
roulage. Le dromadaire est la bête de haute ra c e ; élancé, léger
d’allure, élégant, — du1 m oins par comparaison, — il est couvert
d’un poil doux et jin, et il a de plus l’avantage de supp
o rter la soif beaucoup mieux que le pesant, épais et maussade
chameau. Tous deux ont une seule bosse, placée immédiatement
auprès des épaules et qui se rt à fixer la selle ou le fardeau.
Leur ressemblance les fait souvent confondre sous la dénomination
de Baarir ou Nôk, selon qu’ils sont mâles ou femelles. L a-
nimal à deux bosses existe pourtant, on le rencontre dans les
montagnes de la Perse, et les Arabes l’appellent Bakhti. Peut-être
la ville de Londres en possède-t-elle u n spécimen; les curieux
peuvent aller le voir au Jardin zoologique; mais qu’ils se gardent
de profaner le nom de dromadaire en l’appliquant à la lourde
bête, couverte de poils crépus, qu’ils auront devantles yeux. S ils
tiennent à connaître les véritables dromadaires, ils seront obligés,
je le crains, de venir dans la Péninsule, car je n ’en ai
trouvé nulle part ailleurs, pas même en Syrie; l’espèce la plus
belle existe dans l’Oman, qui est pour ces animaux ce que le
Nedjed est pour les chevaux, la vallée de Cachemire pour les
chèvres. -
La n u it était venue; mais la lune brillait d’un vif é c la t, et
nous promettait sept ou hu it heures de sa lumière. Canopus
étincelait au sud, et Orion allait se lever dans toute sa splendeur.
Nous cheminions à travers les collines de sable qui entoure
n t Bereydah, tantôt montant, tan tô t descendant, au milieu
des buissons et des hautes herbes, apercevant parfois à
distance u n feuillage plus épais et plus sombre, qui indiquait la
place d’un village. L’a ir de la nuit devint bientôt presque glacial,
nous hâtions le pas sans parvenir à nous réchauffer, ce qui
ajoutait à la mauvaise, humeur de chacun : le naïb, après avoir
p ris congé de Mohanna, avait quitté le palais en proie à un
accès de colère, tel que les mangeurs d’opium seuls peuvent en
avoir ; ses serviteurs se croyant obligés de se mettre au même
diapason, étaient b o u rru s et hargneux. Les deux habitants de
La Mecque disputaient pour décider lequel des deux monterait
le u r unique chameau, tandis que l’au tre suivrait à pied, ils
changeaient de méthode aussi souvent que le Meunier de la
fable allant avec son fils vendre l ’âne au marché, mais je dois
pire qu’ils n ’avaient pas la même égalité d’h um eu r; Abou-Eysa
n ’avait pu se consoler encore de la perte de son m o rtie r; les
Nedjéens se tenaient à distance, car ils voyaient en nous une
bande de réprouvés maudits, qu’il leur serait beaucoup plus
agréable de piller que de conduire à Riad; enfin, Barakat et moi,,
nous ne pensions pas sans inquiétude à l’accueil qui nous serait
fait dans la capitale wahabite, et nous n’étions nullement c h a rmés
d’y en tre r en compagnie des deux Mecquains à langue venimeuse.
Mais le sort en étaitjeté : il ne fallait plus songer à revenir sur
nos pas. La lune s’abaissait lentement, son disque rougi disparu
t à l’horizon; nous m archions depuis plusieurs heures et nous
commencions à avoir grand besoin de sommeil e t de repos.
Abou-Eysa, qui ne se souciait pas de camper dans un lieu désert,
ferma cependant l ’oreille à nos sollicitations; il nous fit
presser le pas en dépit de la fatigue jusqu’à ce que, une heure
environ avant l’aube, c’est-à-dire au moment le plu s sombre
de la nuit, nous nous trouvâmes tout à coup auprès d’un champ
de maïs, e t nous distinguâmes vaguement les murailles élevées
d’u n village au milieu de l’o'bscurité-profonde. C’était Rowey-
dah, jolie bourgade arrosée p a r de nombreux cours d’eau, dont
Mohanna avait longtemps été le gouverneur, et où il possédait
encore un magnifique jardin.
Nous nous égarâmes plus d’une fois dans le tortueux labyrinthe
des plantations et des ruisseaux, car nous étions accablés
de lassitude, aveuglés par les ténèbres; nous poussions des
cris pour nous appeler les uns les autres, e t nous arrivâmes à
grand peine devant la haute porte du village. Après l’avoir
fran ch ie , nous aperçûmes les contours indécis d’un château,
près duquel s’étendait une petite place. Nous nous jetâmes en
bas de nos chameaux sans demander d’autres explications, et
nous nous endormîmes avec l’espoir qu’Abou-Eysa veillerait
sur nos bagages, ce qu’assurément nous étions hors d’état de
faire nous-mêmes.
Deux heures de sommeil, après une longue marche, en valent
six en temps ordinaire. Dès que le soleil p a ru t, nous nous
levâmes, et frottant nos yeux appesantis, nous cherchâmes à
reconnaître notre position.Nous étions près d’une petite citerne
qu’entouraient d’un côté, des maisons fort basses, de l’au tre ,
se murs du palais, monument assez vaste p o u r servir de de