
de Télal, avait pris une p a rt active aux événements qui affermire
n t le sceptre entre les mains de Feysul. Mais, bien qu il
en tre tîn t des relations étroites avec le Nedjed, il ne témoignait
aucune sympathie pour les dogmes religieux du pays. On pouvait
le reg a rd e r comme un allié, non comme un disciple. Il n en
était pas de même du fougueux e ta ltie r Obeyd; son esprit passionné
trouvait dans le fanatisme wahabite son élément n a tu re
l; il s’y je ta corps et âme, et Riad ne renfermait pas de secta
ire plus intolérant qu’Obeyd-ebn-ïlashid.
Excellent guerrier, d’une habileté et d une bravoure incontestables,
ne re cu lan t ni devant la trahison'et la violence, ni devant
le m eu rtre et le parjure, il possédait toutes les qualités re quises
pour devenir l’apôtre du vvahabisme dans le Shomer. De
sa propre main, disait-on, il n’avait pas égorgé moins de hu it
cents infidèles, ses soldats en avaient massacré des milliers;
grand était le nombre des arbres consacrés p ar la vénération pop
u la ire, qu’il avait abattus, des sépultures visitées depuis des
siècles p a r de pieux pèlerins, qü’il avait détruites de fond en
comble pour se conformer à l ’axiome des sectaires : « Les
meilleures tombes sont celles dont il ne reste aucune trace. »
Abdallah laissait à son frère le soin d’administrer, ou plutôt
de soumettre les villages, les villes, les provinces dont l’obéissance
ne lui était pas entièrement aequise. « Le Loup * se montra
digne de son surnom; tren te années de paix n’ont pas suffi à
repeupler les districts qu’il mit alors à feu et à sang. Son frère
profita de ses conquêtes et se borna au rôle plus modeste, mais
plus humain, de pacificateur. A sa mort, Obeyd, fatigué de lau riers
stériles, rassasié de carnage, résolut déplacer l a couronne
sur sa tête. La jeunesse de Télal, qui n’avait guère plus de
vingt ans, semblait devoir favoriser ses desseins; il se trompait.
Le fils d’Abdallah, quoique jeune d’années, avait l e jugement et
la sagesse de Fâge m û r ; il su t si bien gagner à sa cause la noblesse
d’Hayel e t les chefs des provinces, peu désireux de servir
les intérêts du puritanisme wahabite, qu’Obeyd, demeuré p re sque
seul, fut contraint de renoncer à ses prétentions.
Télal se se rt de son oncle à peu près comme le fe rmie r du
dogue hargneux qu’il laisse aboyer, mordre même quelquefois,
p o u r te n ir en respect les étrangers. Il lu i confie des expéditions
parfois dangereuses dans les districts des montagnes, non
sans un secret espoir que son cher parent y trouvera l’occasion
d’échanger sa gloire terrestre contre la palme immortelle du
martyr. Mais le dicton connu en Arabie comme en Angleterre :
« Le diable a la vie dure, » s’est vérifié cette fois encore, et le
sanguinaire, l’hypocrite Obeyd est jusqu’ici sorti sain e t sauf de
tous les périls.
La conformité du caractère e t des opinions religieuses a
depuis longtemps fait naître une étroite intimité entre Obeyd et
le fils aîné de Feysul, Abdallah. Les dignes amis entretiennent
ensemble une correspondance suivie dans le b u t de p répa re r le
triomphe du parti wahabite ; Télal y est représenté comme un
prince indifférent aux intérêts religieux, comme un infidèle dont
l’âme basse et cupide préfère la prospérité matérielle de son
royaume à l’unité de la vraie foi. Le palais d’Obeyd, à Hayel, est
le centre de la faction puritaine, le rendez-vous des émissairesned-
jéens. Là se réunissent tous ceux qu’attiren t vers la cause des
réformateurs la soif du pillage e t l’amour du despotisme ; ces zélés
croyants y exhalent leur pieuse indignation contre les moeurs du
temps, contre le commerce, le tabac, le polythéisme. Toujours assidu
aux prières publiques, Obeyd prend, dans la mosquée, la p re mière
place, que son neveu lui abandonne sans peine; souvent
m êm e , faisant l’office de prédicateur, il engage, avec plus de
zèle que de succès, les assistants à se convertir au wahabisme.
Enfin, pour ne négliger aucun des devoirs d’u n véritable orthodoxe,
il s’est fait construire aux environs d’Hayel un vaste harem,
dans lequel il a rassemblé un grand nombre de femmes et de concubines,
conformément au précepte de Mahomet: « Dieu ordonne
aux vrais fidèles de chercher le bonheur près des femmes. »
Pendant notre séjour dans le Djebel-Shomer, Obeyd, âgé de
soixante-dix ans, ajouta encore une nouvelle épouse à toutes celles
qu’il possédait déjà.
Tel était le prince qui, au re to u r d’une expédition meurtriè re ,
trouvait deux docteurs chrétiens établis dans la capitale. S’il eût
été le maître, notre séjour n ’aurait pas duré longtemps, mais,
instruit de la faveur dont nous jouissions à la cour, il cacha ses
sentiments et le loup se fit rena rd.
Le lendemain de son arrivée, vers midi, il se présenta devant
notre porte, escorté d’une douzaine de soldats. I l affecta la plu s
grande cordialité, nous tendit amicalement l a main, e t témoi