
tueuse, véritable labyrinthe de vieilles- maisons, de puits et
de jardins, qui nous conduit à un groupe de constructions, au
milieu desquelles une galerie couverte a été pratiquée, Nous la
traversons, à demi-aveuglés par les ténèbres qui succèdent à
l’éblouissante lumière du soleil, et nous gagnons-une large route
bordée de chaque côté par des habitations! qu une cour extérieure
sépare de> la voie publique. Mon guide s’arrête devant
l’une d’elles et frappe. « Samm » (Entrez), dit une voix, et presque
aussitôt j ’entends tire r les verroux. En pénétrant dans la
maison, j ’aperçois deux ou trois petits fourneaux, de vieux pots
de métal et des marmitesénormes, car les Arabes tiennent àhon-
neur aujourd’hui, comme leurs pères le faisaient il y a deux mille
ansy dé posséder des vases assez,grands pour y mettre un mouton
tout entier ; auprès de ces-ustensiles- domestiques, sont amoncelées
desffeuilles de cuivre, des barres de fer et autres; objets
semblables. Quelques robustes jeunes garçons demi-nus, couverts,
de suie, s’approchent pour nous recevoir ; ils nous tendent
leurs mains noircies, tout en échangeant avec Doheym des propos
joyeux. Le frère de notre guide,.Soyed, dont,la gravité, a été .
blessée par la conduite des jeunes étourdis, leur adresse une sévère
réprimande; puis, s’étant lavé les mains et le visage, il me
conduit dans l’intérieur de l’habitation, auprès du malade
qu’on .m’a demandé de visiter. L’état est grave, mais le danger
ne me parait pas imminent. J’adresse à ses frères quelques paroles
d’espoir; le pauvre fiévreux , à peine en état de parler, s’efforce,
de témoigner la joie que lui cause ma présence. Il me
montre ensuite sa langue, et pour me faire tâter: son pouls,
me présente son bras-, ou plutôt ses bras, car le médecin,
s’il ne veut passer pour un ignorant, doit, les examiner tous
les deux, les Arabes étant convaincus qu’ils n’ont ensemble aucune
relation ; la théorie de la circulation du. sang est, on levait,
parfaitement,étrangère aux habitants de la Péninsule. Quand
j ’ai rempli ces formalités, Soyed me prend à part et me questionne
sur la nature du mal, les conséquences qu’il peut-avoir.
Inquiet, de ma réponse réservée* il me promet de suivre
exactement mes prescriptions ; puis il m’invite à, m’asseoir et à
prendre le café. Je témoigne le désir de m’occuper sur-le-champ
du malade, mais celui-ci, d’un geste suppliant, me prie d accepter
d’abord l’hospitalité. Il serait à l’article de la mort, que les
choses ne se passeraient pas, je crois, autrement. On sert donc
des. dattes, on apporte des pipes, Doheym prépare le café, et la
chambre dans laquelle gît le fiévreux est envahie par une foule
de visiteurs. L’isolement ne fait pas partie du traitement arabe ;
on regarde au contraire comme un devoir sacré de ranimer le
malade,.par la présence d’une société nombreuse. L’Arabe que
la souffrance cloue sur son grabat n ’a pas l’idée de demander à
être seul.;, avoir de la compagnie c’est tout ce qu’il désire. La
douleur solitaire, ne se comprend pas ici : quand la mort frappe
une famille, le fils, le mari ou la veuve du défunt, laissent la
maison ouverte pendant plusieurs jours, afin de recevoir les condoléances
de leurs amis.
Mes lecteurs, familiers, j ’en suis sûr, avec les scènes de la
Bible, se rappelleront plus d’un exemple, plus d’une maxime
de ce geifre, contenus dans le livre de Job et ailleurs.
Les hôtes réunis dans la maison de Doheym, sont pour la plupart
des; habitants du Kasim. Bar leur maintien e t par le ton de
la conservation, on peut, facilementjuger de la culture intellectuelle
de la province à laquelle ils appartiennent; ils l’emportent
autant sur la population du Djebel-Shomer que celle-ci sur
les indigènes du Djowf, et les Djowfetes sur les Bédouins. S’il
plaisait à mes lecteurs, de tracer sur la carte une diagonale parallèle
à mon itinéraire, puis de distinguer, d’après le système
de M. Dupin, les diverses régions de l’Arabie, par des teintes
graduées qui correspondraient à leurs progrès relatifs dans les
arts, et le commerce, ils verraient la couleur la plus sombre s’étaler
sur le nord, c’est-à-dire la Wadi-Serhan, tandis que le
Djowf, le Djebel-Shomer, le Nedjed, l’Ilasa et leurs dépendances
auraient des nuances de plus en plus claires, et que l’Oman serait
le plus brillant de tous.
Généralement on regarde en Europe l’Arabie comme un pays
barbare ; il faut attribuer cette opinion à l’insuffisance des ren seignements
fournis par les voyageurs ; ils n’avaient visité que
le, nord, et l’ouest du vaste espace compris entre la mer Rouge et
lé golfe d’Oman : le centre et l’orient de la Péninsule leur auraient
suggéré une appréciation beaucoup plus favorable. Mais j’anticipe
sur le cours de ma relation, et je dois revenir à nos hôtes qui
discutent avec leurs amis sur la politique du gouvernement
nedjéen, dont la bigoterie tyrannique excite leur mépris et leur