
est prélevée sur des objets qui ont peu de valeur sous un volume
considérable. Si aux exactions fiscales, nous ajoutons encore les
extorsions des gouverneurs locaux, les présents qu’il faut souvent
offrir à ces tyrans secondaires, le lecteur sera forcé de
conclure avec nous que les Wahabites font payer chèrement
aux provinces conquises l’avantage de posséder le dogme musulman
dans sa parfaite p u re té ; les Kasimites, je le crains fort,
apprécient beaucoup moins ce bien spirituel que les richesses
temporelles qui leur sont demandées en échange. Enfin, les
guerres continuelles et l’obligation d’y contribuer, non-seulement
par la bourse, mais par un service p ersonne l, achèvent
de ru in e r les habitants.
Ces maux cependant seraient supportés avec patience, s’ils
étaient infligés par un gouvernement national ; ce qui en augmente
l ’amertume, c’est qu’ils sont l’oeuvre de chefs étrangers
qui absorbent peu à peu les places, l’influence, l’autorité, qui
s’emparent enfin de toute la richesse du pays. Tel homme verra
volontiers sa main gauche coupée p ar sa main droite, qui de la
p a rt d’un au tre , ne souffrira pas la piqûre d’une épingle. Les
prescriptions serviles d’une foi qui leur est antipathique, et
dont ils pourraient dire avec saint Jacques : * Ni nous, ni nos
pères ne nous sommes jamais soumis à rien de semblable, »
rendent plus intolérable encore l ’oppression politique. Les tr a casseries
religieuses de Laud1 n’eurent pas moins de part à la
grande insurrection qui éclata sous Charles Ier que le mécontentement
causé p a r les impôts, et la réforme cléricale excita en
Écosse plus d’indignation encore que les envahissements du pouvoir
ro y a l, la violation des privilèges du Parlement. Dans le
Kasim, les metowas et les zélateurs s’enrichissent aux dépens
d’un peuple qui les déteste, e t des taxes odieuses en elles-mêmes
le deviennent bien davantage quand elles sont prélevées au
nom de Dieu et de la vraie foi. « Obliger ceux qui ne mangent
pas à. faire les frais d’u n coûteux établissement culinaire » est
une mesure très-vexatoire, — p a r conséquent très-imprudente,
1. Laud archevêque de Cantorbéry et premier ministre de Charles I" , avait
formé le projet de réunir les trois royaumes sous une même religion, dont il aura
it été le chef. Dans ce but, il rédigea une liturgie qu’il voulut faire adopter
par toutes les sectes dissidentes, et qui souleva une violente opposition, surtout
chez les presbytériens d’Écosse. (Notedu traducteur.)
— alors même qu’elle émane de la souveraine autorité de
Peyseul.
Il ne faut cependant pas croire que le gouvernement wahabite
soit détestable de tous points., et qu’il n’offre aucun avantage
capable de compenser ses nombreux défauts, Il est mauvais,
— cela ne fait aucun doute, —mais il a remplacé dans beaucoup
de villes une administration plus vicieuse encore, ou même une
anarchie complète , des luttes intestines qui livraient le pays
aux déprédations des Bédouins. Si le monarque nedjéen lui
aussi, est pillard et cupide, s’il pressure les populations, il a
cependant le mérite de ne pas les laisser pressurer p ar d’a u tres;
maître jaloux, il ne permet à personne de chasser su r ses
terres. Les Adjman, les Oteybah, les Meteyr, les Benou-Khalid,
exerçaient au siècle dernier autant de violences et de brigandages
que leurs frères les Anezah en commettent aujourd’hui
dans les districts syriens; il n ’était pas alors moins périlleux
de voyager dans le Nedjed qu'il ne l ’est actuellement d’aller
d’Homs à Tadmor. Sous le gouvernement wahabite, les caravanes
traversent le Kasim, le Sedeyr, le Woshem ou toute autre
des hu it provinces qui composent le Nedjed central, sans re n contrer
de Bédouins, ou du moins sans avoir à les craindre ;
marchands, pèlerins, gens des villes e t des; campagnes parcouren
t en sécurité les grandes routes, ce qui est pour le commerce
e t l ’agriculture u n immense avantage ; aucun chef local, — si
ce n ’est pourtant un des proconsuls nedjéens, — ne saura it impunément
fouler aux pieds les droits de ses administrés, aucun
village ne peut dévaster les moissons du hameau voisin. Le
■droit d’oppression est réservé au gouvernement, au gouvernement'
seul ; c’est un monopole sacré auquel nul n’oserait
porter la moindre atteinte. Aussi les habitants de Riad ayant
un jo u r en ma présence félicité le Naïb persan, Mohammed-Ali,
de son heureuse arrivée dans la capitale, et fait resso rtir les
avantages de l ’ordre actuel, comparé aux dangers sans nombre
qui menaçaient autrefois le voyageur, le vieux Shirazite se tourna
vers moi avec un clignement d’yeux significatif , et me dit en
hindoustani : « Autrefois, il y avait ici cinquante voleurs,
maintenant il n’y en a plus' qu’u n , mais à lu i seul, il vaut les
cinquante. »
L’administration wahabite néanmoins, quoi qu’en p û t dire