
Mohammed-Ali, est supérieure à celle de la Turquie et de la
P e rse ; un gouvernement qui ruine ses sujets, mais ne permet
à persohne de les ruiner, est sans contredit préférable à celui
q u i, non content de répandre lui-même partout la misère et la
désolation, autorise, encourage les déprédations de ses subordonnés.
La sincérité aussi a droit au respect; si le fanatisme
est dangereux quand on le prend pour règle, il Test plus encore
quand il devient un simple in strumen t; les Wahabites agissent
p a r conviction, les Turcs font du zèle religieux un moyen d’assouvir
leur cupidité. Le caractère des Nedjéens, comparé à celui
des Ottomans, perd de sa laideur, il acquiert une certaine noblesse
relative.
Nos excursions dans la campagne nous amenaient souvent
auprès de d’Oneyzah, mais il nous fut impossible de pénétrer
dans cette vaste et populeuse capitale, il fallut nous borner à
la contempler de loin. Le nombre et la grandeur de ses maisons,
au tan t qu’il nous était possible d’en ju g e r p ar les toitures
que nous apercevions des hauteurs voisines, la rendent beaucoup
plus importante que Bereydah ; ses fortifications extérieu
res sont d’une épaisseur é n o rm e , et la ceinture de palmiers
qui l’entoure en dedans des rem p a rts , lui forme une
sûre et gracieuse défense. Il m’a paru que l’enceinte et les
tourelles étaient presque entièrement construites en briques
séchées au so le il, ce qui n’empêche pas la ville d’être une
des places fortes les plus formidables de l ’Arabie. La campagne
environnante était ravagée par la g u e rre , e t nos amis de
Bereydah nous blâmaient sévèrement de nous avancer aussi
loin ; à vrai d ir e , ce fut seulement p a r l ’effet d’un heureux
hasard que nous évitâmes de tomber entre les mains des maraudeurs
ou des Kasimites, chez lesquels notre curiosité d’explorateurs
eût trouvé p eu d’indulgence.
Deux semaines se passèrent a in si, une troisième commençait
e t Abou-Eysa n’était pas encore p rêt à partir. Les raisons qu’il
donnait pour expliquer son re ta rd ne nous semblaient nullement
satisfaisantes, et nous commencions à nous plaindre,
quand nous apprîmes enfin la véritable cause qui le retenait à
Bereydah.
Mohammed-Ali, le chef officiel du pèlérinage p e rs a n , avait
écrit à Riad p our dénoncer la fuite d’Abou-Boteyn, les exactions
de Mohanna et demander qu’il lui fût permis de se rendre en
personne dans la capitale, où il voulait exposer de vive voix au
monarque nedjéen des griefs trop graves et trop nombreux pour
être confiés au papier. Feysul l’au ra it volontiers dispensé de
cette visite, mais il craignit que le gouvernement iranien n ’en
p rît occasion de rompre avec le Nedjed, ce qui au ra it privé le
tréso r royal des profits que lui assure le passage des caravanes.
En conséquence Mohanna reçut l’ordre de fournir à Mohammed
Ali une escorte pour le conduire à R iad , et de veiller à
ce que les autres Persans fussent en toute sûreté renvoyés dans
leur pays.
Le gouverneur q u i, pendant l’échange de cette correspondance,
avait si bien pressuré ses hôtes shiites, qu’il en avait
tiré une somme montant au moins, — d’après les calculs les
plus m o d é ré s,— à seize cents livres sterlings (40 000 francs),
n ’espérait plus leu r arracher aucun subside, et n’avait pas d’inté
rê t à les retenir. Leur procurer un guide était au contraire
l’occasion de réaliser un nouveau bénéfice, car il commençait
toujours p a r exiger un large tribut de celui qu’il désignait
comme chef d’une caravane. Mais il n’était nullement disposé
à fournir au naïb un conducteur et des bêtes dp somme, puisque,
d’après les instructions de F ey su l, il devait se charger gratuitement
de ce soin. Il garda sur le contenu de la dépêche royale
un silence p ru d e n t, et laissa le noble Iranien se tire r d’affaire
comme il pourrait.
Le naïb rencontra it les mêmes obstacles qui nous avaient si
fort embarrassés lors de notre arrivée à Bereydah; il cherchait
un guide mais n ’en trouvait p a s , car l ’invitation royale n ’était
pas, on le sa it, une garantie certaine de sécurité, et les Kasimites
se souciaient fort peu de visiter la capitale nedjéenne.
Mohammed-Ali.demanda conseil à notre ami Abou-Eysa, avec
lequel il avait toujours eu d’excellents rapports. Celui-ci au ra it
consenti avec empressement à lui servir de guide, s’il avait eu
un nombre suffisant de chameaux; mais il nous avait loué les
seuls dont il p û t disposer. Désireux cependant d’augmenter
notre petite caravane, il chercha les moyens de se procureT
les montures nécessaires aux deux serviteurs du naïb et au
pèlerin Hoseyn, muletier de Bagdad qui s’était jo in t à eux ;
quant au dignitaire p ersan, il possédait u n magnifique droma