
soin de nous p rép a re r de bons logements pour la nuit, et qu’enfin
le khawah serait à notre disposition pendant to u t le temps de
notre séjour dans la capitale.
La foule qui encombrait la place était plus nombreuse encore
q u ’à notre arrivée, parce qu’on attendait le passage du roi.
Quelques minutes après, nous vîmes une troupe d’Arabes déboucher
dans la cour extérieure; ils étaient armés, vêtus avec
re c h e rch e , e t parmi eux on rema rqua it plusieurs des notables
habitantshle la ville. Au milieu de ce cortège, s’avançaient lentement
trois hommes dont le riche costume, la démarche imposante
annonçaient le haut rang. Ceux qui les entouraient se
tenaient à une respectueuse distance, e t chacun à leu r approche
témoignait son respect et son admiration. * Voici Télal, » me
dit Seyf à demi voix.
Le monarque du Djebel-Shomer p ara issa it âgé d’environ quaran
te ans, quoique en réalité il en eût tout au plus trente-sept.
Son attitude sévère, ses yeux noirs et perçants, sa démarche
grave et quelque peu hautaine imposaient le respect, en dépit
de sa petite taille. Il portait par-dessus la tunique blanche des
Arabes, une longue robe de cachemire e t un manteau en poil
de chameau d’u n tissu très-fin, fabriqué dans la province
d’Oman; u n tu rb an , brodé de soie et d’or, retenu par une large
bandelette éc arla te, couvrait sa tête en laissant apercevoir ses
longs cheveux noirs. Une épée à poignée d’or pendait à sa ceintu
re , et ses vêtements exhalaient une forte odeur de musc, plus
agréable aux narines d’un Arabe qu’à celles d’u n Européen. Son
regard ne re sta it jamais en repos, tantôt il se promenait su r les
hommes de l ’escorte, ta n tô t su r le peuple rassemblé dans la
cour. J ’ai rarem en t vu des yeux qui rappelassent mieux ceux
de l’aigle p o u r l ’éclat et la pénétration.
Le dignitaire qui ma rchait à sa droite était g ran d , mince,
vêtu d’habits moins recherchés et moins précieux, mais les couleurs
en étaient plus vives, les broderies plus éclatantes. Son
visage avait une expression d’intelligence peu commune, l’aisance
et la grâce brilla ient dans ses manières; toutefois, il n’appartenait
pas à la famille royale, ca r son épée était garnie d’arg
ent ét non pas d’or, comme celle du prince.
C’était Zamil, gran d tré so rie r, premier ministre, ou pour
mieux dire, seul ministre de l ’autocrate. Tiré de la plus profonde
misère par le père de Télal qui avait deviné en lui, alors
qu’il n’était qu’un misérable orphelin, de puissantes facultés, il
avait su m é riter les bonnes grâces de son bienfaiteur; après la
mort d’Abdallah, il n’avait pas joui d’un e m oindre faveur auprès
de son fils, et d’honneurs en honneurs, il était arrivé enfin à la
plus haute dignité de l’État. Son origine plébéienne le préservait
de la jalousie des princes du sang, son caractère doux et affable
lui gagnait le coeur du peuple, son inaltérable fidélité le faisait
chérir de son maître ; enfin son extraordinaire application au tr a vail,
son jugement rapide et sû r, les grands services qu’il ren dait
au pays justifiaient, dans l ’opinion de tous, les richesses
immenses dont le roi l’avait comblé.
Quant au second favori de Telal, le souriant et modeste Abdel-
Mahsin, nous aurons avant peu l’occasion d’en p a rle r longuement,
car il devint un de nos amis les plus dévoués.
Chacun s’était levé à l’approche du souverain. Seyf nous fit
signe de le suivre, et, fendant la foule, salua le prince de la formule
d ’usage. « Que la paix t ’accompagne, ô toi qui es le pro^
tégédeDieu! ».(Ce titre , pour le remarquer en passant, vaut
bien celui de Protecteur, et il a l ’avantage d’être plus modeste.)
Télal fixa su r nous son oeil sc rutateur, puis il échangea quelques
mots à voix basse avec l’officier. Il se tourna ensuite vers
nous d un a ir plus bienveillant, nous tendit sa main ouverte et
nous la touchâmes en lui adressant les mêmes paroles que
Seyf. A cela se bornait la simple cérémonie de la présentation.
Le ro i, après une courte phrase de politesse, quitta le khawah
e t re n tra dans ses appartements.
“ H vous accordera demain une audience particuliè re, nous
dit Seyf, et j ’au ra i soin de vous avertir en temps convenable.
Maintenant, il faut songer au souper. »
Le soleil était couché quand nous rentrâmes au palais ; cette
fois, notre guide nous conduisit dans une grande cour carrée
dont l’entrée se tro u v a it près de l’arsenal. Deux autruches, présent
offert à Télal par un chef Solibah, s’y pavanaient fièrement,
à la grande joie d’une bande de petits négrillons. Seyf nous fit
en tre r dans une vaste vérandah, où nous nous assîmes su r des
nattes.
Des esclaves noirs apportèrent aussitôt le souper. La pièce de
résistance é ta it, comme tou jo u rs, un énorme p la t de riz e t de