
rapides acquisitions, dans toutes les voies ouvertes à l’activité
des recherches et aux spéculations de l’intelligence.
La reconnaissance du globe a eu sa large part dans ce privilège
du dix-neuvième siècle. D’immenses régions dans
toutes les parties du monde, fermées jusqu’à présent aux
regards de l’Europe, se sont ouvertes pour ainsi dire à la
fois devant les efforts persévérants de nos explorateurs : en
Afrique, l’intérieur du Soudan, toute la région australe, et
la zone équatoriale qui recèle les sources du Nil; dans l’autre
hémisphère, le centre du continent australien atteint
pour la première fois ; dans la région polaire, les sombres
labyrintes de l’océan Arctique sillonnés par une armée
d’intrépides navigateurs, et le pôle lui-même couronné tout
à l’heure par le pavillon européen.
Toutes ces conquêtes qui ont renouvelé la carte du monde,
sont l ’oeuvre de notre génération.
L’Asie elle-même, la terre des vieux souvenirs et le berceau
de l’humanité, nous en réservait une qui vient de
s’accomplir.
L’intérieur de l’Arabie, sous sa ceinture de sables, était
resté jusqu’à ces derniers temps inaccessible à nos voyageurs,
plus inaccessible que le Sahara africain, plus inaccessible
que la route du pôle. Un explorateur heureux et
hardi vient de rompre le charme.
M. Palgrave, le premier, vient de traverser obliquement
toute la longueur de la Péninsule arabe, depuis la pointe de
la mer Morte jusqu’à la côte d’Oman. Le premier de tous
les voyageurs, il a vu les provinces intérieures connues seulement
de nom; il nous a, le premier, donné une idée précise
de la configuration de cette immense presqu’île; il a
fait entrer l’Arabie et ses populations dans le cercle de la
géographie positive. Et par une de ces coïncidences providentielles
qui se produisent dans l’histoire de toutes les
sciences, au moment où M. Palgrave perçait enfin la barrière
extérieure devant laquelle avaient dû s’arrêter touslei
explorateurs, d’autres Européens, M. Pelly, M. Guarmani,
M. Wetzstein, nous apportaient coup sur coup de nouvelles
et précieuses informations. L’Arabie désormais nous appartient.
De ce trésor d’informations nouvelles qui vient d’ajouter
immensément à notre connaissance de l’Arabie, la partie la
plus précieuse et la plus étendue est incomparablement
celle que nous devons à M. Palgrave. Ses premières communications
verbales avaient pu déjà, il y a un an, laisser
cette impression; sa relation l’a pleinement confirmée.
M. Palgrave est doué à un haut degré des qualités d’un
grand voyageur. Il a le coup d’oeil rapide, l’esprit .fin et
pénétrant, et cette heureuse facilité d’humeur qui sait se
plier à propos aux habitudes étrangères, pour observer de
plus près les choses et les hommes. Une forte éducation
scientifique lui a donné les connaissances générales qui
sont la base indispensable de tout le reste; et parmi d’autres
acquisitions spéciales, il s’est rendu maître de la langue
du pays au point de se faire passer chez les Arabes
péninsulaires pour un Arabe de Syrie. Avec un esprit puissamment
généralisateur, il possède pour les choses de détail
les facultés scrupuleuses de l’observateur minutieux; et
avec cela un art bien nécessaire au voyageur, celui de raconter
d’une manière à la fois attachante et simple, tout en
mêlant volontiers à ses récits la pointe d’humour et la touche
originale qui lui font une personnalité tout-à-fait prononcée.
On ne s’étonnera pas que son livre ait eu promptement
en Angleterre un immense succès, que le temps ne
peut qu’augmenter.
Comme tous les hommes qui sortent tout-à-coup de la
foule, M. Palgrave a excité la curiosité du monde. On s’est