
de s’attirer l’inimitié du shérif de la Mecque, et par suite celle
de l’Égypte et de la Turquie, le séparait pourtant encore de l’objet
de son ardente convoitise. Les événements de 1861 lui permirent
de lever le masque. Le sultan Abdul-Medjid, protecteur
d’Abdel-Mottalib, venait d’être remplacé sur le trône de Constan-
tinoble par son frère Abdul-Aziz, qui, déterminé à suivre une
politique toute contraire, devait, disait-on, nommer shérif de
la Mecque, un homme bien connu par ses tendances wahabites.
La maladie de Saoud-Pacha, son voyage en Europe rendaient peu
probable l’intervention de l’Égypte dans les affaires de 1 Arabie.
Le moment d’agir était venu, et cependant Feysul hésitait; vieux
et aveugle, il craignait de ne plus avoir l’activité nécessaire pour
mener à bonne fin son entreprise ; il craignait surtout les remords
de sa conscience, que trente années de règne n ’avaient
pu endurcir complètement, et qui lui reprochait de trahir la foi
jurée. Le conseil des Zélateurs, moins scrupuleux, poussale roi
à la guerre, et la ruine d’Oneyzah fut résolue.
Il fallait chercher un prétexte ; on prétendit que la redevance
annuelle payée par la ville au gouvernement de Riad n’était pas
suffisante, et l’on envoya une armée avec ordre de prélever une
taxe supplémentaire. Les habitants se soumirent à cette nouvelle
exigence, mais Feysul était bien décidé à les trouver en
faute. Il réclama des arrérages, frauduleusement retenus, à ce
qu’il prétendait, par Zamil, et il somma ce dernier de venir se
justifier devant lui. Le chef refusa, Feysul répondit par une déclaration
de guerre. Les Kasimites, effrayés, entamèrent des négociations,
promirent d’acceper toutes les conditions imposées
par le Nedjed, pourvu qu’on ne leur demandât pas délivrer
Zamil. Le roi se montra inexorable, et les hostilités commen-
cèrent.
A l’époque de mon arrivée à Hayel, le siège d’Oneyzah duraitdéjà
depuisquatre ou cinq mois s a n s avoir amenéaucunrésultat décisif,
car Feysul traînait à dessein la guerre en longueur pour fatiguer
les défenseurs de la place et les accabler ensuite plus sûrement
du poids de ses forces réunies ; plan habilement conçu dontle succès
devait être infaillible.
Q u e l q u e s régiments de troupes nedjéennes furent chargés de
soutenir les opérations de Mohanna, qui fortement établi à Be-
reydab, dans le coeur duKasim, pouvait aisément bloquer Oneyzah.
Zamil répondait par de fréquentes sorties aux attaques des
assiégeants, faisait de hardies incursions jusque sur le territoire
de Bereydah, et remportait presque toujours l’avantage dans ces
escarmouches.
La province tout entière suivait avec anxiété les progrès de la
lutte; elle se serait soulevée en faveur de Zamil, si elle n’eût été
retenue par la crainte que lui inspiraient les Wahabites, ces Romains
de l’Arabie centrale. Le chef d’Oneyzah envoyait messages
sur messages à Télal et au gouverneur de la Mecque, mais
ni 1 un ni l’autre n’était en état de lui prêter une assistance efficace.
Télal ne se sentait pas assez fort pour rompre ouvertement
avec le Nedjed; il se contenta d’une intervention pacifique dont
on ne tint aucun compte à Riad. Les efforts d’Abdel-Mottalib
échouèrent également ; car on savait bien qu’il ne jouissait plus
d’aucune influence à Constantinople. Enfin l’Egypte, dernier appui
des assiégés, abandonna une cause qu’elle aurait dû défendre.
Il était facile de prévoir qu’une ville isolée ne pouvait, malgré
le courage héroïque de ses défenseurs, résister longtemps à un
puissant empire ; les partisans de Zamil n’en continuaient pas
moins à espérer contre toute espérance, et à se flatter d’un
triomphe aussi invraisemblable que l’émancipation de la Pologne
ou la victoire de Sertorius lorsqu’il combattait contre les
légions de Pompée.
Telle était la situation desaffaires en août 1862; avant de quit ter
l'Arabie, je fus instruit du dénouement terrible de ce drame
sanglant, c’est pourquoi j ’ai cru utile d’en raconter l’origine et
les premières péripéties.
La guerre d’Oneyzah passionnait vivement Doheym et ses
amis. Leur conversation cependant , ne fut pas bornée aux
nouvelles politiques; on parla médecine, chirurgie, et je fus
charmé de trouver chez mes nouveaux clients un certain fonds
d expérience et même quelques connaissances pratiques. Les
environs d’Hayel abondent en plantes toniques, calmantes ou
narcotiques, et les habitants savent les employer à propos, suppléant
par la pénétration de leur intelligence, au défaut de
science médicale.
Quelques auteurs ont prétendu que les Arabes de l’inté rieur
sont incapables d ’aucun progrès dans les sciences positives e t
les arts in d u strie ls, héritage exclusif, disent-ils, des descendants