
enquis des antécédents de sa vie; et comme les quelques
mots de sa préface sont de nature à éveiller la curiosité plus
qu’à la satisfaire, les salons se sont donné de ce côté pleine
carrière. On n ’est pas un grand homme impunément. Certains
propos ont presque atteint les proportions de la légende.
On l’a fait naître dans l’Inde d’un père israélite,
pour venir aboutir à la communion anglicane en passant
par le catholicisme et la société des Jésuites. Une Revue anglaise,
cependant, a présenté les faits d’une manière plus
naturelle1? Une seule chose nous intéresse en tout ceci;
ce sont les circonstances qui aident à mieux faire apprécier
non pas seulement l’homme, mais le voyageur et le voyage.
M. Palgrave est le fils du savant jurisconsulte et de l’historien
éminent que l’Angleterre a perdu il y a cinq ans. De
brillantes études à l’université d’Oxford semblaient l’appeler
à suivre avec éclat la carrière paternelle; mais les goûts
du jeune homme le poussaient à une vie moins sédentaire.
Il avait sa part de ce que lui-même appelle the restlessness
ofenlerprise not rare in Englishmen. Il passa dans l’Inde et
servit quelques temps sous les drapeaux de la Compagnie;
mais il se lassa bientôt de l’uniforme, et reprit le chemin
de l’Europe. Il s’arrêta en Syrie, cependant, et se fixa, à
Damas où il a séjourné de longues années. C’est là qu’il a
pris l’habitude de l’arabe, qui est devenu pour lui, comme
il ledit lui-même, une seconde langue maternelle. Là aussi,
dans des circonstances qui nous restent ignorées;,, il se lia,
par des rapports qui paraissent avoir été très-étroits, avec la
maison des Pères Jésuites, et ces rapports duraient encore
lors d ’un voyage que M. Palgrave fit en Europe en 1861.
A Paris, il eut l’honneur d’être présenté à L’Empereur
Napoléon ; et déjà il avait conçu le projet d’un voyage dans
1. Edimbourg, Review, octobre 1865.
l’intérieur de PArabie, puisque l’Empereur, dans cette entrevue
même, voulut pourvoir généreusement aux dépenses
du voyage. C’est ce qu’en Angleterre on a qualifié de mission.
Qu’il y ait eu mission, en effet, et .ce qu aurait pu etre
cette mission en dehors du but purement scientifique qui
suffit bien à la justifier, c’est ce que nous ne saurions dire,
et c’est ce qui nous touche peu, au total. Ce qui nous intéresse
en ceci, ce sont nos connaissances prodigieusement
agrandies, et la porte désormais ouverte à de nouvelles et
plus faciles investigations.
Le but principal de M. Palgrave, il le déclare d’ailleurs en
mainte occasion, était l’étude de l’homme; il voulait, c est
lui-même qui le d it, jeter quelque lumière sur cette Arabie
réelle et vivante qui est restée absente de la plupart des relations,
comme la surface du pays reste en blanc sur la plupart
des cartes. Et c’est avec grande raison que M. Palgrave
ajoute : Déterminer la position des montagnes, le cours des
rivières, les graduations du climat, le caractère géologique
des roches, tout ce qui se rapporte, en un mot, à la nature
physique et. inanimée,, est certainement d’une haute et sérieuse
importance, et en cela aussi j ’ai essayé de faire de
mon mieux ; mais c’est peut-être rendre à la science et à
l’Europe un service encore plus grand, d’essayer d’écarter
ne serait-ce qu’un coin du voile épais qui nous dérobe la
partie humaine de l’Arabie, ses partis et sa politique, son
esprit, et son mouvement..
Tout en rendant pleine justice à. des hommes tels que
Carsten Niebuhr et Burckhardt, Wellsted et Wallin, et à
leurs nombreux.émules, —- M. Palgrave a dédié sa relation
« à la grande mémoire de Niebuhr, »— notre voyageur insiste
en nombre d’endroits sur ce qu’ils laissent à désirer
pour la complète et fidèle connaissance de la vie arabe. Des
scènes, à demi romanesques et d ’une couleur toujours exa