
tative pour les orner, ni même pour établir entre elles quelque
symétrie. Les rues, étroites et tortueuses, feraient désirer l’établissement
d un système de ventilation qui permît d’y respire r
plus librement. Inutile d’ajouter que dans un pays où la sécheresse
est extrême, les rues sont rarement pavées, et n’ont véritablement
pas besoin de l’être.
Le marché, remarquable p a r sa grandeur, est situé près des
remparts, au lieu d’occuper, comme il arrive d’ordinaire, le
centre de la ville. Sur un des côtés de la place s’élève une mosquée
wahabite; les temples nedjéens n ’ont pas la grâce et la
poésie que les minarets et les coupoles prêtent aux édifices re ligieux
de 1 Orient. La « Mesdjid », (littéralement, lieu où l'on se
prosterne), de Toweym ressemble, d’une manière frappante, à
une gare de chemin de fer; la seule chose qui l ’en distingue,
c est que les voyageurs ne peuvent y trouver aucune espèce de
rafraîchissements, à moins que l’on ne veuille appeler ainsi l’eau
destinée aux ablutions des fidèles. Les portes de la viile ont une
épaisseur extrême, elles sont gardées le jo u r et fermées pendant
la nu it ; un fossé profond, mais dépourvu d’eau, défend l’abord
des fortifications, que le gouverneur a soin d’entretenir en bon
état.
La fin du jo u r approchait; nous sortîmes pour je te r u n coup
d’oeil su r la campagne ; le sol est fertile et les dattes de qualité
supé rieure, bien que l’irrigation des ja rd in s soit insuffisante.
Apercevant su r le bord de la route une petite colline, nous allâmes
nous y asseoir, et nous mîmes l ’occasion à profit pour lie r
conversation avec les gens qui venaient de la ville ou qui s’y
rendaient , car le district est po p u leu x ,— du moins pour l’Arabie,
— et de nombreux villages s’élèvent autour de Toweym.
L’éloquence naturelle, le p u r langage des habitants charmaient
nos oreilles ; c’étaient, pour la plupart, des Wahabites sincères,
dévoués corps et âme à la dynastie actuelle du Nedjed. Peut-
être quelque mesquine jalousie excitée par la prospérité de
Medjmaa et la prépondérance des Sedeyri leur a-t-elle fait accueillir
avec joie le nouvel ordre de choses, qui les place sous la
dépendance immédiate de Riad; dans tous les cas, la reconnaissance
doit les attacher au gouvernement nedjéen, car leur ville
s’est considérablement développée depuis que Feysul l’a élevée
au ran g de capitale. A la tombée de la nuit, nous retournâmes
prendre p a rt au souper que le gouverneur avait fait prépa re r
pour nous; il n’était pas fort succulent, mais le p a in , cuit avec,
du levain, nous p arut un véritable régal, comparé aux indigestes
gâteaux du Shomer et du Kasim. Nous montâmes ensuite sur
la terrasse pour fumer tranquillement à la douce clarté des
étoiles, puis nous nous livrâmes au sommeil, non pas cette fois en
plein air, car les nuits commençaient à être trop fraîches. Dans
cet heureux pays, le voyageur n ’est jamais tourmenté par la
morsure des moustiques et des cousins ; il n’a pas davantage à
redouter certans petits insectes trop, familiers qui abondent
dans l’Europe méridionale, (quatre lettres suffisent pour former
leur nom). L’absence de mouches, grandes ou petites, n ’est pas
moins remarquable ; je ne connais pas de pays au monde qui soit
plus totalement préservé de cette engeance importune. Enfin, les
serpents sont aussi rares dans le Nedjed qu’en Irlande, ou dans
1 île de Malte. Il est vrai que M. de Lamartine, dans un poétique
roman intitulé : Journal de Fath-Allah, parle beaucoup des boas
de^ 1 Arabie centrale ; son héros, chose effrayante I découvre
même un buisson rempli des enveloppes dont ces reptiles
venaient de se dépouiller; il y en avait de toutes dimensions et
de toutes les couleurs; c’était, je suppose, un assortiment de
robes de chambre à l’usage des serpents. Heureux les voyageurs
qui possèdent une imagination aussi fertile! Quelques boas
constrictors ajoutent à la variété du paysage, et animent un récit.
Mais je n’ai pas été favorisé par de semblables visions, « nol’vedi,
ne credo che sia. »
Le matin suivant, nous prîmes congé de notre hôte peu sociable,
qui néanmoins nous fit l’honneur de venir à ]a porte de
son palais et de nous p a rle r en personne. Une heure après, nous
traversâmes un grand village, nommé Hafr, dont les murailles,
garnies de créneaux, et l ’antique donjon, bâti su r le côté opposé
de la route, ont un faux air de moyen âge. Les Arabes que le
gouverneur nous avait donnés pour escorte, nous d iren t que
cette importante bourgade avait été longtemps la rivale de
Toweym, et avait soutenu contre elle une guerre ruineuse
pour les deux parties. Mais, sous la dynastie desEbn-Saoud, « le
pillage et la violence sont interdits à tout autre q u ’au chef de
l’État ; » les h abitants du Sedeyr ont donc été obligés de vivre en
paix les uns avec les autres, ce qui était certainement un grand