
Feysul rétabli dans ses États, se montra reconnaissant envers
l’homme qui l’avait replacé sur le trône ; il reconnut publiquement
_ conduite honorable de la p a rt d’un roi, — les grandes
obligations qu’il avait à Abdallah et résolut de lui donner une
couronne en échange de celle qu’il lui avait rendue. Il le nomma
vice-roi du Djebel-Shomer, déclara ce titre héréditaire dans sa
famille, et mit à sa disposition une armée wahabite pour fonder
le nouveau pouvoir.
Abdallah rep a ru t à Hayel, non plus misérable proscrit, mais
chef puissant et redouté. Il chassa la famille des Beyt-Ali, et fit
accepter dans toute la province son autorité souveraine. Il s é-
tablit dans la capitale où il s’occupa d’organiser une forte admin
istration, tandis qu’il confiait le soin de poursuivre ses rivaux a
son jeune frère Obeyd, surnommé le Loup à cause de sa perfidie
e t de son impitoyable cruauté. Les infortunés Beyt-Ali, obligés
de quitter Kefar après une lutte acharnée, furent poursuivis de
ville en ville jusqu’au Kasim, où ils avaient de nombreux adhérents.
Obeyd demanda du renfort au roi du Nedjed, s’engageant à
reme ttre les territoires conquis entre les mains des Wahabites.
Fevsul envoya une armée, et I le Loup » ravagea les plaines fertiles
du Kasim, avec une fu reu r si sauvage que son nom est
aujourd'hui encore, dans ce malheureux pays, l’objet d’une exécration
aussi profonde que celui dé Cromwell ou de Glaverhouse
en Irlande e t en Ecosse. Le vieil arbre des Beyt-Ali fut coupe
jusqu’à la racine ; un enfant, caché dans un petit v illag e , échappa
seul aux meurtriers. Plus tard, quand Télal monta su r le trô n e ,>
il fit venir le jeune homme, unique survivant de ses ennemis
héréditaires, lui rendit les biens de sa famille, lui donna dans
Hayel même une demeure somptueuse, et enleva, p a r cette conduite
généreuse autant qu’habile, lés derniers prétextes de r é volte
qui pouvaient re ste r à la faction rivale.
Pendant qu’Obeyd se liv ra it dans le Kasim à ses instincts de
bête féroce, Abdallah mettait ses soins à se consolider dans le
Djebel-Shomer. Kéfars’é ta it soumis; Woseytah, Lakitah, Mokah
e t d’autres bourgs importants tombèrent l’un après l ’au tre en
son pouvoir, malgré le u r énergique résistance, et bientôt son
autorité fut reconnue dans to u t le district des montagnes; toutefois
le nouveau souverain ne porta pas ses armes au-delà de
l ’Adja e t du Solma; quant aux conquêtes d’Obeyd, elles furent,
suivant les conventions, abandonnées au roi du Nedjed. Tant
que dura son règne, Abdallah paya scrupuleusement à Feysul
le tribut fixé, et pour mieux s’assurer l’appui de son puissant
voisin, de son jaloux bienfaiteur, il fit de la réforme wahabite
la religion officielle de ses États. Cette mesure, dictée p a r la
prudence plutôt que p a r la conviction, — car il craignait d’être
dépossédé p ar la même main qui l’avait élevé au trône, — re n contra
dans le Djebel-Shomer une vive opposition. Abdallah
cependant sentait la nécessité de fortifier son influence, e t dans
ce but, il avait épousé la fille d’un chef du clan des Djaafar ; avec
l ’aide de cette trib u guerrière et nombreuse, fort indifférente
aux subtilités dogmatiques, il réprima les tentatives de rébellion
des nobles; puis, satisfaisant à lafois son ambition e t la rapacité
de ses alliés les Bédouins, il prit des mesures énergiques pour
ru in er ses ennemis et assurer sa prééminence. Des complots
sans cesse renaissants se tramèrent contre lui; des sicaires l’assaillirent
sur la voie publique, des révoltes éclatèrent dans les
provinces ; Abdallah su t éviter tous les dangers, frapper au coeur
tous ses adversaires, si bien que son étoile, moins é c la tan te ,
mais aussi moins trompeuse que celle du héros corse, devint
célèbre dans l’Arabie centrale ; cet astre protecteur, cependant,
n’était autre chose que le courage, la prudence,' l’inflexible ré solution.
Mais l’habileté ne p u t lui conquérir l’affection des habitants
d’Hayel, qui voyaient d’un oeil mécontent son alliance
avec les Wahabites et les Bédouins.
Yers la fin de sa vie, Abdallah réalisa un projet q u ’il avait
conçu depuis longtemps, e t qui devait contribuer à l’affermissement
de sa dynastie. Jusqu’alors il avait habité l’antique résidence'
de sa famille, au milieu d’un q u artier où étaient réunis
les anciens chefs de la nation, ses égaux ou même ses supérieurs
par la naissance. Il agrandit Hayel, et sur le nouvel emplacement
ajouté à la ville, il je ta les fondements d’un palais plus en
rapport avec la majesté royale, où il résolut de s’en to u re r de
ses partisans fidèles, des nobles de sa création. Cet édifice n’était
pas encore achevé quand il mourut subitement, laissant trois
fils, Télal, Métaab et Mohammed, dont l ’aîné avait à peine vingt
ans.
Le jeune prince jouissait déjà d’une grande popularité, car ii
avaitfait pressentir debonne heure les hautes facultés qu’il porta