
CHAPITRE VI.
VOYAGE D’HAYEL A BEREYDAH.
More bleak to view, the hills a t length recede,
And less luxuriant, smoother vales extend;
Immense horizon-bounded plains suceed,
Fa r as the eye discerns, without an end.
(BYRON.)
Une nouvelle étape de notre voyage. — Petit nombre des Bédouins dans
l’Arabie centrale. - Nos compagnons. - Leur caractère. - Commerce
de chevaux entre le Shomer et Koweit. — Limites du Djebel Ad]a. —
Ebn Thediiadia. — Vallée comprise entre l’Adja et le Solma. — Attaque
de Bédouins Harb. — Le Djebel Solma. — Tombeau d’Hatim-el-Tai.
— Son histoire. — Feyd. - Le gouverneur et la cour de justice. —
Campement Solibah. - Le haut Kasim. - Poésie arabe. - Le Nedjed.
— Végétation. - Sources. — Versant de l’Arabie septentrionale. —
Rè°-ne° animal. — Kefa, — Koseybah. — Kowarah. Ses chiens. —
Frontière wahabite. - Le bas Kasim. - Vue générale de l’Arabie. —
Divergences et liens communs de la Péninsule avant et après Mahomet
— Période des califes. — Rivalité du Nedjed et de l’Hedjaz. —
Indépendance du Shomer et de l ’Arabie centrale. — Translation du
califat à Bagdad. — Schisme des carmathiens. — L’Arabie s’affranchit
des califes H Ebn-Darim, son élévation, ses conquêtes, sa puissance.
— Sa dynastie gouverne le Kasim. — Restauration du paganisme dans
le Kasim. — Caractère du paganisme arabe. — Ruines d’Eyoun. —
Configuration du bas Kasim. - Ses productions végétales. — Caractère
des habitants. - Commerce avec l’Hedjaz. - Derviches du Caboul.
Voyageurs déguisés en derviches. — Incidents tragiques. Sentiments
des Arabes à l’égard des chrétiens en général et des Européens
en particulier. - Eyoun. - Souper chez Foleyh. - Route de Berey-
dah. — Ghat. — Fausse alarme. — Vue de Bereydah. — Son faubourg.
— Demeure de Moubarék. — Vie de famille.
Nous avions déjà franchi tro is [étapes de notre voyage, de
Gaza à Maan, de Maan au Djowf, du DjowfàHayel, et si nous
avions éprouvé des fatigues et des souffrances, du moins nous
avions échappé à tous les périls. Nous venions de parcourir le
désert septentrional, de traverser le Nefoud pendant les chaleurs
brûlantes de l’été, d’affronter la soif qui, dans ces solitudes,
tue plus sûrement encore que la lance ou la balle d’un ennemi.
Mais si la nature s’était montrée inclémente, nous avions eu
peu à nous plaindre des hommes ; les Bédouins que nous avions
rencontrés, quoique grossiers et rudes, nous avaient reçus avec
cordialité ; quant aux habitants des villes, leur courtoisie, leur
hospitalité généreuse avaient dépassé toutes nos espérances.
Dans les États de Télal.nous avions joui d’une sécurité inconnue
aux voyageurs qui parcourent les routes même les plus fréquentées
de la Syrie; enfin, grâce à la protection divine, un
succès inespéré avait récompensé nos efforts. « On juge p ar le
matin de ce que sera la journée, » disent les Arabes. Aussi, malgré
les inquiétudes et les pressentiments sinistres de nos amis,
nous prenions avec confiance la route du Nedjed; le passé nous
semblait de bon augure pour l’avenir.
Notre voyage offrait peu de difficultés matérielles; les grandes
chaleurs étaient passées, nous entrions dans une saison favorable,
et d’ailleurs notre chemin trave rsait le plateau élevé de
l’Arabie intérieure. Aucun désert semblable au te rrib le Nefoud
du Djowf ne sépare Hayel du Nedjed ; nous devions, au contraire,
rencontrer des pâturages et des cultures, des maisons et des h ameaux,
respirer l’air pur de la montagne, avoir de l’eau en
quantité suffisante pour nous désaltérer. De plus, nos nouveaux
compagnons, au lieu d’être des Bédouins sauvages, avaient les
manières gracieuses et polies que l’on acquiert dans les villes.
Quant aux dangers qui, disait-on, nous attendaient à Riad, nous
résolûmes de ne pas nous en préoccuper, et de rem e ttre à Celui
dont la providence nous avait si visiblement protégés, le soin de
mener les choses à bonne fin. Nous savions que cinq ou six jo u rs
s’écouleraient encore avant que nous eussions quitté le te rr itoire
du Djebel-Shomer; jusque-là, nous n’avions donc rien à
craindre. * A chaque jo u r suffit son mal, » pensâmes-nous, et,
laissant le lendemain prendre soin de lui-même, nous nous
efforçâmes de chasser la tristesse qui s’élait emparée de nos
coeurs.
Lorsque nous eûmes échangé avec nos amis d’Hayel les d e ri
— 13