
frais de la nuit. Leur piqûre cause une douleur pareille à celle
que produira it la pointe d’un fer rouge; quand je sentis cette
impression désagréable, je me levai avec une extrême vivacité,
appréhendant, d’après la croyance populaire, vingt-quatre h eu res
de souffrances; mais je fus agréablement détrompé : au bout
d’une heure, la cuisson diminua, et bientôt après, il ne restait
plus de mon accident d’autre trace qu’un point noir à peine visible.
Désireux d’arriver au Djowf avant que le milieu du jo u r fît
sen tir sa dévorante ch a le u r, nous reprîmes notre route dès
l ’aube; malheureusement nous avions encore une longue route
à parcourir, et nous étions obligés à des détours continuels au
milieu des collines et des rocs basaltiques. Nous marchâmes ainsi
plusieurs heures sans découvrir la moindre apparence de te rres
cultivées; enfin nous atteignîmes u n hameau entouré de cultu
re s bien entretenues; c’est l e petit v illag e4 e Djoun, premier
groupe d’habitations de la province de Djowf. Après l ’avoir dépassé,
nous suivîmes u n défilé long et fort étroit, encaissé dans
des rochers à pic. Tout à coup, plusieurs cavaliers se montrèrent
su r une crête voisine; l’un d’eux, beau jeune homme aux longs
cheveux bouclés, à l ’attitude fi'ère et martiale, enjoignit au guide
de s’a rrê te r pour lui dire qui nous étions. Celui-ci s’approcha
humblement, ca r le Bédouin a conscience^e son infériorité en
présence de l’h ab itan t des villes, et son attitude, quand il s’a dresse
à son compatriote plus civilisé, ressemble passablement
à celle d’un chien qui craint d’être b a ttu p a r son maître. Les
explications timides de Suleyman donnèrent lieu à une conversation
animée entre les nouveaux venus ; puis, celui qui avait
parlé le premier, se to u rn a n t vers nous : « C’est bien, nous dit-
il, n ’ayez aucune cra inte. » Il to u rn a bride aussitôt et disparut
avec ses compagnons.
Une heure de marche nous séparait encore du Djowf; nos
chameaux exténués tombaient à chaque p as; la chaleur était
intolérable dans ces gorges profondes, midi approchait. A la
sortie du défilé, nous nous trouvâmes en face d’u n amas d’énormes
rochers qui fermaient de tous côtés l’horizon; nos outres
étaient vides, et nous n’avions rien mangé depuis le matin. Quand
donc arriverions au Djowf? S’était-il évanoui comme u n mirage
trom p eu r? Enfin, après avoir dépassé un gigantesque rocba saltique,
nous aperçûmes tout à coup une scène nouvelle et splendide.
C’était le Djowf avec ses maisons, ses jardins, ses cultures.
Mais la description de cette province et de ses habitants mérite
un chapitre spécial.