
au moins ; il a trois pieds de la rg eu r à son orifice qui va en s é-
largissant comme celui d’une citerne ; un parapet de pierre en
protège les bords, et l’intérieur est aussi revêtu d’une maçonnerie.
D’anciens écrivains attestent son antique origine, mais
n ul ne sait quel était ce Shekik qui lui a donné son nom. Si l’on
interroge les Arabes, ils se contentent de répondre : « C’est l’ouvrage
des chrétiens. » Ils en disent au tan t de toutes |les constructions
d’utilité publique qui sont répandues dans l’Arabie
septentrionale, et peut-être n’ont-ils pas tort, c a rie s principaux
clans du voisinage, les Taï, les Taghleb, les Tenouk, ont appartenu
au christianisme pendant plusieurs siècles.
La littératu re , les monuments, la tradition elle-même qui, en
raison de la situation isolée de l ’Arabie, mérite ici plus de
créance qu’ailleurs, tout s’accorde à prouver qu’avant l’ère de
Mahomet, la religion chrétienne était répandue dans le nord de la
Péninsule,—pour ne pas parle r de l’Yémenni de l’Hadramaut,
et que les provinces soumises à son empire avaient atteint un
h a u t degré de richesse e t de civilisation. Aussi les hommes d E-
ta t, les économistes arabes sont-ils disposés à u n ir dans leur
esprit l’idée de la religion chrétienne avec celle du progrès mora
l et matériel de la nation ; par m alheur, de nombreux, de puissants
obstacles les empêchent d’en venir à la conclusion pratique
dont ils reconnaissent l’utilité. Je ne serais pourtant pas
surpris, d’après ce que j ’ai observé dans plusieurs provinces,
d’apprendre un jo u r la conversion de la Péninsule ; toutefois cette
transformation si désirable doit être accomplie par les habitants
eux-mêmes, non p ar les Européens. Des différences trop profondes
nous séparent des peuples asiatiques, nous les comprenons
trop peu, nous les aimons trop peu pour avoir su r eux la
moindre influence; je ne crois donc pas qu’il nous appartienne
d’opérer la rénovation religieuse de l’Arabie. Mais j aborde là un
sujet plus sombre et plus profond que le Bir Shekik lui-même ;-
il est temps de revenir à la surface et de raconter des événements
q u ’éclaire un jo u r moins douteux.
Pendant que nous étions à philosopher, nos Arabes rian t,
criant, se poussant les uns les autres, ont puisé l’eau et empli
les outres presque au point de les faire éclater. L’heure s avance,
il faut nous mettre en ro u te ; nos provisions seront à peine suffisantes
pour le voyage que nous avons à faire. Nous montons
sur nos chameaux qui ont sagement employé leu r loisir à g a rn ir
copieusement leurs multiples estomacs, le signal du départ
est donné, et bientôt après, nous quittons la vallée calcaire pour
entre r dans le redoutable Nefoud.