
son plus vif éc la t, olle s’étend à l’ouest comme un vaste cône et
éclaire l’horizon trois heures après le coucher du soleil ; toutefois
sa forme et sa couleur la font aisément distinguer des dernières
lueurs du crépuscule ; . elle repa ra ît ensuite à 1 orient
longtemps avant l’aube. Des myriades d’étoiles étincelantes parsèment
la voûte azurée, — je ne crois pas cependant qu elles
soient plus nombreuses que dans notre Europe, où les brouillards
du nord ne permettent pas toujours de les apercevoir;
toute la nuit, les veilleurs postés sur les tours criaient : Allahu
Altbar mot d’ordre du Kasim ; et la ville dormait ensevelie dans
l ’ombre au milieu de ses bosquets silencieux. Les souvenirs de
l’Inde, de la Syrie, de l’Europe, me semblaient les vagues réminiscences
d’une existence antérieure ; l’Arabie, le Kasim avaient
seuls la réalité de la vie actuelle. Maintenant, c’est la Péninsule
au contraire qui s’efface dans le lointain du passé comme un
rêve fugitif, et pourtant que de fois à Bereydah, songeant tristem
en t aux déserts et aux océans qui me séparaient de la patrie,
j ’ai pensé ne jamais la revoir!
Dès le matin, le bruit des mortiers et des pilons résonnait
dans les habitations voisines, où chacun se mettait en devoir de
faire le café. Nous nous levions à la hâte, et nous apercevions
Abou-Eysa déjà occupé à broyer la fève aromatique, tandis que
les flammes joyeuses d’un feu de bois brilla ient au milieu des
iu eu rs incertaines de l’aube. Aucun Arabe, si élevée que soit
sa condition, ne croit déroger en p rép a ra n t sa liqueur favorite ;
il est même plus fashionable de se charger soi-même de ce
soin, que de le laisser à u n esclave.
Notre séjour prolongé à Bereydah nous permit de faire une
excursion dans les villages d’Askha et Mudneb , afin d’étudier
la vie ru ra le dans le Kasim. J ’ai décrit déjà les habitations champêtres
lorsque nous avons visité la demeure de Moubarek, dans
le faubourg de Doweyr. Les maisons des paysans sont toutes
construites su r le même modèle, et v arient seulement de grandeu
r ; les villages propres, plaisants à voir, abrités p a r de beaux
arbres, sont abondamment pourvus d’eau. Quant aux h abitants,
ils vivent en général dans cette heureuse condition que souhaitait
le sage lorsqu’il demandait aux dieux de ne lui envoyer ni p au vreté
ni richesse; très-peu jouissent du superflu , aucun n’est
ré d u it à une extrême misère. Le sol n’a p p a rtie n t, ni à l’État
comme en Turquie, ni à d’opulents gentlemen-farmers, comme
dans la Grande-Bretagne; il est la propriété de ceux qui le cultivent.
Malheureusement, les taxes excessives imposées par le
gouvernement découragent, si elles n ’entravent pas entièrement,
l’essor de l’agriculture. Le sultan exige, à titre de trib u t régulier,
un dixième de toutes les productions du pays, dattes, blé, maïs;
de plus des contributions extraordinaires, prélevées à l’occasion
des « guerres saintes, » font quelquefois monter la redevance
payée p a r les provinces dépendantes du Nedjed, au tiers de la
récolte annuelle. En effet, les Wahabites étant le peuple saint,
« le petit troupeau sans cesse en butte à la haine du monde »
dont il est parlé dans le Coran, toutes leurs guerres sont saintes;
et personne, à moins d’être u n hérétique, un infidèle digne
des plus sévères châtiments, ne saurait refuser de contribuer
aux frais de leurs pieuses expéditions.
Le Kasim renferme beaucoup plus de champs cultivés que de
prairies, les chameaux et les moutons sont moins nombreux
ici que dans le Shomer ; ils forment cependant une partie
importante de la richesse du pays, et l’on eh exporte dans
les contrées voisines ; mais ils sont moins recherchés p a r les
étrangers que ceux des montagnes de Toweyk. On élève dans
le nord et dans l’est des chevaux qui offrent une grande analogie
avec ceux du Djebel-Shomer ; ils sont remarquablement
beaux, quoique inférieurs à la pu re race nedjéenne. De boeufs,
de vaches, de buffles, il n’en est pas question dans l’Arabie centrale.
Les pasteurs sont quelquefois des Bédouins, plus souvent
encore des paysans.
La taxe prélevée sur les troupeaux n’excédant pas u n vingtième
de le u r v aleur, la condition des bergers serait plus avantageuse
que celle des la b o u re u rs, si les impôts qui frappent
dans chaque ville la viande de boucherie ne rendaient en définitive
le commerce des bestiaux aussi peu lucratif que celui des
céréales. L’argent doit également à l’État une redevance, mais
comme il serait difficile pour le collecteur de savoir au ju s te ce
que renferme la bourse de chaque trafiquant ou de chaque industriel,
on fait une évaluation approximative de ses bénéfices
et il paye en conséquence. De plus, les marchandises sont soumises
à un droit d’entrée d’une valeur de q u atre shillings par
charge de chameau, somme exorbitante si l ’on réfléchit qu’elle