. Le lendemain de son retour, il nous
fit une visite dans la m a tin é e, témoigna le désir de voir nos
médicaments, nos livres, nos bagages, parla de l’Égypte, de la
Syrie, puis il p rit congé précipitamment; mais le soir même, un
nègre de bonne mine qui appartenait à sa maison, m ’aborda
tandis que je me promenais sur la place du marché, e t me dit
que 1 émir Métaab me p riait de venir prendre le café avec lui.
Le palais du prince, d’une étendue égale à trois grandes mai