
khawah de Zamil, vers une heure de l’après-midi. Un esclave
avait été placé en sentinelle à la porte.mux J c a r te r les visiteurs
importuns. Nous étions à peine arrivés depuis dix minutes Iors-
que Télal entra, escorté de deux serviteurs armés, qu’il laissa dans
la cour. Il était simplement vêtu; son regard, plus sérieux encore
que de coutume, trahissait une préoccupation profonde ; il s’assit
e t garda quelques instants un silence que nous n’eûmes garde
de rompre. Enfin, levant les yeux e t les fixant sur les miens :
« Vous ne me demanderez pas, me dit-il, et je ne serai pas assez
imprudent pour donner, dans l’état actuel des choses, une ré ponse
positive et officielle à des communications comme les
vôtres. Cependant, moi, Télal, je vous assure de mon concours
et de ma ferme volonté. Continuez maintenant votre voyage;
quand vousreviendrez, ce qui, j ’espère, ne tardera pas, votre parole
fera lo'i dans ce pays, et ce que vous désirez s’accomplira.
Êtes-vous satisfait? » Je répondis que sa promesse comblait
mes désirs les plus chers, e t nous nous serrâmes la main, en témoignage
d’une alliance mutuelle.
Il ajouta qu’il ne désapprouvait nullement notre intention de
visiter la capitale wahabite ; mais il nous recommanda d’être
vigilants et circonspects, de parler le moins possible et de ne
nous confier à aucun hab itan t de Riad, quel que fût son rang ou
sa fortune. Il nous engagea aussi à ne pas différer notre départ,
car Obeyd pouvait revenir d’un instant à l’autre et nous susciter
de fâcheux ennuis ; dans cette pensée, le roi avait déjà donné à
une caravane qui se dirigeait vers Bereydah l’ordre de nous attendre.
Évidemment il était fort inquiet, pour lui-même autant que
pour nous, du résultat de notre voyage ; ses craintes n’étaient
nullement exagérées, comme nous eûmes lieu de nous en convaincre
quand nous fûmes arrivés sur le te rrito ire nedjéen.
Je lui demandai, afin de voir quelle serait sa réponse, s’il ne
nous donnerait pas une lettre pour le roi des Wahabites. » Cela
vous se rvirait peu, me dit-il; ma recommandation ne le disposerait
pas à prendre bonne opinion de vous. » Au lieu d’une
missive, il fît écrire p ar Zamil, — car Télal n’est pas grand
clerc, —un passe-port qui devait nous assurer une sécurité complète
dans toute l ’étendue de ses États. Je transcris ce document
pour l’instruction de notre ministre dts affaires étrangères :
« Au nom du Dieu très-bon, nous Télal-ebn-Rashid, à tous
nos sujets du Shomer, paix et bénédiction! Nous informons ceux
qui liront le présent sauf-conduit que Sélim-el-Eys-Abou-Mah-
moud et son compagnon Barakat font profession de médecine ;
ils voyagent sous notre protection, et personne ne doit les in quiéter.
La paix soit avec vous ! »
Télal apposa son cachet au bas du passe-port, et nous quitta
pour retourner au palais, après nous avoir de nouveau tendu la
main en nous souhaitant un heureux voyage et un prompt re tour.
Nous avions en effet l’intenlion de revenir en Syrie par le
Djebel-Shomer, quand nous aurions visité le Nedjed; mais des
circonstances imprévues nous obligèrent à prendre une route
différente. Il ne nous resta it plus qu’à faire nos préparatifs de
départ. Nous avions appris ce qu’il nous importait de savoir sur
la capitale et ses habitants; de nouveaux sujets d’étude sollicitaient
notre cu rio sité , une longue route s’étendait encore
devant nous, et l’automne approchait. De plus, la prolongation
de notre séjour n ’aurait pas été sans danger, car nous étions,
ainsi que Télal, étroitement surveillés par les espions d’Obeyd
et de Feysul. Les marchands de Bagdad, qui forment dans la
ville une puissante corporation, nous témoignaient une antipathie
profonde, supposant que nous étions en réalité des habitants de
Damas, pour lesquels les Shiites professent une haine héréditaire.
Aussi, bien qu’ils fussent ordinairement ennemis des sectaires
wahabites, ils étaient d’accord avec eux pour nous haïr et
répandre sur nous d’odieuses calomnies. Enfin, notre provision
de remèdes diminuait rapidement, et nous avions à craindre, si
nous exerçions trop longtemps la médecine dans un même endroit,
qu’il ne nous restât plus assez de médicaments pour rem plir,
pendant le reste du voyage, le rôle de docteur qui assurait
nos moyens d’existence. Je n ’ai pas besoin d’ajouter que, dans
notre situ atio n , les conseils de Télal équivalaient à des ordres
Cependant, malgré les raisons impérieuses qui nous pressaient
de partir, nous éprouvions un. vif regret de qu itter une ville
dans laquelle nous possédions des amis sincères, pour nous diri-
gers vers un pays où nous étions sûrs de ne trouver ni un accueil
aussi bienveillant ni une sécurité aussi grande. Ce que nous
entendions dire du Nedjed était si peu encourageant, l’horizon
qui s’ouvrait devant nous était si sombre, que je me repentais