
dattes, d’une eau pure qui nous sembla délicieuse. Le jeune
Solibah avait fait la cueillette pour son propre compte. Avant
de q u itte r ce cha rmant b o sq u e t, nous témoignâmes le désir de
faire provision de quelques fruits pour la route ; le maître du
jardin nous conduisit aussitôt dans un petit pavillon où des
monceaux de dattes étalaient leurs grappes succulentes. Nous
en remplîmes un grand morceau de toile, qu’à cette intention
nous avions apporté avec n o u s , et nous donnâmes en retour
une petite pièce d’a rg e n t, métal apprécié ici, aussi bien qu’ailleurs.
Nous quittâmes ensuite notre h ô te , e t sortant cette fois
p a r la porte du v e rg e r, nous revînmes auprès de nos compagnons,
qui commençaient à être inquiets de notre absence.
Abou-Eysa en prit texte pour nous faire sur la prudence dont
nous nedevions jamaisnous départirdans les districts wahabites,
un sermon fo rt sage, q u i, — de même que tous sermons,
— fut mis en o u b li, jusqu’au moment où nous aperçûmes,
u n peu trop ta rd , qu’il au ra it été utile d’y conformer notre
conduite.
En quittant T hom ey r, nous gravîmes le dernier escarpement
du Toweyk central. Autour de nous se déployait un paysage
splendide que le Naïb lui-même, — fort peu disposé à se
prendre d’enthousiasme pour le Nedjed, — ne p u t s’empêcher
d’admirer. Les sommets pittoresques de la montagne limitaient
l’horizon dans la direction de l’est; mais au sud, à l’ouest et au
nord, s’étageaient, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, des
plateaux e t des plaines. Dans ce district se trouve le point leplus
élevé de l’Arabie centrale qui, d’après mes évaluations, doit être
à quinze ou vingt milles du village de Thomeyr. Le défilé que
nous franchissions en ce moment s’appelle « Thenyah-Atalah, »
c’est-à-dire, « la gorge aride et nue» ou bien *Eth-Thenyah, »
« la gorge par excellence, » parce que c’est la plus haute qui
existe dans le pays. La chaîne orientale est le célèbre Djebel
Atalah si souvent chanté par les poètes arabes. Non loin de là,
se trouve Yabroun, ville assez importante autrefois, mais réduite
aujourd’hui aux proportions d’une simple bourgade ; nos compagnons
ne nous l’au ra ien t même pas nommée sans la foire qui
s’y tien t tous les ans.
Le sentier pie rreux que nous suivions longe pendant trois
ou q u atre heures le sommet de la montagne, et la journée s’a vançait
quand nous commençâmes à redescendre, p a r un chemin
glissant et escarpé, la pente du Toweyk. Nous étions tous
brisés de fa tig u e , nos chameaux surmenés se traînaient avec
peine ; le Naïb, de fort mauvaise humeur, se soulageait en accablant
les gens de sa suite de reproches et d’injures. Une g re nade,
que le dignitaire persan avait mangée sans la partager avec
eux, servait de prétexte à la querelle. Il en était résulté « des
pleurs e t des grincements de dents, » car il fallait peu de chose
pour troubler l’égalité d’âme de nos estimables shiites ; je dois
reconnaître pourtant que Mohammed-Ali ren tra bientôt en lui-
même et parut honteux de son ridicule emportement.
Malgré la difficulté de la ro u te , il fallait nous hâter si nous
voulions arriver avant le coucher du soleil à Sadik, où nous
comptions prendre notre repas du soir. Après avoir traversé
plusieurs eollines verdoyantes, où notre approche faisait lever
des troupeaux de gazelles, nous aperçûmes enfin la ville assise
au milieu d u n e plaine rocailleuse; malheureusement la nu it
était déjà venue quand nous atteignîmes les remparts. Un puits
qu’entouraient des palmiers touffus, se trouvait à quelque distance
; nous résolûmes de faire halte en cet endroit, et nous commençâmes
à décharger nos chameaux tandis qu’Abou-Eysa entra
it seul dans la ville pour instruire le gouverneur de notre
arrivée. Contrairement à notre attente, le fonctionnaire nedjéen
eut la courtoisie de nous offrir l ’hospitalité dans son palais;
mais le Naïb déclara qu’il n ’avait pas la force de quitter les
moelleux coussins sur lesquels il s’était étendu. L’air de la nuit
n étant pas trop froid, nul d’entre nous ne crut devoir réclamer;
le gouverneur nous envoya bientôt les éléments d’un copieux
repas, viande, lait caillé, melons, miel et pain; les Arabes y ajoutèrent
le café, les Persans quelques tasses de leur breuvage favori
, et nous fîmes to u s , à la lu eu r des feux que nous avions
allumés, un souper joyeux.
Abou-Eysa, bien qu’il ne voulût pas nous le dire, savait que la
marche du lendemain serait encore longue et fatigante. En dépit
de nos p la in te s, il donna dès l’aube le signal du départ. Nous
quittâmes Sadik sans être entrés dans ses m urs, m ais ceux d’entre
nous qui avaient visité la ville en d’autres occasions, m’assurèren
t qu elle égale presque Medjmaa, pour l’importance et la
grandeur. Nous venions à peine; de nous mettre enmarche, quand