
envahisseurs se re tirè ren t, la ville d’Hayel, qui par son importance,
sa richesse, -sa position centrale, était déjà la première
cité du Djebel-Shomer, confia l ’autorité suprême à l’antique famille
des Beyt-Ali. Malheureusement, ces nobles praticiens paraissaient
connaître « le droit divin que possèdent les rois de
mal gouverner leurs peuples, » et ils le mirent largement en
pratique.
Dans la même ville, habitait aussi un chef jeune et audacieux,
appa rtenant à la famille des Raschid, une des plus nobles de
la trib u de Shomer. Il se nommait Abdallah, possédait une
grande fortune, était populaire dans la province, et, fort du
sentiment de sa supériorité, il forma le projet de renverser les
Beyt-Ali. Ses partisans étaient nombreux, les habitants d’Hayel
favorisaient ses desseins, il chassa ses rivaux et s’empara du
pouvoir. Mais la ville de Kefar, qui était alors presque aussi puissante
e t aussi peuplée que la capitale, re sta fidèle aux anciens
chefs ; une g uerre sanglante s’engagea entre les deux factions,
et la fortune trah it Abdallah.
Obligé de fuir, il p rit avec quelques-uns de ses parents la
route du Djowf, où il espérait trouver asile et protection. Son
attente ayant été trompée, il s’enfonça dans la Wadi-Sirhan,etil
e rra it dans les profondeurs de la vallée sauvage, lorsqu’il se vit
soudainement entouré d’une troupe nombreuse de Bédouins
Anezeh, implacables ennemis de la tribu de Shomer. Abdallah
e t ses compagnons se défendirent vaillamment; mais, vaincus
p a r le nombre, ils tombèrent tous su r le champ de bataille. Les
barbares Anezeh achevèrent les blessés, les dépouillèrent de
leurs vêtements, e t se re tirè re n t chargés de butin.
L’élu d’Allah ne pouvait périr aussi misérablement, et la fertile
imagination des Arabes devait doter un fondateur d’empire
des aventures les plus merveilleuses. Voici ce qui me fut raconté,
de l ’a ir le plus convaincu du monde, p ar mes amis du Djebel-
Shomer. Abdallah était étendu sans m ouvement et p rêt à rendre
le dernier soupir au milieu des morts e t des mourants ;. son
sang coulait à flots d’une large blessure, il allait expirer quand
les sauterelles du désert se réu n iren t autour de lui et, à l ’aide
de leurs pattes et de leurs ailes, couvrirent ses plaies de sable
chaud. Ce pansement d’un nouveau genre re tin t dans ses veines
la source de la vie ; en même temps, une bande de katas, sorte
de perdrix communes dans ces régions, voletait au-dessus de sa
tête pour le protéger de l’ardeur.du soleil, — service qu’elles dédaignent
de rendre aux voyageurs bien portants e t dont ils a u raient
néanmoins une vive reconnaissance.
Un marchand de Damas, qui faisait partie d’une petite caravane
allant du Djowf en Syrie, vint à passer sur le lieu du miracle. Il
considéra le jeune chef, et, pensant qu’un homme aussi visiblement
protégé par la Providence était réservé à de hautes destinées,
il mit pied à te rre , banda les blessures d’Abdallah, le
plaça sur un de ses chameaux et l’emmena dans son pays.
Devenu l’hôte du charitable trafiquant, qui le tra ita it comme
son fils, le fugitif recouvra promptement la force et la santé. Son
généreux protecteur lui donna des armes, des provisions, une
bourse bien garnie e t le laissa p a rtir pour te n te r une seconde
fois la fortune.
Abdallah aurait pu revenir dans le Djebel-Shomer, mais il
rougissait d’y ren tre r comme sujet, après en avoir été roi. Suivant
donc un chemin .détourné, il arriva dans le Nedjed, où il
offrit ses services à Turki, fils d’Abdallah-ebn-Saoud. Ce prince
s’efforçait alors de reconquérir par les armes les provinces
dont l’avait dépouillé l’invasion égyptienne ; il accueillit avec
joie le hardi p a rtis a n , car il avait entendu v an ter ses talents
militaires. .Abdallah, toujours le premier à l’attaq u e , le plus
courageux dans la mê lée, obtint bientôt le grade de général
dans l’armée wahabitè.
Vers 1830, Turki résolut de ramener sous son obéissance
l’Hasa, un des plus beaux fleurons de l’ancienne couronne ned-
jéenne. Les affaires publiques ne lui permettant pas de q uitter
Riad, sa capitale, il confia le commandement de l ’expédition à son
fils Feysul, et Abdallah, malgré sa qualité d’étranger, fut chargé
de diriger les opérations, de concert avec le prince.
Les troupes venaient à peine d’atteindre les frontières de
l’Hasa, et de mettre le siège devant la ville d’Hofhouf, quand on
apprit la mort de Turki, lâchement assassiné pendant les prières
du soir p a r son propre p a ren t Meshari, qui, profitant de l’a b sence
de l’h éritier légitime, s’était emparé du trône.
Un conseil de guerre fut aussitôt assemblé ; la plupa rt des
chefs engagaient Feysul à conquérir d’abord l’Hasa ; puis, quand
il se serait emparé de cette riche province, à revenir, chargé